22/02/12

Comment collaborer avec les agriculteurs sur les cultures GM

Les chercheurs en biotechnologie devraient expliquer que le processus de developpement de cultures résistantes aux insectes peut prendre plusieurs années Crédit image: Flickr/CIMMYT

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Les agriculteurs seraient plus susceptibles d’adopter les cultures GM s’ils étaient impliqués de manière appropriée dans la mise au point des variétés, selon Obidimma Ezezika et Justin Mabeya.

L’adoption rapide des cultures génétiquement modifiées (GM) dans les pays en développement pose un dilemme dans l’élaboration des programmes de biotechnologies agricoles : quand et comment les chercheurs doivent-ils impliquer les agriculteurs dans le processus de développement de nouvelles espèces?

Si les agriculteurs sont associés trop tôt, ils risquent de nourrir de trop grandes attentes que les projets pourraient ne pas combler. Les impliquer trop tard pourrait entraîner une faible adhésion à la technologie.

Pour mieux comprendre quand, et comment, impliquer les agriculteurs dans le processus, nous avons interviewé des experts agricoles de cinq pays d’Afrique sub-saharienne, notamment des exploitants individuels et des associations d’agriculteurs, des producteurs de semences, des chercheurs, et des organisations non gouvernementales.

 
Nourrir des attentes réalistes
 

Il est essentiel d’écouter les agriculteurs au cours des étapes préliminaires du processus de développement des cultures OGM, et cela peut permettre d’éviter que la technologie soit perçue comme ‘imposée’. Mais ce processus doit être graduel. Dans l’idéal, cette implication devrait atteindre son maximum un an avant que la technologie soit disponible, au moment où les agriculteurs sélectionnent le matériel végétal pour la saison suivante.

Cela permettrait de s’assurer que les attentes des agriculteurs pourront être comblées. L’enthousiasme des agriculteurs et des producteurs de semences impliqués dans le projet du Maïs résistant aux insectes pour l’Afrique (Insect resistant Maize for Africa), au Kenya, a par exemple été refroidi par la livraison tardive des produits du maïs.

Les gestionnaires de programmes de biotechnologie agricole doivent dire la vérité sur les limites d’un projet, comme les obstacles techniques et réglementaires susceptibles de retarder ou de faire échouer le développement d’un produit. Ils doivent aussi expliquer la différence entre la recherche et le produit final et souligner que le développement d’espèces transgéniques peut prendre dix ans, voire plus, comme ce fut le cas pour le projet du Maïs résistant aux insectes pour l’Afrique.

Le rôle de la communication est essentiel. Il faut être optimiste, mais réaliste, en adressant des messages portant sur les nouvelles cultures GM et leur capacité à résoudre un problème comme la résistance aux insectes, la tolérance aux herbicides et la résistance à la sécheresse.

 
Voir c’est croire
 

Des campagnes d’information, lancées en direction des agriculteurs et portant sur les projets de développement de nouvelles variétés, peuvent les inciter à s’impliquer en leur donnant l’opportunité d’en évaluer les avantages potentiels. Si les agriculteurs participent à la prise de décisions, il est plus facile d’entretenir leur implication et de gérer leurs attentes.

L’implication des agriculteurs est facilitée par l’emploi de versions améliorées des variétés qu’ils utilisent traditionnellement, et cela peut constituer un tremplin pour l’introduction des cultures GM. Les essais en champ plutôt qu’en lieux confinés peuvent permettre aux agriculteurs d’évaluer le temps nécessaire au développement de nouvelles technologies et, ainsi, tempérer leurs attentes. Lorsqu’ils sont combinés aux essais de terrain en milieu confiné, les essais en champ sont aussi susceptibles de gagner la confiance des agriculteurs dans les cultures GM, puisqu’après tout, ‘voir c’est croire’.

