16/11/12

Une réponse efficace aux catastrophes doit inclure la messagerie intégrée

La messagerie texte a été utilisée dans le tremblement de terre en Haïti 210 Crédit image: Flickr/ DFID

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Si les nouveaux outils de communication sont très prisés, pour les spécialistes des TIC Jessica Heinzelman et Krista Baptista, ils doivent devenir partie intégrante des systèmes de réponse aux catastrophes.

La communauté internationale œuvre actuellement pour améliorer les systèmes d’alerte rapide et de réponse, grâce aux technologies comme les réseaux sociaux ou les téléphones portables, qui proposent de nouveaux canaux de communication pour atteindre les populations menacées et aident ainsi les organismes à suivre et analyser les catastrophes et à y répondre.
 
La messagerie texte et vocale, les réseaux sociaux comme Twitter et d’autres technologies de lnformation et de la communication (TIC) peuvent donc collecter des informations lors des catastrophes de grande ampleur et contribuer à orienter la réponse rapide.


Toutefois, la technologie ne constitue qu’une petite partie d’un système efficace de réponse aux catastrophes. Son succès repose sur une conception intelligente, une intégration aux procédés classiques de réponse comme la planification par cluster (un système par lequel différentes organisations humanitaires prennent l’initiative d’organiser une partie spécifique de l’aide nécessaire), et un suivi et une évaluation (S&E) méthodiques afin que la réponse puisse être améliorée en continu.


Sans suivi et évaluation, en particulier, le potentiel des nouveaux outils de communication ne peut être exploité. Pire encore, ils pourraient même détourner l’attention, entravant une tentative de réponse efficace.

Prenez pour illustration le tremblement de terre de 2010 en Haïti. Des outils comme la messagerie textuelle et Twitter ont fait la une des journaux, identifiés comme cruciaux pour une intervention d’urgence. Or sur quelque 100 000 messages, peu ont contribué à la réussite de l’action. L’absence de processus de suivi a également signifié que le nombre exact (ou même une estimation approximative) de messages qui ont su catalyser une réponse n’a pas été déterminé.

Depuis peu, l’évaluation faite par la communauté humanitaire indique que les organismes n’ont pas su utiliser les informations issues des outils de messagerie, parce que les systèmes de réponse aux catastrophes n’étaient pas mis en place pour les recevoir.
 
La conception
 
Un suivi et une évaluation efficaces commencent par un processus de conception intelligent. Les organisations humanitaires et les gouvernements doivent intervenir rapidement en cas d’urgence ; il faut donc une planification préliminaire et une évaluation rapide de terrain sur la façon dont les TIC peuvent être intégrées aux systèmes d’alerte rapide et de réponse.

Cela devrait permettre de faire face aux défis et aux opportunités à chaque étape de la préparation et de la réponse, en regardant la ‘situation dans son ensemble’ ainsi que sous ses aspects particuliers


La conception d’un système efficace de réponse aux catastrophes commence par l’analyse des menaces et suit un cheminement logique en six étapes : l’évaluation de la menace, la collecte des données, l’analyse des données, la formulation de la réponse, la mise en œuvre de la réponse, et l’évaluation et l’ajustement.

L’analyse des menaces identifie les besoins en données et les questions susceptibles d’éclairer une réponse, ainsi que les capacités et les ressources des organisations sur place pour appuyer la réponse et les points de défaillance potentiels qui doivent être contrôlés, comme les réseaux mobiles et d’autres infrastructures de communications essentielles. Cette étape est mieux abordée en collaboration avec ceux qui utiliseront les informations lors d’une catastrophe.

On pourrait appliquer différentes stratégies de collecte de données. Ainsi, dans certains cas, l”externalisation ouverte’ (ou en anglais ‘crowdsourcing’) – consistant à amener des groupes différents à contribuer – peut aider à obtenir des informations depuis des endroits inaccessibles, alors que dans d’autres cas, des évaluations des besoins sur papier plus traditionnels ou des réseaux d’indicateurs de confiance pourraient suffire pour comprendre la situation sur le terrain.

