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Plusieurs pays musulmans figurent parmi les nations les plus innovatrices du monde. Athar Osama leur propose de tirer le meilleur profit de cette réussite.

Depuis 2007, quand l'école de commerce internationale, l'INSEAD (l'Institut européen d'administration des affaires) a pour la première fois publié des indices mondiaux de l'innovation, les pays musulmans ont réalisé des performances plutôt quelconques.

Au cours de ces trois dernières années, ainsi, les trois meilleurs élèves ont été les Emirats arabes unis (classés 24e en 2009-2010), le Qatar (24e en 2008-2009) et la Malaisie (31e en 2011).

Sans surprise peut-être, les dix premiers pays musulmans sont des économies principalement riches en pétrole – un fait qui alimente les perceptions selon lesquelles peu se passe au plan local en matière d'innovation dans la grande majorité du monde musulman.

Cela étant, la dernière version du rapport sur l'indice mondial de l'innovation (en anglais Global Innovation Index, ou GII) rappelle la règle de ne jamais comparer des pommes et des poires, ainsi que l'importance de regarder au-delà d'une analyse fondée sur les chiffres.

Des innovateurs efficaces

En 2011, le GII a utilisé 80 indicateurs d'innovation différents, regroupés en sept catégories, pour classer les pays selon les moyens mis en œuvre, les résultats et les scores globaux en matière d'innovation.

Le rapport introduit également un nouvel indicateur : un indice d'efficacité en matière d'innovation, un simple rapport de l'indice des moyens mis en œuvre et de l'indice des résultats — une notion qui intègre, parmi d'autres concepts, le fait "d'accomplir beaucoup avec peu de moyens". L'indicateur offre également "un aperçu [sur le score en matière d'innovation d'un pays] qui soit indépendant du stade de développement du pays", selon le rapport.

Les résultats ont agréablement surpris bon nombre d'observateurs dans le monde musulman. Quatre pays musulmans se retrouvent parmi les dix innovateurs les plus efficaces du monde. Trois d'entre eux – le Nigeria (classé 2e), le Pakistan (4e), et le Bangladesh (10e) — sont des pays très peuplés qui appartiennent au groupe de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.

La Côte d'Ivoire, pays membre de l'organisation de la coopération islamique (OCI), de taille moyenne avec ses 20 millions d'habitants, arrive en tête des classements mondiaux.

Les pays musulmans ont également tendance à être mieux classés quand ils sont groupés en fonction des niveaux de revenu. Le Qatar se place ainsi au 5e rang parmi les pays à revenu élevé ; l'Iran, le Liban et la Turquie occupent respectivement les 5e, 6e  et 7e places dans le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ; et le Bangladesh (1er) et le Tadjikistan (2e) sont en tête de liste des pays à faible revenu.

En examinant davantage ce véritable trésor d'informations, on pourrait découvrir, par exemple, que le Pakistan est mieux classé en résultats créatifs qu'en résultats scientifiques.

Manifestement, ces résultats fournissent aux pays monde musulman non seulement quelque chose dont ils peuvent se réjouir, mais aussi une opportunité d'explorer les raisons qui sous-tendent ces réussites afin d'en tirer le meilleur profit.

Ainsi, en dépit de leur état de développement, plusieurs pays font quelque chose qui leur assure un certain succès. Mais que font-ils, au juste ?

Des preuves venant d'ailleurs

Certains éléments de preuve se dégagent de l'Atlas de la Science et d'Innovation du Monde islamique — un partenariat de trois ans entre l'OCI et la Royal Society du Royaume-Uni, avec la participation de plusieurs autres bailleurs de fonds — qui mène des études approfondies sur la science et l'innovation dans près de 15 pays musulmans.

Pour une bonne partie de l'année 2010, l'équipe chargée par l'étude d'examiner le Pakistan, que je dirige, a passé au peigne fin les 65 ans d'histoire du pays pour identifier des exemples d'innovation dans huit secteurs différents de l'économie.

La définition de l'innovation était suffisamment large pour inclure non seulement les connaissances scientifiques, mais aussi l'innovation de modèle d'entreprise, l'innovation sociale et l'ingénierie inverse.

Plus de 200 exemples ont été ainsi identifiés et approuvés par des spécialistes des différents secteurs afin d'identifier les innovations les plus prometteuses et efficientes. Parmi celles-ci, figurent des innovations comme le biofertilisant développé localement, le coton génétiquement modifié et résistant aux parasites, développé à l'aide du matériel génétique issu du venin d'une araignée australienne, ou les succès des entreprises en technologie de l'information et l'industrie de l'armement.

Le résultat est une riche gamme d'études de cas et d'anecdotes qui justifie peu le stéréotype du Pakistan comme manquant d'ingéniosité scientifique.

Le rapport de l'Atlas sur le Pakistan, qui devrait être publié vers la fin de cette année, devrait stimuler un effort plus détaillé et systématique pour comprendre la nature de l'innovation dans ce pays.

Ce que ce rapport et celui du GII soulignent, c'est la remarquable détermination des sociétés dans lesquelles fleurit l'innovation, en dépit d'une absence de ressources, de politique efficace et de gouvernance.

Un adage fréquemment entendu vient confirmer cette vision : "le Pakistan est un pays qui se développe malgré son gouvernement, pas grâce à lui". C'est un défi commun à la plupart des pays musulmans.

Une plate-forme pour une analyse plus approfondie

L'indice d'efficacité de l'innovation soulève autant de questions qu'il n'offre de réponses. Ainsi, si les statistiques quantitatives fournissent des comparaisons faciles, elles ont pour inconvénient de décontextualiser les conclusions, et sont donc peu utiles pour les décideurs politiques.

Les chiffres occultent des réalités complexes. Ainsi, une définition légèrement modifiée de l'innovation peut produire des résultats différents dans des contextes différents. Et ce qui peut être considéré comme étant relativement banal dans un pays peut être un développement extrêmement novateur dans un autre.

Les chiffres et les indices produits par le consortium du GII méritent une analyse plus détaillée complétée par une compréhension plus riche, plus qualitative de la situation de chaque pays.

Cela peut impliquer la prise d'un petit nombre de pays pour développer une compréhension fine de la façon dont les scores particuliers sont obtenus et quels sont les facteurs qui favorisent ou freinent les performances en matière d'innovation.

Le rapport du GII fournit une plate-forme passionnante sur laquelle les spécialistes des politiques publiques et les chercheurs peuvent s'appuyer pour mieux comprendre, s'impliquer, et influencer l'innovation dans le monde musulman.

Athar Osama est consultant en politique scientifique et d'innovation basé à Londres. Il est co-fondateur et Directeur général de Technomics International Ltd, cabinet de consultation en politique technologique internationale, dont le siège est en Grande Bretagne, et fondateur de Muslim-Science.com.