Les taux d’adoption tendent à être élevés quand les agriculteurs participent activement au développement de la technologie. En Afrique du Sud, par exemple, le ministère de l’Agriculture avait mis sur pied en 2005 le Programme d’appui aux agriculteurs [1], dont l’objectif était de faciliter l’accès des agriculteurs aux technologies développées par le Conseil de la recherche agricole et de les aider à les adopter. Dans le cadre dudit programme, les agriculteurs étaient invités à s’impliquer au travers de la formation et des démonstrations en champ.

Le développement du quncho, [2] une nouvelle variété de tef (la céréale la plus consommée en Ethiopie), par le Centre de recherche agricole Debre Zeit en Ethiopie, est la preuve des avantages que comporte une telle approche. En impliquant les agriculteurs au moyen de la sélection et de la reproduction des variétés ainsi que des essais en champs participatifs, la zone plantée est passée de 150 hectares en 2006 à 2 938 hectares en 2009, et les rendements ont doublé pour atteindre 2,2 tonnes à l’hectare.

Cibler certains agriculteurs
 

Les préoccupations d’ordre religieux et culturel, relatives par exemple à l’impact potentiel des nouvelles technologies sur les systèmes de semence traditionnels peuvent compliquer l’adoption des cultures GM par les agriculteurs. Comprendre ces préoccupations et y répondre au moyen d’un dialogue continu peut aider les agriculteurs à adopter la technologie.

L’une des stratégies de promotion de l’adoption des variétés GM consiste à coopérer, plutôt qu’avec plusieurs petits exploitants, avec quelques agriculteurs progressistes qui établiront ensuite la liaison avec les autres agriculteurs. Les progressistes sont ceux qui, par exemple, ont de bons rendements et se voient solliciter par d’autres agriculteurs pour leurs conseils, ou bien ceux qui dirigents des associations de fermiers.

Cette stratégie, qui consiste à cibler les agriculteurs qui serviront d’interface, a été employée avec succès dans divers programmes en Afrique. [1,3,4] Son efficacicé repose sur une communication claire autour du projet.

La collaboration avec d’autres organisations locales, comme les producteurs de semences ou les sociétés coopératives, pour mettre à profit leurs réseaux de relations et leur expérience, peut également contribuer à la sensibilisation et à l’échange d’informations.

Le travail de concert avec les producteurs de semences à un stade préliminaire de sélection et de développement des variétés de cultures peut permettre d’assurer que les agriculteurs en bénéficient. Et la collaboration avec le gouvernement est essentielle. Les agriculteurs font partie intégrante du processus de développement des cultures GM. Il est important de collaborer avec eux dès le début du processus et de reconnaître l’importance de leurs connaissances et de leurs conseils. Mais les chercheurs doivent prendre des précautions pour ne pas faire de promesses et susciter des attentes qui pourront ne pas être satisfaites.

Obidimma C. Ezezika est chef de programme et Justin Mabeya, chercheur consultant, tous deux au Centre Sandra Rotman du Réseau universitaire de la santé et à l’Université de Toronto à Toronto au Canada.

Références

 [1] Kimaro, W. H., Mukandiwa, L. and Mario, E. Z. J. (eds) Towards improving agricultural extension service delivery in the SADC region. Proceedings of the Workshop on Information Sharing among Extension Players in the SADC Region, 26–28 July 2010, Dar es Salaam, Tanzania (2010).

[2] Assefa, K. et al. Quncho: The first popular tef variety in Ethiopia. International Journal of Agricultural Sustainability 9, 25–34 (2011).

[3] Amudavi, D. M. et al. Assessment of technical efficiency of farmer teachers in the uptake and dissemination of push-pull technologies in western Kenya. Proceedings of the 25th Annual Meeting of Association for International Agricultural and Extension Education (AIAEE), 24– 27 May 2009, International San Juan Resort, Puerto Rico (2009).

[4] Glendenning, C. J., Babu, S. and Asenso-Okyere, K. Review of agricultural extension in India: Are farmers’ information needs being met? International Food Policy Research Institute (2010).