18/04/12

L’utilisation durable des sols doit être une priorité au sommet Rio+20

Au Niger, les activités de reboisement sont suivies par des comités villageois Crédit image: Flickr/vodkamax

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Luc Gnacadja de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification exhorte les dirigeants du monde à promouvoir des méthodes efficaces d’utilisation des sols pour atténuer les effets de la sécheresse.

Les sécheresses graves qui frappent en Afrique rappellent avec brutalité le caractère injuste de l’ordre planétaire. Dans la Corne de l’Afrique, environ 13 millions de personnes peinent à disposer d’une alimentation suffisante et environ le même nombre de personnes, dont la plupart sont des enfants, souffrent de la faim au Sahel, région qui traverse le continent d’est en ouest, au Sud du Sahara.

Aujourd’hui, la sécheresse frappe certaines parties de l’Afrique sub-saharienne beaucoup plus fréquemment que le cycle habituel d’une sécheresse tous les dix ans, et cela plus sévèrement. Alors même que les habitants de la région sont les moins responsables de ces changements climatiques.

L’an dernier, la réponse de la communauté internationale à la crise dans la Corne de l’Afrique a accusé un retard et une lenteur catastrophiques. Des dizaines de milliers de personnes auraient pu être sauvées si nous n’avions pas attendu que la crise alimentaire qui sévissait dans toute l’Afrique de l’Est dégénère en famine en Somalie.

Pis encore, l’aide humanitaire aggrave la vulnérabilité des communautés dépendantes de l’agriculture à la prochaine sécheresse. L’aide alimentaire perturbe les marchés locaux, les agriculteurs perdent des revenus et la motivation à produire parce que les populations locales peuvent obtenir gratuitement des aliments.

Aujourd’hui, les rapports les plus récents des systèmes d’alerte prévoient une nouvelle crise cette année, à la fois dans la Corne de l’Afrique et dans le Sahel, alors que ces régions ne se sont pas encore remises des sécheresses de 2010 et 2011. [1] Qu’allons-nous faire, face à cette situation ?

Protéger, pour prospérer  

Les agriculteurs des régions de Maradi et de Zinder au Niger savent ce qu’il faut faire. Au cours des 20 dernières années, ils ont protégé les arbres sur quelque cinq millions d’hectares de terres agricoles. Les zones où jadis aucun arbre ne poussait, ou seuls quelques-uns par hectare, en comptent aujourd’hui jusqu’à 120. Ces arbres améliorent non seulement la fertilité des sols mais fournissent aussi du fourrage, des fruits et du bois de chauffage aux ménages.

Une récente enquête [2] montre que les agriculteurs qui préservent les arbres peuvent mieux faire face à la sécheresse que leurs homologues de la même région. Certains ont même produit un modeste excédent de céréales en 2011.

Il s’agit là d’un seul exemple de gestion durable très réussie des terres au niveau local. On peut également citer l’exemple de Yacouba Sawadogo, agriculteur burkinabé, personnage central du film documentaire, L’homme qui arrêta le désert. Associant techniques de plantation d’arbres et de culture, il a su transformer en trois décennies les terres arides de son village en une forêt cultivée de 15 hectares. [3]  

Il ne faut pas attendre que survienne la prochaine crise alimentaire. Nous devons vulgariser dès maintenant cette expérience et l’étendre aux niveaux national et régional. La sécheresse est prévisible. Les outils et les connaissances dont les agriculteurs ont besoin pour y faire face sont déjà disponibles. Ce qui fait problème c’est l’absence de volonté politique et la méconnaissance des pratiques existantes de gestion durable des terres.

Les premières mesures doivent être locales

La première étape consiste à donner aux communautés locales les moyens d’agir et promouvoir la communication entre agriculteurs.

En 2004, le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) a contribué à la création du premier comité villageois dans le district d’Aguie dans la région de Maradi au Niger, pour le suivi des activités de reboisement. La valeur de cette initiative a été reconnue au niveau national, suscitant la mise en place de comités similaires dans les villages voisins.

Aujourd’hui ces comités se réunissent régulièrement pour partager leurs expériences en matière de gestion des terres et pour protéger les arbres contre le vol.

En 2008, plusieurs agriculteurs venus du Sénégal ont visité des zones reboisées au Niger. A leur retour, ils ont utilisé les connaissances ainsi apprises pour protéger les jeunes arbres de leurs parcelles sur une superficie d’environ 40.000 hectares. Les autorités locales devraient soutenir ce type d’échange d’expériences.

Les médias locaux, nationaux et internationaux, doivent communiquer autour de ces exemples de réussite, notamment la radio, média le plus accessible aux agriculteurs en Afrique.

Une stratégie à la fois nationale et internationale

Il ne suffit pas de cibler les agriculteurs. Nous devons nous assurer que chaque pays vulnérable se dote d’une politique nationale de gestion de la sécheresse fondée sur des systèmes efficaces d’alerte précoce, de préparation, de gestion des risques et d’atténuation. Ces efforts sont menés par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et l’Organisation mondiale de la météorologie. Ces politiques doivent inclure des régimes d’assurance permettant, par exemple, aux agriculteurs et aux éleveurs frappés par la sécheresse de bénéficier de l’aide du gouvernement.

Nous devons surtout renforcer les capacités des petits exploitants à devenir des ‘champions’ de la course contre les effets désastreux des changements climatiques. Dans la plupart des pays africains, les terres que les populations locales cultivent depuis des générations sont juridiquement la propriété du gouvernement, alors que les agriculteurs  préserveraient leurs arbres s’ils jouissaient de droits clairement définis sur ces terres. Les gouvernements africains doivent donc reconnaître ces droits dans la législation qui régit les forêts et l’agriculture.

Plusieurs études démontrent que favoriser la résilience à long terme présente un meilleur ratio coût-efficacité que l’élaboration d’une réponse ponctuelle à une crise donnée.  Cependant, il semble plus facile pour les organismes d’aide de justifier les dépenses pour nourrir un enfant affamé que d’aider son père à produire assez de nourriture.

Au moment où la communauté internationale débat de la place de l’économie verte et du développement durable à la conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20), il est impensable que nous restions les bras croisés devant des dizaines de milliers de personnes mourrant de faim.

Nous devons agir aux niveaux local, national et international pour accorder la primauté de l’action aux agriculteurs et soutenir l’utilisation durable des terres et les initiatives de reboisement.

Le sommet Rio+20 doit en faire une grande priorité. Cela est essentiel afin d’empêcher une nouvelle crise alimentaire en Afrique et pour relever le défi mondial qui consiste à nourrir neuf milliards de personnes d’ici 2050.

Luc Gnacadjaest le secrétaire exécutif de la Conventions des Nations Unies sur le développement durable qui œuvre pour une réponse intégrée à la désertification, la dégradation des sols et la sécheresse.

Références

[1] Al Jazeera Aid agency warns of West Africa food crisis. (9 March 2012)
[2]
Food security and water in Africa’s drylands (African re-greening initiatives, 2012)
[3] 1080 Films The Man Who Stopped the Desert. (2010)

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