03/11/09

Dossier spécial la télédétection par satellites dans la gestion des catastrophes

Plusieurs satellites de la NASA ont suivi la structure et la force de l'ouragan Katrina pendant tout son cycle de développement Crédit image: NOAA

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Les satellites peuvent sauver des vies dans les catastrophes naturelles, mais à cause d’un engagement politique insuffisant, les pays en développement risquent de rater cette opportunité.

Les satellites peuvent sauver des vies dans les catastrophes naturelles, mais à cause d’un engagement politique insuffisant, les pays en développement risquent de rater cette opportunité.

Lorsqu’elles sont bien appliquées, les nouvelles technologies peuvent accélérer le développement d’un pays et contribuer à la transformation des perspectives socioéconomiques de sa population.

Cette assertion n’a jamais été aussi vraie que pour les technologies satellitaires. A titre d’exemple, les satellites de télécommunication fournissent des outils didactiques aux communautés éloignées ainsi que des conseils aux agriculteurs sur le meilleur moment de semer.

Les satellites offrent aux pays en développement une autre chance d’amélioration des conditions de vie, par l’application de la télédétection à la gestion des catastrophes.

C’est une question de grande importance. Le monde en développement recense plus de 95 pour cent des décès dus aux catastrophes naturelles. L’an dernier seulement, deux catastrophes, le cyclone Nargis qui a frappé la Birmanie et le séisme du Sichuan en Chine, ont fait plus de 225.000 morts.

Pourtant, à quelques exceptions notoires, il est rare que les gouvernements des pays en développement saisissent entièrement la contribution potentielle des satellites de télédétection à la réduction du nombre de victimes. Beaucoup de pays ne déploient pas les capacités et les ressources nécessaires à l’exploitation de ce potentiel.

Le pouvoir venu du ciel

Les satellites collectent des données précises, régulières et quasi instantanées sur l’ensemble de la planète. Souvent, ils sont le seul moyen de visualiser les zones sinistrées.

Le monde développé exploite déjà la télédétection pour la surveillance et la gestion des catastrophes. En 2005, par exemple, plusieurs satellites de la NASA ont suivi la structure et la force de l’ouragan Katrina pendant tout le cycle de développement de la tempête, fournissant des données pour orienter les secours après l’impact, et aidant à l’évaluation des dommages et à l’analyse des impacts sur l’environnement.

Les gouvernements de certains pays en développement s’appuient également sur la télédétection pour gérer les catastrophes naturelles. Ainsi, lorsqu’un puissant séisme a frappé la province chinoise du Sichuan l’an dernier, environ 1300 images satellitaires ont été interprétées pour suivre et évaluer les dégâts, atténuer les risques additionnels, et orienter les secouristes dans les zones sinistrées.

Mais, parmi les pays les plus pauvres du monde, souvent aussi les plus vulnérables aux catastrophes naturelles, plusieurs ont été lents à s’intéresser à la télédétection appliquée à la gestion des catastrophes. Cela s’explique en partie par la présence d’obstacles entravant l’accès à cette technologie, comme leur coût. Les initiatives communes, telle que la Charte internationale sur Espace et les Catastrophes majeures, proposent gratuitement aux gouvernements des données satellitaires fournies par les agences de coopération spatiale pour aider à gérer les catastrophes en cours. Mais les coûts de surveillance à long terme et de prévision du risque subsistent.

Parfois (mais pas toujours), l’adoption limitée de ces technologies est due aux obstacles liés à leur mise en œuvre. Les pays peuvent ainsi manquer d’institutions ou d’expertise pour analyser et interpréter rapidement les données fournies par les satellites et les disséminer auprès des services de secours d’urgence.

Or, le manque de volonté politique est l’obstacle principal dans les régions les plus pauvres du monde. Bien peu de politiciens, surtout en Afrique, se sont intéressés à la télédétection, ou font preuve de connaissances quant à sa possible contribution dans la gestion des catastrophes naturelles.

Des connaissances partagées

Cette semaine, nous mettons la télédétection appliquée à la gestion des catastrophes sous le feu des projecteurs. Dans une série d’articles, nous partageons les leçons tirées des applications réussies, mettons en exergue les déficits de connaissances, et proposons des suggestions aux décideurs politiques.

