01/12/17

Mieux gouverner par les données

Africa Data Graph
Crédit image: Kheng Ho Toh

Lecture rapide

  • Les experts appellent à un investissement massif dans l'économie du savoir
  • En particulier, ils soulignent l'importance des données dans les processus de décision
  • Toutefois, ils regrettent les retards de l'Afrique en la matière et appellent à l'action

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Dakar a abrité fin novembre une rencontre d’experts de haut niveau sur la science, la technologie et l’innovation (STI) et le programme de transformation de l’Afrique.

La quatrième édition du dialogue sur la STI, placée cette année sous le thème "Enseignement supérieur, sciences, technologies et innovation dans l’agenda d’intégration et de développement de l’Afrique", était organisée par le ministère sénégalais de l'Enseignement supérieur, de la Recherche Scientifique et de l'Innovation et la Commission Economique des Nations unies pour l'Afrique (CEA).
 
Le ministre sénégalais de l'Enseignement supérieur, de la Recherche Scientifique et de l'Innovation, Mary Teuw Niane, a déclaré, lors de l'ouverture des débats, que l'Afrique resterait à la traîne des autres continents, si les Etats ne s'unissaient pas pour relever collectivement les défis de l'enseignement supérieur, de la science, de la technologie et de l'innovation.

“Qui contrôle les données et l’information contrôle l’avenir.”

Seydina Sène, économiste principal à l’Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR)

Il a en outre souligné le besoin d'un "investissement massif dans les questions de connaissances nouvelles comme l'intelligence artificielle" ou les mégadonnées, pour que l'Afrique soit dans le rythme du monde.
 
Mary Teuw Niane a également appelé les Africains à rassembler leurs ressources pour produire une masse critique de scientifiques et de chercheurs pour aider à trouver des solutions aux problèmes du continent.

 

Au deuxième jour des débats, une grande partie des discussions a été consacrée aux données numériques et à leur importance dans le processus d’intégration et de développement de l’Afrique.

La guerre des données

"Qui contrôle les données et l’information contrôle l’avenir", a déclaré à SciDev.Net, Seydina Sène, économiste principal à l’Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR), spécialisée entre autres, dans la réforme structurelle de l'agriculture, ajoutant que "la guerre du 21siècle, c’est la guerre des données".

Les experts se sont en effet accordés sur le fait qu’avec la révolution des données et la transformation numérique qui va avec, une mauvaise maîtrise de tout le processus de collecte et de gestion des données serait rédhibitoire pour l’Afrique.

Seydina Sène précise qu'aujourd’hui, "on parle de données et d’intelligence économique et les Etats africains ont compris avec l’adoption des objectifs de développement durable (ODD), qu’ils doivent faire des efforts pour financer la collecte, la transformation et la diffusion des données, afin de renseigner les indicateurs qui évalueront leur performance à l’horizon 2030".

Alors que Seydina Sène estime que des efforts en termes d’exploitation des données et de prise de décisions basées sur les preuves sont légion sur le continent, en donnant en l’occurrence l’exemple de certains pays tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou encore le Kenya, Oumar Niang, directeur de l'Institut supérieur d'enseignement professionnel (Isep), à Diamniadio, au Sénégal, se montre plus radical.

Selon lui, "l’interrogation des données en amont de la prise de décisions n’est pas encore ancrée dans les mœurs africaines. Il y a certes des initiatives isolées, mais même à l’échelle mondiale, ce ne sont pas tous les présidents qui utilisent la puissance des données en tant qu'outil clé d'aide à la bonne gouvernance."

Kasirim Nwuke, chef de la section des nouvelles technologies et de l’innovation à la CEA, prend quant à lui une position moins tranchée.

Défis

Interpellé par SciDev.Net sur la question, il déclare que "l’Afrique n’est pas suffisamment présente dans le cloud computing, ce qui est critique pour les mégadonnées. L’Afrique fait beaucoup pour tirer parti des mégadonnées afin de consolider son économie et de la rendre compétitive, mais il y a des contraintes liées au manque de compétences techniques et d’ingénierie, ainsi que celles relatives à la disponibilité d’infrastructures, notamment l’électricité", a-t-il fait valoir.


 
Le chemin reste cependant long et parsemé de défis, jusqu’à l’adoption effective sur le continent de la culture des données.

Oumar Niang relève trois défis majeurs.

Le premier, celui de la gouvernance, devrait être relevé en amont du projet de mise en place d’un système de collecte et de traitement de données, à des fins managériales, dès la phase conceptuelle et permettrait d’assurer la maintenance des infrastructures et équipements et de mettre en place un modèle économique efficace pour leur gestion.

La production de contenus, c’est-à-dire de flux de données, constitue le second défi à relever par les pouvoirs publics, à travers la mise en place du dispositif nécessaire pour produire des données de qualité.

La mise en place de ce dispositif passe notamment par la formation de scientifiques des données et de spécialistes qualifiés, précise-t-il.

Enfin, le troisième défi est celui de l’ouverture et de la sécurisation des données, afin de garantir au continent sa souveraineté numérique.

Quoi qu’il en soit, l’Afrique, consciente de son retard technologique vis-à-vis du reste du monde, s'active à le rattraper.

C’est sans doute pour cette raison que Chérif Diallo, directeur des Technologies de l'information et de la communication, au ministère des Postes et télécommunications du Sénégal, affirme qu'il faut "considérer les TIC comme un prérequis à toute initiative de développement et pas seulement comme un secteur à part."