05/05/09

Les nanotechnologies pourront-elles satisfaire les besoins des pauvres en eau?

Les nanotechnologies peuvent contribuer à la fourniture de l'eau potable aux pauvres Crédit image: World Bank Photo Collection

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Les nanotechnologies ont un énorme potentiel pour satisfaire les besoins en eau potable des pauvres, à condition de relever de nombreux défis.

Quand l’économiste Fritz Schumacher , il y a plus de trente ans, a forgé l’expression ‘small is beautiful’ (ce qui est petit est beau), il entendait promouvoir comme solutions aux problèmes auxquels les pauvres du monde sont confrontés, celles axées sur les ‘technologies intermédiaires’, qui mettent l’accent sur les techniques, les connaissances et les matériaux locaux plutôt que des solutions de haute technologie.

Plus récemment, cette expression a pris un sens tout à fait nouveau. Le développement des nanotechnologies par des scientifiques et ingénieurs – processus de contrôle de la matière à une échelle atomique ou moléculaire – prouve que ce domaine peut aussi contribuer au développement durable.

Les promesses des nanotechnologies sont les plus évidentes et réalisables dans le domaine du traitement de l’eau. Les techniques de nanofiltration et les nanoparticules peuvent réduire ou éliminer les contaminants contenus dans l’eau et ainsi contribuer à la réalisation de l’un des Objectifs du Millénaire pour le Développement, et pas des moindres : réduire de moitié la proportion des personnes sans accès à l’eau potable d’ici 2015.

Les défis à relever sont légion, et ne sont pas uniquement d’ordre technique. Certains sont liés à la santé et à la sûreté, ainsi qu’à la nécessité de mesures de régulation, en vue de les préserver. D’autres plutôt politiques, comme la nécessité de rendre les technologies élémentaires à la fois accessibles et maîtrisables par les communautés qui en ont le plus besoin. Comme pour toute nouvelle technologie, un accueil favorable de la part des communautés est essentiel afin que les nanotechnologies puissent donner des résultats efficaces dans les villages du monde en développement, où les problèmes d’approvisionnement en eau se posent souvent avec plus d’acuité.

Nous avons pourtant de nombreuses raisons de croire que ces défis restent surmontables, et qu’il est possible de lancer, grâce aux nanotechnologies, un nouveau modèle d’application des technologies modernes aux besoins de développement. Ses applications actuelles montrent déjà comment la science et la technologie modernes peuvent être combinées avec succès, d’une part à des préoccupations sanitaires ou environnementales, et d’autre part à un engagement pour faire participer la communauté dans l’innovation technologique.

Elles constituent également la preuve de ce qui est réalisable lorsque chercheurs et entreprises oeuvrent non seulement pour sortir les fruits de leur recherche hors des laboratoires des pays développés afin de les adapter aux réalités locales des pays en développement, mais coopèrent aussi avec les parties prenantes sur le terrain dans le monde en développement.

Les nanotechnologies en action

Cette semaine, nous publions une série d’articles qui explorent les aspects liés aux nanotechnologies pour le traitement de l’eau.

Un article contextuel présente un aperçu général des grandes questions, résume les obstacles auxquels le monde butte dans ses efforts visant à fournir de l’eau potable aux pauvres, et examine la possible contribution des nanotechnologies, en donnant aussi une vue d’ensemble des principales initiatives existantes (voir ‘Les nanotechnologies d’épuration de l’eau : Faits et chiffres‘).

Le développement des nanoéponges qui absorbent l’eau et en filtrent les impuretés est un exemple de la contribution possible des nanotechnologies à la question de la purification de l’eau dans les pays tels que l’Afrique du Sud ; à condition de résoudre certains problèmes liés à leur commercialisation ou à leur évaluation (voir ‘Nanoéponges : Les grands espoirs de l’Afrique du Sud‘).

