16/09/11

L’Ouganda doit revoir sa décision de renoncer aux financements de la BM

L'Initiative du Millénaire pour la Science a soutenu la recherche sur les méthodes de transformation de la banana en Ouganda Crédit image: Flickr/swiss.frog

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En Ouganda, l'Initiative du Millénaire pour la Science a permis le lancement de projets d'une diversité remarquable. Le gouvernement a tort d'y mettre un terme.

Depuis cinq ans, un vent de changement souffle sur la science ougandaise. Financés principalement par un prêt de US$ 30 millions versé par la Banque mondiale dans le cadre de l'Initiative du Millénaire pour la Science (MSI), un grand nombre de projets sont venus renforcer les capacités du pays dans les technologies, l'agriculture , et l'industrie pour répondre à ses besoins de développement.

Ces projets sont d'une diversité remarquable : de la recherche sur les méthodes d'élevage de la perche du Nil à la transformation de la banane (deux importantes sources de protéines), du développement d'un vaccin contre le paludisme à la rénovation des installations de recherche industrielle, du financement de groupes de recherche au sein des universités à la prise en charge d'étudiants de niveau doctoral et des enseignements de premier cycle.

Hélàs, cette nouvelle dynamique est aujourd'hui menacée. Selon le projet de budget 2012 proposé par le gouvernement et adopté par le parlement au mois de juin dernier, l'Ouganda n'entend pas demander des financements supplémentaires quand la phase actuelle du programme arrivera à terme à la fin de cette année – et ce malgré les appels de la Banque mondiale.

Les raisons avancées par le gouvernement pour expliquer cette décision sont certes justifiées. Il dit vouloir éviter toute dépendance à l'égard des bailleurs de fonds internationaux pour le financement de projets relevant des responsabilités régaliennes de l'Etat.

Or, en l'absence de signes concrets sur la disponibilité future d'un financement interne, la communauté scientifique ougandaise craint que cette décision ne soit le reflet d'une nouvelle apathie de leur pays à l'égard de la science, et que les activités de recherche en cours ne perdent cette inestimable source de financement.

Un tel évènement serait désastreux pour le pays à un moment où plusieurs de ses voisins, comme le Rwanda et la Tanzanie, avancent dans le sens contraire, prêts à tirer les avantages économiques et sociaux de l'essor de l'économie du savoir.
 

'Un rêve devenu réalité'


L'annonce en 2006 du prêt de la Banque mondiale, auquel le gouvernement ougandais a ensuite ajouté US$ 3,3 millions, a marqué le début d'une nouvelle approche radicale de financement de la science à travers le MSI.

Précédemment, les prêts du MSI, en particulier ceux accordés au Chili et à d'autres pays d'Amérique latine, avaient pour objectif de former un noyau de scientifiques principalement grâce à l'établissement de centres d'excellence en matière de recherches. L'objectif étant de voir ces centres impacter plus largement sur d'autres activités scientifiques, par exemple, en freinant la fuite des cerveaux.

Le prêt MSI accordé à l'Ouganda adopte une approche différente. Il a été conçu pour soutenir tous les aspects du système national d'innovation, de la formation à la recherche en passant par l'appui aux mécanismes de ceommercialisation des résultats de la recherche, en rénovant par exemple à hauteur de US$ 4 millions l'Institut ougandais de recherche industrielle (UIRI).

Cette approche fut soutenue à la fois au sein de la communauté ougandaise de la recherche et en dehors (bénéficiant en outre, au moins dans sa phase initiale, de l'appui du Président Museveni lui-même). Parlant des effets du financement de la rénovation de l'UIRI par les soins du MSI, son directeur exécutif, Charles Kwesiga, l'a qualifié de 'rêve devenu réalité'. [1]
 

Consternation


Naturellement, la communauté scientifique ougandaise a exprimé sa consternation suite à la décision du gouvernement de ne pas solliciter le renouvellement de ces financements.

Le Conseil national ougandais pour les sciences et la technologie (UNCST), l'organe public chargé de la gestion de ces fonds, fait contre mauvaise fortune bon cœur, en déclarant que cette décision n'est pas nécessairement le reflet d'un choix de réduire le financement de la science mais simplement une décision politique sur la provenance des fonds.

D'autres se sont montrés moins diplomates. Dans un article publié l'an dernier dans le Daily Monitor, le plus grand quotidien ougandais, Thomas Egwang, directeur de Med Biotech Laboratories à Kampala et bénéficiaire de subventions du MSI pour son travail sur un potentiel vaccin contre le paludisme, a mis en garde les effets de cette décision imminente.

Selon Egwang, l'attitude du gouvernement envers la science est le reflet de l'apathie du Ministère des finances, organisme qui exerce un contrôle direct sur le budget scientifique en l'absence d'un ministère de la science.

Tout en appelant à la création d'un ministère la science et de la technologie, il estime que la situation actuelle 'sonne glas de la science en Ouganda'.
 

Un gaspillage tragique


Il serait certainement tragique pour le développement du pays si l'on assistait sans réagir à l'anéantissement des progrès enregistrés depuis quelques années grâce au MSI.

Par le passé, certains projets financés par la Banque mondiale, comme les grands barrages, ont été critiqués pour leur impact sur les communautés locales et la destruction des habitats sans pour autant répondre aux besoins locaux ni tenir leurs promesses.

L'initiative MSI en Ouganda est différente. Dès le départ, ses concepteurs et les personnes chargées de son exécution ont tout fait pour s'assurer que la satisfaction des besoins locaux soit inscrite au cœur de toutes les activités financées. Les rapports intermédiaires dressés au cours des cinq dernières années indiquent que le programme a atteint ses objectifs, à un rythme certes un peu plus lent que prévu.

Parmi les projets ayant remporté des succès, on compte une enquête sur les causes de la striure brune du manioc – dont l'agent est un virus entraînant la rouille des racines et engendrant des pertes d'environ US$ 100 millions de dollars chaque année en Afrique centrale, ainsi qu'un programme d'appui aux réseaux communautaires sans fil basés dans les télécentres des villes et des zones rurales.

Le MSI est également la preuve du bien-fondé d'une stratégie globale de financement d'appui à la recherche et à ses applications, par rapport à une stratégie axée sur le financement de projets isolés sans tenir compte de la nécessité de développer les marchés pour la commercialisation de leurs résultats.

Les personnes qui suivent les projets scientifiques en Afrique relèvent que sur ce continent, il existe de nombreux exemples d'initiatives financées par les bailleurs de fonds qui ont échoué à cause de l'absence d'un financement régulier une fois les fonds initiaux apportés par les bailleurs de fonds épuisés.

Dans le cas de l'initiative MSI ougandaise, ce n'est pas (pour une fois) l'argent qui pose problème, mais l'absence de volonté politique. Le gouvernement devrait revenir sur sa décision, dans l'intérêt du pays et de son avenir, avant l'épuisement des financements MSI à la fin de cette année.
 

David Dickson
Editorialiste, SciDev.Net

Références

[1] MSI: Uganda Industrial Research Institute (UIRI) (Science Initiative Group, 2010)