24/05/11

La menace d’Al Qaeda paralyse le projet d’étude de la mousson ouest-africaine

La menace terroriste a provoqué des interdictions de déplacements vers certains pays africains, entravant ainsi la recherche Crédit image: Flickr/Filskifoto

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Un important projet de recherche international en Afrique se verra privé de données vitales avec la suspension des travaux sur le terrain au Mali, en Mauritanie et au Niger, suite à la décision par le gouvernement français de qualifier la région de ‘zone à risque’ pour ses ressortissants.

Le projet AMMA (Analyses multidisciplinaires de la mousson africaine), auquel participent plus de 400 chercheurs venant de 140 institutions établies dans 30 pays, est dirigé par des chercheurs français dans les trois pays et s’appuie sur des équipements de surveillance sophistiqués. Il a pour objectif d’effectuer des recherches scientifiques sur la mousson ouest-africaine et de comprendre la manière dont elle affecte des questions clés telles que la sécurité alimentaire et la disponibilité de l’eau.

Or les universités et les instituts de recherche en France ont interdit les déplacements vers ces pays après que le ministère français des affaires étrangères eut qualifié cette région de zone à risque de sécurité ou ‘zone rouge’.

La décision du ministère est intervenue après que des citoyens français et africains travaillant pour des organismes français eurent été ciblés par ‘Al-Qaïda au Maghreb islamique’ — un groupe soupçonné d’être derrière l’attentat contre un café au Maroc, le mois dernier.

Cinq ressortissants français et deux africains ont été enlevés dans le nord du Niger en septembre dernier, provoquant les premières restrictions des déplacements. En janvier, deux travailleurs humanitaires français ont été enlevés dans un restaurant de Niamey, la capitale du Niger, et tués lors d’une d’opération de sauvetage. Depuis le mois de janvier, toutes les régions dans les trois pays ont été déclarées zones rouges et, depuis la mort d’Oussama Ben Laden, le fondateur d’Al-Qaïda ce mois-ci (2 mai), cette mesure est appliquée sans exceptions.

Bernard Dreyfus, le directeur général en charge de la science à l’Institut français de recherche pour le développement (IRD) explique "qu’avant, il y avait des exceptions sur le terrain, mais aujourd’hui il n’y en a plus. Le  ministère [français] des affaires étrangères affirme que pour le moment la situation sécuritaire est telle qu’il n’y a pas d’exceptions pour les chercheurs … A l’heure actuelle, tous les instituts de recherche français ont cessé les visites de terrain".

"Les perspectives pour cette recherche sont catastrophiques. Sans une série complète de données, tous les travaux seront inutilisables", a-t–il ajouté.

Entre 100 et 150 chercheurs d’Afrique et d’Europe sont affectés ; certains sont obligés de travailler depuis des pays voisins. Et même les chercheurs basés dans la région sont obligés de rester dans les grandes villes, sans pouvoir en sortir sans escorte militaire.

"Les projets n’ont pas cessé, mais ils sont certainement ralentis", a déclaré Eric Servat, directeur duLaboratoire HydroSciences Montpellier. "Nous avons beaucoup d’instruments de mesure sophistiqués et nous devons aller sur le terrain pour nous assurer qu’ils fonctionnent bien et collecter les données".

La collecte des données sur la mousson africaine a débuté en 2002 et les analyses dépendent d’une gamme complète de résultats. "Il est important d’observer les modifications du climat sur une longue période", explique Servat. "Si nous ne disposons pas de ces informations sur une année ou plus, il sera alors difficile de poursuivre le projet".

La période cruciale pour la recherche sur l’AMMA- la saison des pluies de juin et juillet — approche.

Les organismes concernés oeuvrent actuellement pour intensifier la formation des chercheurs locaux — mais il y a une pénurie de chercheurs hautement qualifiés dans cette partie de l’Afrique, d’après l’IRD.