Un article introductif présente les principales stratégies d’application de la télédétection à la gestion des catastrophes naturelles. Il aborde également des questions cruciales pour le monde en développement, notamment l’accès aux données et les besoins en investissements (voir La télédétection appliquée à la gestion des catastrophes naturelles : Faits et chiffres)

Les pays en développement devraient-ils consentir des investissements pour la conception et le placement en orbite de leurs propres satellites ? La question est particulièrement délicate, étant donné la disponibilité croissante des données gratuites fournies par les satellites actuels (voir Lancer son propre satellite —avantages et inconvénients).

Pour Ranganath Navalgund, Directeur du Centre des Application spatiales de l’Inde, les catastrophes sont de types et formes très variés, et nécessitent donc chacune des données légèrement différentes. Aucun satellite ne peut à lui seul répondre à tous ces besoins. Les gestionnaires des catastrophes auraient ainsi plutôt besoin de constellations de satellites spécialisés portant des capteurs à imagerie multi-spectrale (voir Disaster management needs satellite ‘constellations’)

Toutefois, beaucoup peut être accompli avec les ensembles de données disponibles actuellement. Philip Frost, de l’Institut Meraka du CSIR en Afrique du Sud, montre comment la combinaison des données satellitaires avec des outils de tous les jours peut se montrer un moyen peu onéreux mais efficace dans la gestion des incendies (voir Feux: Localisation par satellites et alerte par téléphone portable).

Geoff Wadge, vulcanologue à l’Université de Reading en Grande-Bretagne, explique par ailleurs comment les données fournies par la Charte internationale sur l’Espace et les Catastrophes majeures ont fourni des données cruciales aux gestionnaires des catastrophes, accélérant et améliorant la planification des secours d’urgence (voir Les satellites permettent d’accéder à des données capitales sur la sécurité des volcans).

Pourtant, la Charte ne s’applique qu’une fois la catastrophe survenue ; elle ne contribue ainsi pas beaucoup à la réduction du risque de catastrophes à long terme dans les pays en développement. Insistant sur la surveillance des catastrophes en Afrique, Chris Hartnady, Directeur d’un cabinet sud-africain de consultants en géosciences, soutient que nous devons sensibiliser le public sur les risques naturels à travers des programmes de préparation communautaires et l’éducation (voir Africans need earthquake education).

Selon Wilbur K. Otticho, parlementaire kenyan, il est d’autant plus important d’essayer de convaincre les décideurs politiques que la télédétection est une option viable pour réduire le risque de catastrophe. En Afrique, relève Ottichilo, les décideurs doivent souvent trouver l’équilibre entre des budgets limités et des problèmes plus palpables que les risques de catastrophes futures (voir Les satellites peuvent contribuer à la surveillance et à la gestion des sécheresses en Afrique).

L’accès n’a jamais été aussi facile

La télédétection se doit d’être une technologie ‘à la portée de tous’, et offrir des données en qualité et quantité égales, partout dans le monde.

Sans doute, les pays en développement peuvent ici saisir l’opportunité de sauter certaines étapes de développement et tirer profit des technologies les plus récentes. Les équipements et les technologies n’ont certainement jamais été aussi peu onéreux. Les données satellitaires pré-analysées sont de plus en plus fréquemment disponibles gratuitement. Les systèmes d’information géographique, qui sont tout aussi abordables et faciles à utiliser, peuvent également contribuer à l’intégration des données locales et régionales pertinentes, comme la densité de la population et le parc des logements.

Et dans de nombreux pays en développement, le personnel qualifié ne manque pas pour l’analyse et l’utilisation des données de télédétection. En Afrique, par exemple, le Centre régional pour la Cartographie des Ressources pour le Développement (créé par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique), a beaucoup oeuvré pour la promotion de la télédétection et des SIG sur le continent, par le renforcement des capacités et l’offre de services consultatifs.

Mais il est à regretter que les opportunités et les infrastructures nécessaires à l’application et l’exploitation de leurs connaissances ne se présentent aux personnes formées que trop rarement .

La triste vérité ? Sans un engagement politique au sommet, la télédétection appliquée à la gestion des catastrophes restera un rêve lointain pour les pays pauvres. Cela contribuera ainsi à maintenir les populations les plus vulnérables à la merci des caprices de la nature pendant bien trop longtemps.

Sian Lewis
Editorialiste,

Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net)