Éviter la surcharge de données
 
Les
processus de suivi et évaluation doivent éviter de submerger les intervenants d’informations qui ne peuvent être traitées ou utilisées.

La plate-forme Uwiano pour la paix, mise en place pour prévenir la violence au moment du référendum constitutionnel au Kenya en 2010, offre un exemple clair d’un déluge de données. Un consortium d’organismes œuvrant pour la paix, l’ONU et les commissions gouvernementales ont lancé Uwiano dans le but d’externaliser (de ‘crowdsourcer’) les développements concernant l’élection. 

Plus de 20 000 messages textuels non structurés ont été reçus en trois semaines, et le personnel du plus grand réseau d’organismes de consolidation de la paix au Kenya a catégorisé les messages avant qu’ils ne puissent être introduits dans des outils analytiques. Dans l’incapacité de les vérifier tous, le personnel a commencé à accorder la priorité aux informations importantes pour y concentrer les ressources ; seuls 300 des rapports les plus cruciaux ont été traités.

Ce cas rappelle la nécessité d’analyser les données en utilisant plusieurs paramètres, tels que la diffusion géographique des rapports provenant du terrain ; cela peut aider à déterminer si les méthodes et outils de collecte sont efficaces ou doivent être modifiés.

Un tel suivi des informations peut aussi aider à clarifier les communications. Ainsi, en Haïti, de nombreux messages textuels signalant des problèmes comme des urgences médicales ou des pénuries d’eau comportaient des informations de position peu claires, ou n’en comportaient pas, rendant ainsi toute réponse impossible.

Un système intégré de suivi et d’évaluation permet de déceler ces problèmes, créant un lien vers les communications publiques pour renforcer les demandes de détails afin d’éclairer les activités d’intervention et de secours. Au Kenya, les messages textuels ont aidé les gardiens de la paix à identifier les points chauds où ont été dépêchées des forces de maintien de l’ordre en nombre plus conséquent.

L’information, synonyme de puissance
 
Les TIC peuvent également contribuer à renforcer la coopération entre les différents organismes impliqués dans les efforts d’intervention, en améliorant la vitesse de communication et en leur fournissant un cadre pour organiser et diriger les informations — à condition que les outils soient intégrés aux systèmes d’intervention existants et fonctionnent sur les infrastructures locales.

L’introduction – au début de l’intervention – d’éléments d’analyse dans le système de compte rendu, comme des ‘tableaux de bord’ faciles à consulter qui donnent un aperçu en temps réel des indicateurs clés, peut permettre de gagner du temps et de mettre les informations à la disposition des intervenants sur le terrain.

Les tableaux de bord fonctionnent même avec des connexions Internet lentes, aidant les intervenants à assimiler rapidement les informations. Ils permettent aux gens de s’approprier les informations et de confirmer le moment où une intervention est terminée, améliorant la collaboration et la délégation du travail et contribuant au suivi et à l’évaluation.

Pour obtenir une communication efficaces en cas de catastrophe, il faut, en plus des outils technologiques, des ressources affectées à cette fin, et un engagement à améliorer ces processus. Les activités nombreuses et à évolution rapide qui interviennent dans la réponse aux catastrophes peuvent signifier que le suivi et évaluation peine à s’imposer.

Pourtant, l’intégration du suivi et de l’évaluation dans les applications des TIC permet de donner une idée essentielle des priorités qui devraient déterminer les mesures de réaction rapides, tout en améliorant l’efficacité globale des opérations et libérant des ressources au profit des efforts de réaction les plus importants – au profit des personnes fournissant l’assistance sur le terrain.

Jessica Heinzelman est une spécialiste principale des TIC et Krista Baptista cadre supérieur en TIC/géoservices au bureau américain de DAI (Development Alternatives Inc.).