03/07/14

Les troubles de Tombouctou mettent au jour des manuscrits historiques

Timbuktu Manuscripts_Flickr_MINUSMA_Marco Dormino
Crédit image: Flickr/MINUSMA/Marco Dormino

Lecture rapide

  • Les 300. 000 manuscrits étaient pour la plupart gardés dans des collections privées à Tombouctou
  • Ces textes en arabe peuvent à présent être consultés plus facilement dans la capitale du pays
  • C’est l’une des plus grandes collections de travaux de recherche islamiques dans le monde

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Des chercheurs affirment que le sauvetage en secret de milliers de manuscrits historiques à Tombouctou au Mali lors de la violente prise de la cité par les combattants islamistes l’an dernier a permis de mettre ces textes à la disposition des chercheurs pour la récupération des connaissances médicales et agricoles.

Selon Dimitry Bondarev du Centre d’études des cultures manuscrites de l’Université de Hambourg, ces près de 300 000 manuscrits rédigés entre les quatorzième et dix-septième siècles constituent l’une des plus grandes collections de travaux de recherche islamiques au monde.

“ La crise qui a mis en danger ces manuscrits a convaincu les gens de la nécessité de les conserver par la numérisation et la recherche”

Alfadoulou Abdoulahi, de la ABI

Toutefois, Bondarev souligne que leur contenu reste largement inconnu, parce qu’ils ont été pour la plupart gardés dans des collections privées à Tombouctou, une ville reculée à la lisière du désert du Sahara.

Selon Alfadoulou Abdoulahi, chercheur à l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba (IHERI-AB) au Mali, la colonisation a aussi détruit les méthodes traditionnelles de transmission des savoirs contenus dans les manuscrits en caractères arabes, et qui n’étaient pas enseignées pendant la colonisation française.

"La colonisation française a rompu les systèmes de transmission des savoirs», poursuit-il.

"Les Maliens ne savent pas grand-chose de ces manuscrits, excepté les bibliothécaires responsables des collections— qui n’ont pas eux-mêmes étudié ces manuscrits préoccupés qu’ils étaient par leur regroupement auprès de collections privées", explique-t-il.

Pendant l’occupation de Tombouctou l’année dernière, les bibliothécaires de la ville ont transféré les manuscrits à Bamako la capitale malienne au cours d’une opération secrète pour qu’ils ne soient pas endommagés. La plus grande partie de la collection a été sauvée, même si près de 4000 de ces manuscrits ont été perdus dans l’incendie de deux bibliothèques, relève –t-il.

Cette perte nous a certes fait de la peine, mais elle nous a aussi incité à redoubler d’efforts pour étudier les manuscrits, déclare Abdoulahi qui depuis 2000, a numérisé près de 45.000 manuscrits avec le concours de L’IHERI-AB.

"La crise qui a mis en danger ces manuscrits a convaincu les gens de la nécessité de leur conservation par la numérisation et la recherche, » dit-il. «C’est la seule manière de sécuriser le savoir contenus dans les manuscrits."

Il est vrai que se trouvant à Bamako, ces documents sont désormais plus accessibles aux chercheurs, mais le changement des conditions climatiques, du Nord Mali ride au sud humide, constitue une nouvelle menace à leur survie fit remarquer Bondarev qui pilote un projet financé par les Allemands dont le but est d’améliorer les conditions de leur conservation.

Une bonne conservation constitue la première étape de l’approfondissement de l’étude des manuscrits qui pourrait ouvrir de nouveaux champs de recherche scientifique sur les utilisations médicales documentées des plantes locales et des méthodes traditionnelles de prévention du paludisme, affirme Bondarev.

 Les spécialistes de l’histoire de Tombouctou ont également mis l’accent sur la productivité agricole, la préservation des méthodes traditionnelles d’amélioration des rendements des cultures locales comme le riz que renferment ces manuscrits.

"Ces travaux sur l’agriculture pourraient être utilisés comme une alternative à l’exploitation moderne des sols africains avec des techniques agricoles importées,» déclare Bondarev. "Mais nous attendrons que quelqu’un commence à fouiller ces manuscrits à la recherche des connaissances agricoles"

Selon Abdoulahi, la valeur ultime de ces manuscrits tient au fait qu’ils permettent de donner une place à l’Afrique dans l’histoire de la science.

"Les manuscrits ont aussi une valeur d’affirmation de l’identité".

"L’Afrique a souvent été exclusivement considérée comme un continent de traditions orales, mais nous avons une riche histoire de recherche scientifique. Elle est peut-être mal connue mais elle existe", rappelle- t-il.