06/03/20

Climat : repenser les activités humaines pour sauver la planète

Millet harvest
L'agriculture est l'une des principales victimes du changement climatique. Crédit image: Africa Renewal is licensed under CC BY-NC-SA 2.0

Lecture rapide

  • Un rapport produit par les chercheurs de Future Earth qualifie la situation de la planète d’alarmante
  • L’agriculture et la sécurité alimentaire sont parmi les secteurs qui en pâtissent
  • Des experts appellent à une remise en question et à des actions pour ralentir le réchauffement climatique

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[Dakar] – Lancé ce 27 février 2020 à Dakar, le rapport 2020 de Future Earth – un réseau mondial de scientifiques, de chercheurs et d’innovateurs travaillant pour une planète plus durable – dresse un tableau « alarmant » de l’état actuel de la terre, soutenant que les hommes sont à présent le principal moteur du changement climatique.
 
Le rapport, intitulé « Notre futur sur terre » contient plusieurs chapitres dont le climat, la biodiversité et l’alimentation.
 
À l’occasion du débat organisé dans le cadre du lancement de ce rapport, Abdulai Jalloh, directeur de la recherche et de l’innovation du Coraf (Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles), a déclaré que « les conclusions de ce rapport sont que la science a prouvé que le changement climatique est réel et qu’il impacte la survie de la planète.
 
 
David Akana, responsable de la communication et du marketing du CORAF et membre du comité éditorial de ce rapport, a pour sa part expliqué à SciDev.Net que « le but du rapport est de montrer combien il est important que l’humanité arrive à comprendre que son activité a un énorme impact négatif sur notre planète ». 

“S’il y avait un investissement de 10% des dépenses publiques dédiées à l’agriculture, on aurait des résultats meilleurs que ce qu’on a aujourd’hui, en termes de situation alimentaire”

David Akana, CORAF

Si nous en sommes arrivés à ce point critique, a-t-il poursuivi, c’est parce que l’humanité s’est engagée sur une voie de développement basée sur des économies droguées aux énergies fossiles, avec de fortes émissions de gaz à effet de serre (GES).
 
En conséquence et comme le précise l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans un communiqué publié le 15 janvier dernier, l’année 2019 a été la deuxième année la plus chaude jamais enregistrée, après 2016, avec une température moyenne annuelle supérieure de 1,1 °C à la moyenne de la période 1850-1900, qui représente les conditions préindustrielles et de facto, la référence.
 
Pour rappel, le principal objectif de l’Accord de Paris est de maintenir l’augmentation de la température mondiale à un niveau inférieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C.
 
Pour les chercheurs réunis à Dakar, si quatre ans seulement après la signature de cet accord, les températures moyennes effleurent la limite fixée, il y a matière à se remettre en cause et à changer de paradigme en matière de lutte contre le changement climatique, relèvent les auteurs.
 
D’ailleurs, constate David Akana, « la perte de la biodiversité est élevée, tandis que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) catégorise plusieurs espèces comme espèces menacées ».

 
L’agriculture, victime collatérale
 
Cette situation n’a pas manqué d’avoir des répercussions sur d’autres secteurs, notamment l’agriculture et la sécurité alimentaire.
 
« L’agriculture est un secteur fortement menacé par les changements climatiques », déclare par exemple Aifa Fatimata Ndoye Niane, agroéconomiste principale à la banque mondiale.
 
S’appuyant sur la rareté et l’irrégularité des pluies, elle ajoute que cela constitue une préoccupation majeure pour son institution, qui s’intéresse de près à la situation pour trouver des solutions qui permettent d’atténuer les conséquences que les changements climatiques peuvent avoir sur l’économie agricole dans la région sub-saharienne.


 
Abdulai Jalloh pousse l’analyse un peu plus loin et établit un lien entre changement climatique et pauvreté dans la région ouest-africaine, vu que les populations sont fortement dépendantes d’une agriculture pluviale à la merci du changement climatique.
 
Pour sa part, le responsable pour l’Afrique de l’ouest du Fonds international de développement agricole (FIDA), Benoit Thierry, se veut moins alarmiste.
 
« La situation n’est pas aussi alarmante et il a été démontré que les populations et le monde se sont adaptés à développer de nombreux systèmes agricoles qui ont permis d’atteindre la sécurité alimentaire », tempère-t-il.
 
L’intéressé affirme à SciDev.Net que les pays et les populations ont la capacité de produire plus et que cependant, les accidents ponctuels, qu’ils soient climatiques ou politiques, pouvaient survenir et conduire à des situations de crise, ce qu’il faut, au mieux, gérer.
 
Investir dans l’agriculture
 
Au-delà de cette capacité dont disposent les pays, la situation alimentaire actuelle pourrait s’améliorer, selon les experts, à condition qu’il y ait un meilleur investissement dans l’agriculture, en l’occurrence dans la recherche agricole, pour mettre au point et utiliser de nouvelles technologies et des variétés climato-intelligentes.
 
Et en la matière, la Déclaration de Malabo, signée par les chefs d’États et de gouvernement de l’Union africaine en 2014, recommande que les États investissent au moins 10% de leurs dépenses publiques annuelles dans l’agriculture, ce qui n’est pas toujours le cas.
 
« S’il y avait un investissement de 10% des dépenses publiques dédiées à l’agriculture, on aurait des résultats meilleurs que ce qu’on a aujourd’hui, en termes de situation alimentaire », approuve David Akana. 
 

 
Sauf que, nuance l’intéressé, « les états sahéliens par exemple se retrouvent aujourd’hui confrontés à d’énormes problèmes sécuritaires, ce qui fait que les budgets traditionnellement alloués à l’agriculture ou à la santé sont redirigés vers la défense et la sécurité ».
 
Mais, Benoit Thierry précise quant à lui que les budgets agricoles ont en général augmenté et que le problème se situait ailleurs.
 
Il estime en effet que les investissements dans l’agriculture doivent plutôt être mieux définis.

 
Il y a, selon lui, une tendance qui souhaite que l’État doive tout financer dans l’agriculture, alors qu’il faudrait chercher un équilibre avec le secteur privé.
 
Toutefois, il existe des opportunités dont dispose aujourd’hui l’humanité pour améliorer ses conditions de vie et sauver la terre, selon David Akana.
 
« Mais pour saisir ces opportunités, il faut que les États aient un fort engagement politique », affirme-t-il, en citant l’exemple du Ghana et du Rwanda qui, avec une bonne volonté politique, font aujourd’hui office de référence sur le continent africain, en termes de performances à maints égards.