04/12/18

Q&R : De l’utilité de données climatiques locales fiables

Training on technical and practical aspects of meteorological station
Crédit image: IITA

Lecture rapide

  • L'accès à des données climatologiques de haute qualité est un problème clé en Afrique de l'Est
  • Des chercheurs ont créé des cartes à haute résolution pour identifier les zones réactives au changement climatique
  • Les résultats sont pertinents pour l'élaboration de politiques et la création de stratégies de résilience

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Pendant que dirigeants, experts et décideurs politiques du monde entier se réunissent en Pologne cette semaine pour la COP24 – la 24e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques -, la nécessité de disposer de données fiables et de haute qualité constitue une question qui pourrait être essentielle aux délibérations.

Solomon Hailu Gebrechorkos, doctorant éthiopien à l'Université des Nations Unies – Institut pour la gestion intégrée des flux matériels et des ressources (UNU-FLORES), basée en Allemagne, mène des recherches pour évaluer la qualité des données climatiques, afin d'améliorer la sécurité en eau, en alimentation et en énergie de millions de personnes en Afrique de l'Est.

Solomon Hailu Gebrechorkos a discuté avec SciDev.Net des problèmes liés aux données climatologiques de haute qualité en Afrique de l’Est, des résultats de ses dernières recherches et de leur pertinence pour la COP24 en Pologne cette semaine.

Pourquoi l'Afrique de l'Est est-elle l'une des régions où il est le plus difficile de trouver de bonnes données climatiques ?

Il y a deux problèmes : la disponibilité et l'accessibilité. Dans cette région, même si des stations au sol sont disponibles, des problèmes de qualité des données tels que les valeurs manquantes, persistent. Dans certaines parties de la région, même si les données observées sont disponibles, leur accessibilité est limitée, en raison de politiques de partage des données. Par exemple, en Tanzanie, seules cinq stations avec une observation maximale de cinq ans sont fournies, moyennant des frais de service élevés. Ces cinq stations ne peuvent pas représenter le pays et dans ces cinq années, il pourrait y avoir des lacunes dans les données.
 

“Dans certaines parties de la région, même si les données observées sont disponibles, leur accessibilité est limitée, en raison des politiques de partage des données.”

Solomon Hailu Gebrechorkos, Université des Nations Unies – Institut pour la gestion intégrée des flux matériels et des ressources (UNU-FLORES)

Pour les études climatiques, cependant, nous avons besoin d'au moins 30 ans de données et nous préférons des périodes plus longues. Ainsi, les politiques de partage des données doivent être modifiées pour rendre ces données facilement disponibles.

Comment des données climatiques de haute qualité peuvent-elles aider les petits exploitants vulnérables ?

L'impact du changement climatique sur les petits exploitants agricoles est très élevé, car ils n'ont pas la capacité de s'adapter aux changements. Étant donné que la plupart des petits exploitants dépendent de l'agriculture pluviale, une information de qualité peut être très utile pour informer les décideurs de la région, qui sont en mesure d'agir. Par exemple, lorsque l’on identifie de manière plus précise les zones à tendance décroissante en matière de précipitations et d’augmentation de la température, il est possible de mobiliser des ressources pour que les petits exploitants deviennent résilients au changement climatique.

Pourquoi est-il important que les décideurs en Afrique de l'Est se soucient de disposer de données de haute qualité sur le changement climatique ?

En Afrique, il est prévu de mettre en œuvre des stratégies de gestion de l’environnement pour un développement durable. Nous avons besoin d'une bonne source d'informations sur le climat pour nous aider à identifier des domaines et des problèmes tels que l'augmentation ou la diminution de la disponibilité en eau et la gestion des ressources environnementales de manière plus durable qu'auparavant. Des données de haute qualité peuvent soutenir ou faciliter la prise de décision et aider au développement de mesures d'adaptation dans des secteurs tels que l'agriculture, l'énergie et l'eau.

Quels sont les objectifs, les approches et les résultats clés de votre recherche sur les sources de données climatiques en Afrique de l’Est ?

De nombreuses données climatiques basées sur des modèles climatiques mondiaux et la télédétection sont disponibles à l'heure actuelle, mais leur fiabilité est discutable. La question des données est au cœur de la gestion intégrée et de l'adaptation au climat. Nous voulions aborder cette question de la manière la plus complète possible pour les données climatiques en Afrique de l’Est. Notre objectif principal était d'identifier les sources de données climatiques appropriées, car les informations de terrain provenant de stations météorologiques basées sur le terrain sont rares, en termes de couverture spatiale et temporelle.

“Des données de haute qualité peuvent soutenir ou faciliter la prise de décision et aider au développement de mesures d'adaptation dans des secteurs tels que l'agriculture, l'énergie et l'eau.”

Solomon Hail Gebrechorkos, Institut universitaire des Nations Unies pour la gestion intégrée des flux de matières et des ressources.

Dans les conditions actuelles, en ce qui concerne la disponibilité et l’accessibilité des données, le seul moyen réaliste de remédier à ce problème consiste à utiliser des produits de données climatologiques provenant de sources de données mondiales. Jusqu'à présent, aucune étude approfondie n'a clairement identifié le produit de données climatiques le plus fiable pour cette région. En mettant l’accent sur l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie, nous avons analysé les tendances et la variabilité de la température pour 1979-2010 et des précipitations pour 1981-2016. Notre équipe a pu créer des cartes haute résolution permettant de détecter correctement les changements à l'échelle locale. Les cartes nous ont permis d'identifier les zones à risque et de fournir des données utiles pour la région par rapport à ce qui était possible auparavant. Nous pensons que notre approche, publiée dans l'International Journal of Climatology le 14 août de cette année, pourrait aider d'autres sous-régions de l'Afrique subsaharienne à obtenir des données utiles sur le changement climatique. Les futures études devront analyser avec soin si les zones que nous avons identifiées comme étant plus sèches et confrontées à des événements climatiques extrêmes souffrent d'une sécurité alimentaire insuffisante, d'un revenu modeste et ont davantage de problèmes de santé. Grâce à nos recherches, nous avons identifié les produits de données climatiques les plus fiables avec une résolution spatiale et temporelle élevée, ainsi que des changements et une variabilité à long terme des climats saisonniers, annuels et décennaux extrêmes.

Dans quelle mesure vos recherches sont-elles pertinentes pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques en Pologne, en décembre ?

À la COP24, les pays devraient organiser des tables rondes, entre autres, sur la résilience et l'action climatique ; et l'utilisation des terres, de l'eau et de l'énergie. Les résultats de cette recherche sont directement liés à la conférence. Il est utile d’avoir d’abord une bonne compréhension des conditions climatiques actuelles et futures de la région – même à l’échelle locale, ce que les modèles climatiques mondiaux ne pourraient pas fournir. Comprendre les conditions actuelles et futures à une résolution spatiale beaucoup plus élevée en identifiant les zones où les tendances en matière de précipitations et de changements de température sont à la baisse ou à la hausse aidera les décideurs à mettre au point des mesures d’adaptation judicieuses à l’échelle régionale et locale pour atténuer ou minimiser les effets du climat. Ces mesures aideront les pays à atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies en matière de climat, d'eau et de sécurité alimentaire.