05/10/18

Les Etats-Unis veulent dissocier climat et développement

US Climate Negos
Représentation graphique de l'impact du changement climatique, avec à gauche, un climat sain et verdoyant et, à droite, un climat chaud et destructeur - Crédit image: Chakrapong Worathat

Lecture rapide

  • Washington remet toujours en cause l'impact négatif du changement climatique
  • Les Américains pèsent de leurs poids, à Incheon, pour dissocier développement et climat
  • En ligne de mire, le rapport sur la capacité à maintenir le réchauffement à moins de 1,5 degré C

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[NEW DELHI] Les représentants américains aux négociations clés sur les dérèglements climatiques veulent séparer les questions liées au climat et au développement, ce qui constitue un défi à l'orthodoxie qui lie inextricablement ces deux composantes, depuis l'établissement des objectifs de développement durable, en 2015.

Des pays du monde entier se sont réunis cette semaine à Incheon, en Corée du Sud, pour rédiger un rapport historique des Nations Unies sur la capacité du monde à maintenir le réchauffement de la planète à moins de 1,5 degré Celsius de plus que les niveaux préindustriels – l'objectif le plus optimiste fixé par les gouvernements en 2015, lors de la signature de l'Accord de Paris sur le climat.

La réunion, convoquée dans le cadre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations Unies, doit convenir du libellé du Résumé à l'intention des décideurs politiques, une étape politiquement connotée de la rédaction du rapport complet, qui expose les principaux messages et conclusions.

“Quiconque tente d'empêcher la communauté internationale d'agir met au défi la science et c'est ce que font les États-Unis.”

Saleemul Huq, Centre international pour le changement climatique et le développement, au Bangladesh

Dans une série de commentaires détaillés sur le projet de rapport, consultés par SciDev.Net, la délégation américaine a déclaré que le texte était trop axé sur le développement durable et devait se concentrer uniquement sur "l'évaluation de la science du changement climatique".

"Le GIEC… ne devrait pas prendre l'initiative d'élaborer une vision pour la réalisation des objectifs de développement durable à travers le monde via la politique climatique", écrit la délégation américaine.
 
L’Accord de Paris a été salué comme une avancée majeure dans la lutte contre les changements climatiques d’origine anthropique. Cependant, le président américain, Donald Trump, a annoncé l'année dernière que les États-Unis se retireraient de la convention.

De l’idée que l’humanité sera moins bien lotie sur une planète en réchauffement, en passant par la conviction que le changement climatique et le développement sont les deux faces d’un même défi, les commentaires indiquent que les États-Unis remettent en question certains des principes les plus fondamentaux de l’Accord de Paris.

"Quiconque tente d'empêcher la communauté internationale d'agir met au défi la science [bien établie] et c'est ce que font les États-Unis", a déclaré Saleemul Huq, auteur du GIEC, qui dirige le Centre international pour le changement climatique et le développement, au Bangladesh.

Conséquences sérieuses

Cependant, d'autres craignent que le découplage de l'action pour le climat et des objectifs de développement durable ne soit une stratégie efficace aux conséquences graves.

"Le monde développé dispose déjà d'un pouvoir de lobbying disproportionné dans le cadre climatique des Nations Unies", a déclaré Vijeta Rattani, responsable du programme sur les changements climatiques au Centre pour la science et l'environnement à New Delhi, en Inde.
Si la voix des pays en développement n'était pas entendue, a-t-elle déclaré, "ils seraient obligés de réviser leurs engagements sur le climat au titre de l'Accord de Paris, de manière substantielle et radicale lors du prochain cycle [de négociations]".

Dans leurs commentaires, les États-Unis remettent en question le principe de base du prochain rapport, à savoir que le monde se porterait moins bien si la Terre se réchauffait.

L'humanité, disent-ils, citant plusieurs études, "n'a jamais été aussi prospère, moins frappée par la pauvreté, moins affamée, plus vivante et en meilleure santé qu'aujourd'hui".

Les Américains citent l'exemple de l'Inde et de la Chine comme deux nations qui comptent encore lourdement sur les combustibles fossiles, mais prospèrent également sur le plan économique.

Les arguments présentés par les États-Unis, indique Teresa Anderson, responsable de la politique en matière de changement climatique à Action Aid, "font partie du même effort visant à supprimer la reconnaissance des impacts du changement climatique et à saper l'objectif du [présent] rapport".