Ashok Raichur de l’Institut indien des Sciences de Bangalore, nous rappelle les défis qui se profilent à l’horizon et soutient que la solution réside dans la mise au point de produits réellement utilisables. Cela reste difficile : le passage aux applications commerciales demeure un objectif lointain pour la plupart des pays en développement (voir ‘Le traitement de l’eau à l’aide de la nanotechnologie nécessite la mise en place d’une technologie innovante‘).

Malini Balakrishnan et Nidhi Srivastava de l’Institut de l’Energie et des Ressources en Inde se penchent sur les dangers potentiels des nanotechnologies pour l’homme et l’environnement. S’il s’agit de questions importantes, la réglementation des nanotechnologies de traitement de l’eau devrait pourtant se faire à travers la modification des lois en vigueur sur la santé et la sûreté, plutôt que l’adoption d’une nouvelle règlementation (voir ‘La nanotechnologie pour une eau propre : Une nouvelle technologie, de nouvelles règles ?‘).

Deux chercheurs brésiliens, Paulo Sergio de Paula Herrmann Jr. et José Antônio Brum montrent comment la collaboration Sud-Sud contribue à la recherche et développement sur les nanotechnologies de traitement de l’eau en présentant un programme mené conjointement par l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud (voir ‘Le monde en développement participe aux progrès des nanotechnologies de traitement de l’eau‘).

Mohamed M. Abdel-Mottaleb, chef de SabryCorp, cabinet égyptien de consulting en nanotechnologies, montre comment la collaboration entre les chercheurs et les entreprises peut permettre d’exploiter les nanotechnologies pour le traitement de l’eau. Les nanotechnologies offrent l’opportunité à la fois aux grandes et aux petites entreprises du monde en développement d’innover, se développer et "combler leur retard" sur les entreprises du monde développé (voir ‘Les nanotechnologies pour le traitement de l’eau peuvent aider les entreprises à innover et se développer‘).

Enfin, Thembella Hillie et Mbuti Hlohe d’Afrique du Sud insistent sur l’importance de solides partenariats entre les scientifiques qui développent les solutions technologiques et les communautés utilisatrices, en soulignant quelques exemples saillants dans la manière dont les chercheurs sud-africains adaptent la recherche sur les nanotechnologies aux besoins locaux (voir ‘L’eau et les nanotechnologies : l’appropriation par les communautés est indispensable‘).

Une nano-pas après l’autre

Quand les scientifiques ont commencé à promouvoir les nanotechnologies pour le développement, plusieurs groupes œuvrant pour la protection de l’environnement ont lancé un avertissement plutôt sombre : si ces technologies ne sont pas gérées avec précaution, disaient-elles, leurs risques potentiels pour la santé et l’environnement pourraient susciter les mêmes réactions de rejet de la part du grand public que les organismes génétiquement modifiés.

Heureusement, ces vives réactions ne se sont pas encore manifestées. Cela s’explique peut-être du fait que les grandes entreprises multinationales, susceptibles d’être identifiées comme les méchants, se font pour l’heure discrètes dans ce domaine. Cela tient sans doute aussi du fait que les avertissements des critiques ont su alerter les gouvernements du monde sur la nécessité d’accueillir les nanotechnologies avec un enthousiasme prudent.

Les articles de ce dossier spécial le montrent : de nombreux défis restent à surmonter avant que les nanotechnologies ne puissent contribuer effectivement à l’amélioration de l’accès à l’eau potable. Mais si les difficultés sont nombreuses, les bénéfices offerts par une exploitation judicieuse des nanotechnologies le sont tout autant. L’organisation fondée par Schumacher, l’Intermediate Technology Development Group (Groupe pour le Développement de Technologies intermédiaires), a depuis changé de nom et s’appelle désormais Practical Action, signe de sa volonté nouvelle de combiner la technologie moderne avec les pratiques traditionnelles. Ce faisant, elle a permis aux nanotechnologies, bien qu’elles nous viennent des laboratoires de recherche du monde développé, de s’inscrire parfaitement dans la lignée des partisans du‘small is beautiful’.

David Dickson
Directeur du Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net)

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