25/10/19

L’Internet mobile, 3,5 fois plus cher que le tarif “abordable”

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En Afrique subsaharienne, le coût élevé des données mobiles menace de compromettre la volonté d'un accès abordable à Internet pour tous. Crédit image: USAID/Riaz Jahanpour (CC BY 2.0). Cette image a été recadrée.

Lecture rapide

  • Selon un rapport, le coût des données mobiles en Afrique équivaut à 3,5 fois le seuil "abordable"
  • Une concurrence de basse échelle fait monter les prix dans de nombreux pays
  • Les experts estiment que les gouvernements doivent élaborer des politiques pour s'attaquer au problème

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Les personnes vivant en Afrique paient en moyenne 7,1% de leur salaire mensuel pour un gigaoctet (Go) de données mobiles, soit plus de 3,5 fois le seuil tarifaire considéré comme abordable.
 
C’est ce qui ressort d’un rapport de l’Alliance for Affordable Internet (A4AI), selon lequel le tarif abordable correspond à 2% du revenu mensuel.

Si le salarié américain moyen dépensait 7,12 % de son revenu pour se connecter, 1 Go de données coûterait 373 USD par mois, précise le rapport.
 
L’étude constate que les progrès en matière de concurrence ralentissent dans les pays à revenu faible et intermédiaire, en raison de fusions entre opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d'accès à Internet (FAI).
 
Cette tendance risque de compromettre la volonté de rendre l'accès à l'Internet abordable pour tous, la moitié de la population mondiale ne pouvant toujours pas se connecter.
 
Même si la barre des 50% a été atteinte à la fin de l’année dernière, cela reste loin de l’objectif de l’accès universel de l’ONU.

“Donner aux gens une visibilité et des opportunités de se connecter avec les autres et de faire entendre leur voix est un élément important du progrès humain et économique.”

Claire Melamed, PDG, Partenariat mondial pour les données de développement durable

Le rapport 2019 sur l’abordabilité, publié le 22 octobre, estime que les citoyens des pays caractérisés par de faibles niveaux de concurrence entre opérateurs mobiles et FAI paient environ 3,42 USD par gigaoctet de données de plus que ceux des pays compétitifs.

Selon A4AI, ce tarif est « inabordable » pour de nombreuses personnes dans les pays à faible revenu.

A4AI estime que 1 Go de données coûte 7,33 USD de plus dans un pays où l’Internet est un monopole entre les mains d’une seule entreprise que dans les pays comptant deux opérateurs de téléphonie mobile ; le rapport précise en outre qu’il y a environ 260 millions de personnes dans le monde ayant accès à un seul opérateur et 589 millions vivant dans des pays à faible concurrence.

L’impact d’une concurrence limitée est considérable dans des régions telles que l’Afrique subsaharienne, où le prix de l’Internet représente environ 5,8% du revenu mensuel moyen.

Entre avril et juin 2019, dans un certain nombre de pays sur lesquels A4AI avait effectué des recherches en matière d'accessibilité financière, les pays africains représentaient les 13 derniers pays, le prix d'un gigaoctet dans ces pays représentant 10% ou plus du revenu mensuel moyen.

Ce chiffre atteignait 26% en République démocratique du Congo et plus de 20% en République centrafricaine et au Tchad.

Absence de concurrence

Selon A4AI, moins de la moitié (65 sur 136) des pays à revenu faible et intermédiaire étudiés dans le rapport ont des marchés pleinement concurrentiels.
 
« Cette tendance souligne l'urgence de promouvoir la concurrence pour soutenir des marchés sains offrant un accès Internet abordable,» ajoute-t-il.

« Les décideurs et les régulateurs doivent œuvrer pour encourager la concurrence et soutenir les nouveaux entrants. »

Dhanaraj Thakur, directeur de la recherche à la World Wide Web Foundation, qui dirige A4AI, estime que la réglementation doit encourager la concurrence pour encourager les nouveaux venus, offrir davantage d'options d'accès public à l’Internet et des initiatives communes des secteurs public et privé, ainsi que des réseaux appartenant à des municipalités ou à des communautés.

Les villages ou groupes de villages peuvent créer leurs propres réseaux à but non lucratif avec des services qui les intéressent, suggère Dhanaraj Thakur, citant des exemples tels que le réseau appartenant à la communauté de Zenzeleni, dans les zones rurales d'Afrique du Sud.
 
« L’accès à l’Internet haut débit coûte encore trop cher», dit-il. « L'un des moyens d'aider à réduire les coûts consiste à intensifier la concurrence et à combiner davantage de solutions… Nous estimons que rien n'est fait à cet égard. »

Cela nécessite un effort concerté des gouvernements, ajoute-t-il.

Bien que les progrès soient lents, Dhanaraj Thakur a déclaré que les gouvernements adoptaient progressivement des politiques et que l'accessibilité financière s'améliorait.

Le rapport cite le Cameroun et le Mali parmi les pays qui ont contribué à accroître l'abordabilité financière, grâce à de nouveaux plans nationaux pour le haut débit.
 
Fekitamoeloa Katoa 'Utoikamanu du Bureau du Haut Représentant des Nations Unies pour les pays les moins avancés, dans les pays en développement sans littoral et dans les petits États insulaires en développement, a déclaré que le monde avait assisté à de « formidables avancées » dans le domaine de la technologie numérique, mais que des millions de personnes étaient "laissées pour compte".

Elle demande aux pays les plus pauvres du monde d’être soutenus dans l’élaboration de politiques, de réglementations et de projets favorisant l’accès à l’Internet et son adoption.

« Nous savons trop bien que l'accès à l’Internet et son utilisation modifient considérablement les conditions humaines, sociales et économiques », a-t-elle déclaré.

Claire Melamed, PDG du Partenariat mondial pour les données de développement durable, déclare pour sa part qu'il est vital que « les progrès technologiques ne renforcent pas les désavantages. »

« Donner aux gens une visibilité et des opportunités de se connecter avec les autres et de faire entendre leur voix constitue un élément important du progrès humain et économique », a-t-elle déclaré.

« Ce n’est pas facile pour les gouvernements débordés de s’impliquer dans un environnement réglementaire complexe, mais des politiques et des approches coordonnées sont nécessaires pour concrétiser l’incitation à ne pas faire des laissés pour compte. »