12/04/12

Les agriculteurs africains doivent passer aux biopesticides

Le champignon Beauveria bassiana peut protéger le chou contre la fausse-teigne des crucifères Crédit image: Flickr/BugMan50

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Pour Manuele Tamò, entomologiste agricole, les bio-pesticides sont meilleurs et plus sûrs que les pesticides chimiques, et les décideurs politiques devraient les promouvoir davantage

L’agriculture est, et restera pour les années à venir, le principal moteur du développement économique en Afrique. Des légumes constituent une importante source de revenus et de nutrition, comme le niébé en Afrique de l’Ouest ou le haricot ordinaire en Afrique de l’Est.

Les cultures maraîchères et horticoles deviendront bientôt plus importantes en raison de l’urbanisation croissante. Mais elles sont en proie à des insectes ravageurs et aux maladies qui peuvent réduire les rendements de près de 80 pour cent.

Les agriculteurs ont souvent recours à l’utilisation de pulvérisations de pesticides chimiques pour atténuer ce problème. Mais les pesticides sont généralement appliqués sans prise des précautions élémentaires de sécurité, comme par exemple se protéger contre les pulvérisation, ou sans respect du dosage approprié et des intervalles entre les applications.

Le problème est aggravé par les stratégies agressives de vente, lorsque les détaillants ciblent les producteurs qui savent à peine lire et écrire pour leur vendre des pesticides toxiques de qualité douteuse, parfois inappropriés — destinés par exemple à être utilisés sur le coton, et non sur les légumes.

En conséquence, les pesticides peuvent présenter des risques pour la santé des consommateurs, l’environnement, et les producteurs. On recense ainsi des effets secondaires aigus et chroniques, dont le développement de maladies de la peau et neurologiques. L’utilisation sans distinction d’insecticides à large spectre peut par ailleurs anéantir les ennemis naturels des ravageurs.

La plupart des producteurs ignorent les moyens naturels par lesquels les ravageurs et les maladies peuvent être gérés. Pourtant, les bio-pesticides – dérivés des plantes ainsi que des micro-organismes comme les virus et les champignons – n’ont pratiquement aucun impact néfaste sur la santé humaine et l’environnement.

Les avantages des bio-pesticides

Préparés et utilisés correctement, les bio-pesticides peuvent être aussi efficaces que les pesticides classiques. Mais leur action insecticide est plus lente, de quelques jours, et pour des agriculteurs habitués à voir des insectes morts une heure après l’application d’un pesticide chimique, cela peut être une préoccupation essentielle qui nécessite une explication minutieuse.

Des programmes de formation en utilisation de bio-pesticides offrent souvent des parcelles sur lesquelles les agriculteurs peuvent comparer le traitement chimique contre le traitement aux bio-pesticides — un outil essentiel pour l’éducation sur l’efficacité des biopesticides.

A la fin de la saison de culture, les bio-pesticides protègent bien les cultures, qui fournissent alors le même rendement que les traitements chimiques. Cela a été démontré par des essais en ferme utilisant le champignon Beauveria bassiana contre la fausse-teigne des crucifères Plutella xylostella, un parasite du chou. 

La lenteur de l’action insecticide des bio-pesticides est désormais un problème moindre, avec le développement par certains des plus importants parasites de l’agriculture d’une résistance aux pesticides chimiques.

Les insectes ont ainsi développé des mécanismes de détoxification suite à l’utilisation excessive des agriculteurs des mêmes substances chimiques. Ce phénomène est particulièrement bien documenté pour la fausse-teigne des crucifères ; elle est maintenant résistante à presque tous les insecticides commerciaux.

En revanche, la résistance n’est pas un problème avec l’utilisation des bio-pesticides ; jusqu’à présent, aucun signe n’existe en ce sens. Et cela pour deux bonnes raisons.

D’abord, si des organismes vivants comme des champignons ou virus spécifiques à certains insectes sont déployés comme bio-pesticides contre un ravageur, ils pourront co-évoluer pour contre-attaquer l’organisme cible si celle-ci tente de développer une résistance.

Ensuite, les extraits végétaux utilisés dans les bio-pesticides contiennent plusieurs substances actives ; il est bien plus difficile pour les insectes d’y développer une résistance comparé aux pesticides chimiques, dont la plupart ne compte qu’une ou deux molécules actives.  

Le développement de la résistance des insectes aux pesticides chimiques a été largement constaté, de sorte que même les agriculteurs analphabètes prennent conscience qu’il est préférable d’utiliser un bio-pesticide à action lente qu’un insecticide chimique.

La production locale

Les bio-pesticides peuvent être produits localement avec des matériaux bon marché et un équipement simple, et peuvent générer des revenus supplémentaires pour les ménages en favorisant la participation des femmes et/ou des jeunes chômeurs.

L’exemple récent de la production d’un baculovirus capable d’attaquer le ver de la capsule du coton en Inde démontre clairement la faisabilité d’une telle approche.

La production à une échelle communautaire de ce virus a été initialement financée par une subvention du ministère britannique du développement international. Mais elle s’est poursuivie au-delà de la fin du projet, poussant les organisations non gouvernementales (ONG), le secteur privé et même le gouvernement à mettre sur pied des unités de production.

Dans un autre exemple venant du Bénin, en Afrique de l’Ouest, l’ONG internationale SENS encourage des entreprises communautaires à aider les agriculteurs à co-investir dans la production de bio-pesticides.

Phileol-HVC, l’une de ces jeunes entreprises, commercialise déjà un mélange d’huile de neem et d’huiles essentielles sous la marque BioPhyto. Conçu pour la pulvérisation sur les cultures horticoles, il coûte une fraction du prix des pesticides synthétiques, et continue pourtant à présenter les avantages souhaités en ce qui concerne la lutte contre les ravageurs et la protection de l’environnement.

Intensifier leur utilisation

Dans ce cas, pourquoi davantage d’agriculteurs n’ont-ils pas recours aux biopesticides en Afrique ?

En Afrique de l’Ouest, la raison principale est leur manque de disponibilité dans le commerce. Certains agriculteurs peuvent connaître les avantages de l’utilisation d’extraits botaniques, comme l’absence d’effets secondaires dangereux, mais sont réticents à consacrer du temps et des efforts supplémentaires à leur production, en pleine saison de culture.

Cela est particulièrement vrai pour les hommes. Ainsi, l’implication des groupes de femmes ou des jeunes chômeurs dans la production des bio-pesticides, ainsi que des efforts pour les rendre abordables et de bonne qualité, pourraient aider à promouvoir leur utilisation.

Les institutions de recherche et les ONG doivent développer des matériels de formation appropriés en vue de soutenir l’utilisation, la production, et le contrôle de la qualité des bio-pesticides. En l’absence d’accréditation de laboratoire pour vérifier la qualité des bio-pesticides en Afrique, ce contrôle est aujourd’hui fait par les producteurs en Afrique – or ils ont besoin de matériels de formation appropriés.  

De même, les vendeurs, les consommateurs et les décideurs politiques doivent être sensibilisés à la meilleure la qualité et la sécurité renforcée des produits traités avec des bio-pesticides.

Manuele Tamó est le Représentant pour l’Institut international d’agriculture tropicale au Bénin. Il peut être contacté à : [email protected].