15/12/09

Les podcasts au service des agriculteurs les plus modestes

Les podcasts sont enregistrés par les membres des communautés locales Crédit image: Practical Action Southern Africa, Zimbabwe

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Pour Lawrence Gudza, chercheur auprès de Practical Action, les podcasts contribuent à faire sortir la population d’une agriculture de subsistance au Zimbabwe.

Dans le monde en développement, les populations ne disposent souvent pas d’un accès aux informations dont la portée pourrait pourtant faire évoluer leur situation économique. Les habitants des parties reculées de l’Afrique, notamment, pourraient tirer avantage de certaines connaissances susceptibles de les aider à sortir d’une agriculture de subsistance pour devenir de petits exploitants prospères à vocation commerciale.

Pour ce faire, ils ont besoin d’une meilleure information , pertinente et mise à jour, sur la production et la gestion agricoles. Il leur faut connaître, par exemple, les stratégies d’identification, de traitement et de lutte contre les maladies du bétail ainsi que les meilleures techniques de récolte, de stockage et de commercialisation de leurs cultures.

Certains pays africains comme le Zimbabwe tentent de combler ces lacunes en investissant dans des services de vulgarisation agricole. Or ces programmes manquent souvent de ressources, de coordination et ne sont pas offerts dans une perspective durable. Les petits agriculteurs, ainsi, ne reçoivent que rarement les informations en temps et en lieu voulus, ou dans un format ou dans une langue qui leur soit familière.

Le partage des connaissances

Il nous faut concevoir de nouveaux canaux de vulgarisation des informations dans les pays souffrant de réseaux routiers et d’infrastructures de communication faibles. De nombreuses communautés ne disposent pas d’un accès à Internet, ne reçoivent ni de signal radio ni de signal télévision, et n’ont même pas accès à l’électricité.

Ces nouvelles méthodes de vulgarisation doivent donc être à la fois faciles d’utilisation et abordables. Elles doivent permettre aux communautés d’identifier leurs propres besoins en information, et de partager les riches connaissances locales dont elles disposent.

La radio est communément utilisée comme principal medium de communication dans les régions pauvres, atteignant avec succès depuis longtemps beaucoup de communautés rurales en Afrique. Mais sur la majeure partie du continent, son utilisation est soumise à une réglementation restrictive ; et en raison de la nature éphémère des émissions, la radio ne peut jouer le rôle de média d’échange de connaissances à la demande.

Dans le monde développé, les podcasts – des fichiers numériques simples, appelés aussi baladodiffusions – deviennent une alternative largement utilisée pour la distribution du contenu audio et vidéo, surtout sur Internet. Le podcasting se prête aisément au partage de connaissances et se montre particulièrement adapté pour les communautés aux taux d’alphabétisation faibles. La technologie exploite ainsi les avantages proposés par les technologies de l’information et de la communication, étant facilement accessible, ouverte aux langues et voix locale, facile à utiliser et transposable au sein même des communautés.

Dans la majeure partie du monde en développement, l’essor de la baladodiffusion se fait pourtant attendre, en raison de la mauvaise qualité des infrastructures de communication et du réseau électrique. Mais un projet pilote  géré au Zimbabwe par l’ONG de développement Practical Action prouve qu’en dépit de ces obstacles, le podcast peut se révéler un outil efficace pour les agriculteurs pauvres.

Les piliers du podcasting

Le district rural de Mbire abrite de petites communautés agricoles. La région ne connaît ni l’électricité, ni le téléphone fixe ni d’infrastructures de téléphonie mobile. Les rares routes ne sont pas bitumées et sont souvent détruites par les inondations, rendant parfois de vastes zones inaccessibles pendant des semaines voire des mois.

Les informations relatives à la production et la gestion des cultures et du bétail sont habituellement rassemblées par les organismes publics et disséminées par les agents de vulgarisation agricole par le bouche à oreille ou grâce à des brochures ou des affichages (que beaucoup ne peuvent lire). Les communautés locales n’ont aucune possibilité d’apporter leur contribution ou d’influer sur ce processus.

Practical Action s’est fixé comme objectif de combler ces lacunes au moyen de podcasts. L’organisation a pour credo que le succès de tout podcasting, quel que soit le milieu dans lequel il est mis en œuvre, est fondé sur trois éléments essentiels : les populations, le contenu et la technologie.

Nous avons d’abord cherché à impliquer toutes les parties prenantes dans l’identification d’un contenu sachant répondre aux besoins locaux de production et de gestion agricoles. Les agents publics de vulgarisation ont ainsi collaboré avec les autorités locales, les représentants de la communauté et d’autres acteurs de développement pendant six mois pour produire, monter et conditionner 32 podcasts.

Les baladodiffusions sont en langues locales, enregistrées par des membres des communautés locales. Pour captiver l’attention des auditeurs, ils font recours à divers formats, notamment le dialogue.

Nous avons ensuite choisi un nombre de lecteurs MP3 pour lire les podcasts. Les lecteurs, coûtant US$ 100 pièce, sont alimentés par des batteries, faisant ainsi fi de l’absence de connexion du district au réseau électrique. Une fois chargées, les piles durent plus de 40 heures, permettant à plus de 2,800 habitants de la localité d’écouter les podcasts sur une période de deux semaines.

Les lecteurs sont stockées dans des "bibliothèques du savoir" mobiles accessibles à tous. Chaque MP3 est livré avec deux jeux de batteries rechargeables, qu’un partenaire local se charge de remplacer au moins une fois tous les quinze jours.

Des progès agricoles

Ce projet pilote a eu un impact certain à Mbire en termes d’amélioration de la production agricole. La production laitière est passée de 0,5 à deux litres par vache et par jour, et le taux de natalité du bétail a augmenté de 18 pour cent. On assiste aussi à une meilleure gestion de la nourriture du bétail et à une croissance dans les variétés et la productivité des cultures.

Le projet a facilité l’accès aux connaissances, toute la communauté pouvant comprendre la langue utilisée, et l’illettrisme n’étant plus un obstacle. En outre, les informations communiquées combinent à la fois connaissances locales et scientifiques ; elles sont disponibles à la demande, et leur diffusion ne pâtit pas d’événements extérieurs comme les inondations, ou la mauvaise qualité des infrastructures.

Six mois après le lancement du projet, la technologie a déjà atteint plus de 75 pour cent de la population locale. L’échange de connaissances entre agriculteurs s’est également développé, une grande proportion de communautés voisines profitant également des informations diffusées.

Practical Action réfléchit désormais au développement de ce projet, à la fois dans le district de Mbire et dans cinq autres régions. Nous envisageons d’organiser des réunions de sensibilisation avec les décideurs politiques, pour les exhorter à utiliser le podcasting dans les services de vulgarisation existants et les inviter à réfléchir à un allègement des restrictions imposées aux radios communautaires.

Les organismes publics et les donateurs doivent concentrer leurs efforts à l’amélioration des moyens de subsistance des pauvres des zones rurales. Pour ce faire, ils doivent reconnaître que les informations et les connaissances, ainsi que l’accès aux services d’appui et aux marchés, sont essentiels dans la lutte contre la pauvreté. Le podcasting pourrait jouer un rôle primordial dans l’atteinte de cet objectif.

Lawrence D. Gudza est directeur du programme Nouvelles Technologies auprès de Practical Action au Zimbabwe.

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