20/12/17

Q&R : La Côte d’Ivoire en première ligne sur le climat

Ivory Coast CC
L'Afrique est confrontée à une désertification rampante due en partie au réchauffement climatique - Crédit image: Ben Goode

Lecture rapide

  • La Côte d’Ivoire a perdu plus de 80% de la superficie de ses forêts en un demi-siècle
  • Elle s’est engagée à réduire de 28% d’ici 2030 ses émissions de CO² par rapport à 2012
  • Ramata Ly-Bakayoko demande la création d’un Conseil africain de la recherche

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A l’occasion du "One Planet Summit", un sommet international sur le climat organisé à Paris le 12 décembre, la ministre ivoirienne de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Ramata Ly-Bakayoko, s’est confiée à SciDev.Net sur la lutte contre le changement climatique en Côte d’Ivoire, la réponse des hommes de laboratoire et les besoins de financement.
 
Quels sont les enjeux de la finance climatique en Côte d’Ivoire, un pays connu pour être très faible émetteur de gaz à effet de serre ?
 
En effet, la Côte d’Ivoire émet très peu de gaz à effet de serre, mais nos programmes de développement en matière d’économie, de transports, d’infrastructures ou encore d’agriculture produiront certainement du CO² à l’avenir. Alors si nous restons sans rien faire, nous risquons de devenir comme les pays du Nord, nous polluerons beaucoup. C’est pour cela que notre pays s'est pleinement investi dans la lutte contre le changement climatique.
 
La Côte d’Ivoire s’est engagée à réduire de 28% d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2012, dans le cadre de l’Accord de Paris, il y a deux ans. Quels sont les moyens mis en place ?
 
Plusieurs instruments ont déjà été créés : nous avons lancé un programme de lutte contre le changement climatique et ratifié plusieurs conventions concernant la dégradation des sols ou le rejet de mercure dans la nature ; enfin notre plan national de développement pour 2016-2020 prend désormais en compte la notion d’environnement et de changement climatique. Tous ces exemples attestent de la volonté du gouvernement ivoirien de mettre en œuvre les engagements pris au niveau de l’Accord de Paris.

Ramata Ly 3
Bio Express
Spécialisée en odonto-stomatologie, Ramata Ly-Bakayoko est née le 29 juin 1955 à Abidjan. Elle est, entre autres, présidente de la Commission scientifique de l’Institut international de l’eau et de l’environnement (2iE). En novembre 2017, elle joue un rôle de premier plan dans la publication d'un document intitulé l'Appel d'Abidjan, qui invite les décideurs à renforcer les capacités des chercheurs africains.

Qu’en est-il des avancées scientifiques en matière d’environnement en Côte d’Ivoire ?
 
Nos universités et nos grandes écoles ont toutes orienté leurs recherches vers le changement climatique et le développement durable. Nous avons un pôle scientifique et d’innovation au sein de l’université Félix-Houphouët-Boigny qui est un véritable centre d’incubation mettant en lien entreprises et innovations. Nous avons également des chercheurs compétents qui aident les agriculteurs à mieux entretenir leurs cultures en fonction des saisons. Par exemple, ils ont développé des variétés d’igname et de coton adaptées au changement climatique. Il est indispensable que nous garantissions une formation technologique et une recherche scientifique de qualité.
 

“Notre couvert forestier a été réduit de plus de 80% en un demi-siècle.”

Ramata Ly-Bakayoko

Quels sont les principaux défis en matière d’écologie en Côte d’Ivoire ?
 
Notre couvert forestier a été réduit de plus de 80% en un demi-siècle. La déforestation est une problématique sur laquelle nous travaillons. Par exemple, le ministère des Eaux et forêts vient de signer un accord avec 21 entreprises du cacao pour la préservation de la forêt.
 
Quelle est l'importance des financements dans la lutte contre les effets du changement climatique ?
 
L’objectif du "One Planet Summit" était de rassembler nos efforts pour obtenir des financements plus importants qui pourront impacter la vie de nos populations. Vous savez, si nous avons pu mettre en place un pôle scientifique et d’innovation dans notre pays c’est surtout grâce à l’appui de financements extérieurs, comme celui de la Banque mondiale. Nous avons besoin que notre recherche soit soutenue.
Nous attendons aussi des avancées concernant notre demande allant dans le sens de la création d’un Conseil africain de la recherche.
 
Justement vous êtes l’instigatrice de l’Appel d’Abidjan, lancé le mois dernier avec un groupe de scientifiques africains, pour demander la création d’un Conseil africain de la recherche. Pourquoi cette initiative ?
 
A l’image du Conseil européen de la recherche (CER), nous aimerions notre Conseil africain de la recherche, pour renforcer la recherche sur les questions environnementales et favoriser ainsi le développement socio-économique de notre pays. Nous avons des actions pour lutter contre le changement climatique supportées par l’Etat, mais toutes ces initiatives ne peuvent pas avoir un impact réel sans un soutien financier accru. C’est par un tel mécanisme d’encouragement de l’excellence scientifique et de l’innovation entre les équipes de recherche du Nord et du Sud que l’Afrique pourra avoir plus de brevets et faire des découvertes et des avancées notables. Nous avons déjà reçu le soutien de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de la Communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao).
 
Malgré les nombreux sommets internationaux et déclarations d’intentions des décideurs politiques, l’année 2017 marque le retour à la hausse des gaz à effet de serre. Comment envisagez-vous l’avenir de la lutte contre le changement climatique ?
 
Je reste optimiste quand je vois l’engagement des différents pays en faveur du climat dans le cadre de l’Accord de Paris, celui de notre gouvernement ou encore de nos chercheurs qui ont orienté leur travail sur ces questions environnementales. Nos recherches ne demandent qu’à être valorisées avec un peu plus de moyens.

Références