08/11/10

Des scientifiques malgaches avaient alerté contre les invasions de criquets

Le gouvernement malgache a gelé le budget de lutte contre les acridiens Crédit image: Locust_Flickr_HVargas

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[ANTANANARIVO, MADAGASCAR] Les essaims de criquets qui ont dévasté les cultures à Madagascar l’été dernier avaient été prédits par les scientifiques malgaches plusieurs mois à l’avance. Pourtant, estiment-ils, du fait de la non intervention du gouvernement, des mesures de contrôle n’ont pas été prises à temps.

"Nous avons prévenu le gouvernement [dès le mois de février] que, sans une intervention concrète sur le terrain, l’invasion de criquets échapperait à tout contrôle en août-septembre", précise Rado Solohery Ramboa, responsable administratif et financier au Centre national anti-acridiens (CNA) organisme chargé de rassembler les données sur les facteurs déterminants de la formation d’essaims de criquets.

Or le gouvernement a gelé le budget du Centre pendant la première moitié de l’année, à cause de problèmes socio-économiques suite au coup d’Etat de mars 2009, a-t-il déploré.

Depuis le mois de mai, Madagascar a été envahi par plusieurs essaims de milliards de criquets. Rien que pendant le mois d’août, environ 120.000 hectares de cultures ont été détruits dans le sud du pays, et des centaines d’hectares dans les hautes terres du centre de l’île, selon le CNA.

Les essaims ont également perturbé les études sur le terrain, retardant des travaux de recherche agricole, selon Yvonne Rabenantoandro, directrice scientifique au Centre national de la Recherche appliquée pour le Développement rural (FOFIFA), basé à Antananarivo. Le phénomène a néanmoins permis aux chercheurs de mettre à jour le système d’alerte sur les criquets et de progresser sur le développement d’une stratégie de lutte biologique contre les parasites.

Depuis janvier 2006, le FOFIFA, le Centre international de Recherche agricole pour le Développement (CIRAD) basé à Paris en France, et le Centre de Physiologie et d’Ecologie des Insectes (ICIPE) basé à Nairobi au Kenya, travaillent sur divers champignons susceptibles de lutter biologiquement contre les criquets.

Ces centres ont développé un nouveau bio-pesticide efficace à base du Metarhizium anisopliae var. acridum (SP9), une espèce malgache de champignon, annoncent les chercheurs. Le composé est actuellement en cours d’autorisation pour être utilisé dans la lutte contre les essaims de criquets, et s’il est approuvé, pourrait contribuer à réduire les coûts des pesticides importés.

En attendant que ce bio-pesticide soit prêt, le Colloque national sur la Lutte préventive contre les Acridiens à Madagascar, tenu à Antananarive en septembre dernier, a recommandé l’utilisation du Green Muscle (muscle vert), un produit autorisé développé en Afrique de l’Ouest et qui contient le Métarhizium anisopliade(IMI330189)

Si les essais sur le terrain montrent déjà une grande efficacité de ce biopesticide, son introduction à Madagascar nécessite des tests préliminaires pour une meilleure compréhension de sa virulence et des risques potentiels, prévient Nguya Maniania, chercheur à l’ICIPE.

Le Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a par ailleurs prévenu au début du mois d’août que ces essaims risquaient de devenir des fléaux si des mesures de contrôle n’étaient pas prises urgemment. La FAO travaille désormais avec les organisations sur le terrain à Madagascar pour le contrôle des essaims.

Pour Iain Couzin, biologiste évolutionniste à l’Université de Princeton aux Etats-Unis, "nous devons mieux comprendre comment et pourquoi des essaims se forment, et développer de meilleures méthodes de prévision. Mais ces prévisions doivent être soutenues par des ressources suffisantes pour que des mesures préventives soient prises".