31/12/10

Communiquer : une obligation pour tous les scientifiques

L'interaction avec les journalistes peut aider les scientifiques à communiquer les résultats de leurs recherches Crédit image: David Dickson

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La communauté scientifique doit s’engager dans la communication, partie intégrante des obligations professionnelles du chercheur.

Quelle responsabilité un scientifique a-t-il envers la société ?

Jusqu’à récemment, les réponses à cette question pouvaient se classer généralement dans deux catégories. Les partisans du camp ‘traditionnel’ faisaient valoir qu’un scientifique servait la société de la meilleure des façons simplement en effectuant des recherches de haute qualité, laissant à d’autres le soin de juger de la façon dont elles devraient être utilisées.

A l’opposé, un autre camp plus activiste soutenait qu’un scientifique a la responsabilité morale de débattre publiquement des implications sociales de ses recherches, non seulement en promouvant leurs avantages, mais également – plus important encore – en mettant en garde contre les potentiels dangers qu’elles présentent.

Les partisans du deuxième camp ayant tendance à se montrer plus critiques envers l’establishment scientifique, la scission peut paraître politiquement motivée, et a donc fait obstacle aux efforts déployés par la communauté scientifique, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement, pour adopter une position consensuelle sur le rôle que les scientifiques devraient jouer.

Mais au cours de ces dix dernières années, à en juger par des commentaires publics faits par d’éminents membres de la communauté scientifique, un accord s’est construit, autour d’une vision selon laquelle tous les scientifiques auraient la responsabilité de veiller à ce que les résultats de leurs recherches soient communiquées efficacement à la société dans son sens large. Cela présage un rapprochement entre les deux camps.

Un nouveau consensus

Cet engagement se reflète dans un projet potentiellement très lourd d’impact. Un ensemble de directives a été élaboré par le Comité de liberté et de responsabilité [50kB] dans la pratique de la science, du Conseil international des Unions scientifiques (CIUS).

Ces directives ont été rédigées avec la contribution des participants à une conférence tenue le mois dernier à Bogota, en Colombie, et coparrainée par l’Académie colombienne des sciences et de l’Université nationale de Colombie.

 Une "note d’information" émanant du comité circule actuellement pour rassembler les observations des organisations membres du CIUS. Elle décrit à la fois les possibilités et les menaces que présente une communication efficace de la science contemporaine au moyen des médias électroniques, et souligne le défi particulier posé par la communication sur les complexités et les incertitudes scientifiques.

La note insiste sur la nécessité d’une meilleure compréhension par le public de la façon dont la science est effectuée, y compris l’importance du processus du contrôle par les pairs. En outre, elle demande que la formation en communications devienne un élément clé dans l’enseignement des sciences.

Des ébauches de directives sur la communication suggèrent que les scientifiques doivent être réalistes lorsqu’ils évaluent l’importance, les implications et l’impact de la recherche scientifique, et devraient éviter à la fois l’alarmisme et la complaisance dans leurs observations sur les situations d’urgence.

Enfin, le comité souligne que la communication est un processus à double sens : les scientifiques devraient non seulement présenter leurs résultats, mais également être prêts à prendre en considération les besoins et les opinions du public.  

L’engagement nécessaire

Assumer la responsabilité de communiquer la recherche scientifique ne signifie pas que chaque scientifique a l’obligation de devenir un journaliste qualifié. Les impératifs de la communication sont plus faciles pour certains que pour d’autres, et cette différence devrait être reconnue.

Mais il faut à la fois des engagements personnel et institutionnel pour s’assurer que la communication fonctionne dans l’intérêt des deux parties. La déclaration du CIUS affirme ainsi que “la communauté scientifique a l’obligation de soutenir les médias, tout en reconnaissant l’indépendance des deux parties”.

Pour les scientifiques, cela peut vouloir dire qu’il leur faudra surmonter une réticence d’interagir avec les journalistes – même si cette mauvaise impression est légitimement fondée sur de mauvaises expériences. Cela signifie également qu’il faudra prendre des mesures nécessaires pour la réussite de cette interaction, comme l’apprentissage d’un langage dénudé de jargon scientifique.

Tout aussi important, les institutions scientifiques doivent prendre les engagements financiers et politiques nécessaires pour favoriser une communication efficace. Ces engagements peuvent aller de l’utilisation des professionnels de la communication pour faciliter les rapports entre les chercheurs et les médias, à la mise en place d’incitations de carrière pour encourager les scientifiques à communiquer.

La voie à suivre

Rien de tout ceci sera nouveau pour utilisateurs réguliers de ce site. Notre mission principale est de stimuler une meilleure communication entre la communauté scientifique, les décideurs politiques et la société en général dans le but d’assurer une assimilation plus grande et plus avisée des conclusions scientifiques.

Nous cherchons à faire ceci en partie par exhortation et en partie pour montrer un bon exemple. Un récent sondage d’utilisateurs scientifiquement qualifiés de notre site web [29kB] donne à penser que nous sommes sur la bonne voie. La majorité des personnes interrogées estiment que notre couverture du rôle de la science et de la technologie dans le développement est plus perspicace, plus accessible et plus équilibrée que d’autres moyens de communication qu’ils consultent régulièrement.

Ce qui est nouveau dans un contexte plus général, cependant, c’est la volonté apparente de la communauté scientifique de reconnaître que la stimulation d’une bonne communication scientifique n’est pas un additif volontaire, mais une partie intégrante de la responsabilité des scientifiques.

Des médecins nouvellement diplômés jurent de respecter le serment d’Hippocrate, en s’engageant à agir dans le plus grand intérêt de leurs patients. Ce serait aller trop loin que de demander aux scientifiques nouvellement qualifiés de prendre un engagement similaire d’agir dans le plus grand intérêt de la société — c’est un critère notoirement difficile à prédire, ou même à définir. Et la liberté scientifique, ainsi que la liberté d’expression des scientifiques, doivent être respectées.

Mais une certaine forme d’engagement à communiquer de la part tous les chercheurs – tel que le consentement à travailler suivant des directives basées sur celles élaborées par le Comité du CIUS, fort d’un adoubement institutionnel suffisamment conséquent — serait un important pas en avant.

Un tel engagement ferait en sorte que les décideurs politiques et l’ensemble de la communauté continuent à soutenir pleinement l’entreprise scientifique, et restent engagés auprès d’elle. 2011 serait le bon moment pour le faire.

David Dickson