28/07/14

Madagascar se mobilise contre la déforestation

Madagascar Deforestation_598
Crédit image: SciDev.Net/Rivonala Razafison

Lecture rapide

  • Un nouveau programme gouvernemental a été lancé à Madagascar visant à valoriser le capital naturel et culturel de l'île
  • Les chercheurs malgaches de leur côté sont préoccupés par le rythme inquiétant de la déforestation dans le pays, à cause de l’extrême pauvreté des populations
  • Des solutions sont proposées pour réduire la dépendance des pauvres à la forêt naturelle.

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Confrontées à une grande campagne de déforestation à l'échelle du pays, les autorités malgaches ont lancé un ambitieux programme de protection de la nature.

Madagascar ambitionne de devenir une destination phare de l’océan Indien à travers la mise en œuvre de la Stratégie pour le développement du secteur du tourisme, objet d’une présentation solennelle à Antananarivo, le 15 juillet dernier.

En valorisant son capital naturel et culturel, le pays espère pouvoir attirer un million de visiteurs. Mais le rêve de voir la Grande Ile devenir "la principale destination émergente naturellement durable", selon l’expression officielle, aura sans doute du mal à se concrétiser, vu les réalités sur le terrain.

Chercheurs et spécialistes de la conservation s'inquiètent en effet de l’accélération du rythme de déforestation et de destruction de la nature dans le pays.

Dans un rapport intitulé "Forêt de Maromizaha : une richesse en péril", adressé à l’administration publique, le Groupe d’étude et de recherche sur les primates de Madagascar (Gerp) détaille la situation de ce bloc de forêt humide localisé à 150 km à l’est de la capitale.

Sans parler de la diversité végétale, l’aire protégée, d’une superficie totale de 1 800 ha, sert de refuge naturel à une douzaine d’espèces de lémuriens (l’animal emblématique du pays), à plus de 60 espèces de reptiles et amphibiens, à plus de 800 espèces d’insectes, à plus de 20 espèces de rats, à 4 espèces de chauves-souris et à bien d’autres encore. Toutes sont endémiques.

"Outre la diversité biologique qu’elle recèle, cette forêt abrite d’importantes sources d’eau alimentant plusieurs cours d’eau. Sa protection doit donc être une priorité absolue", a déclaré José Ralison, primatologue et coordinateur technique du Gerp.

La sécurisation de la forêt de Maromizaha et le processus de sa cogestion avec la communauté locale a démarré en 2008, avec la contribution financière du Houston Zoo (Texas).

Pourtant, l’aire protégée subit des pressions d’une proportion inquiétante en raison de la présence de nouveaux migrants qui ont choisi de s’installer aux alentours du site.

Avec la complicité des populations riveraines, ils abattent à des fins agricoles des essences autochtones à l’intérieur de l’aire protégée. Ils y fabriquent aussi du charbon et chassent des lémuriens et autres animaux sauvages.

"Près de 60 ha de forêt naturelle à l’intérieur du site, données obtenues à l’aide de GPS, ont été rasés en février. Trois mois plus tard, le volume de la superficie déboisée a triplé", a révélé José Ralison.
Selon le chercheur, la forêt de Maromizaha ne survivra sûrement pas au-delà d’une décennie si les fortes pressions auxquelles elle est exposée se poursuivent alors que le gouvernement ne prend aucune mesure y afférente.

"Nous assistons aujourd’hui au cas de Maromizaha. Mais la situation de la forêt dans tout Madagascar est à peu près la même", a-t-il souligné lors d’une descente sur terrain les 10 et 11 juillet à laquelle des responsables locaux, dont des représentants du ministère de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts, et des journalistes ont été conviés.

"Les prisons promettent d’être surpeuplées si les responsables arrêtent les coupeurs d’arbre pour les emprisonner en guise de punition, alors qu’il n’y a pas de travail pour eux. C’est la pauvreté qui nous pousse à dépendre de la nature pour notre survie", a déclaré à la presse Michel Razanakoto, un prêtre traditionnel résidant à la lisière de la forêt de Maromizaha.

Ismail Abdelkader, maire de la commune rurale d’Andasibe, propose pour sa part une relance de la plantation à grande échelle des espèces à croissance rapide comme l’eucalyptus, pour décroître de façon significative la dépendance accrue des pauvres à l’égard de la forêt naturelle.

Son homologue d’Ambatovola, Fanomezantsoa Raharijaona, insiste sur la nécessité pour les techniciens de l’agriculture et de l’élevage d’apprendre aux populations des techniques agricoles modernes à même de les aider à combattre efficacement la pauvreté.

A ce propos, le chef de circonscription de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts pour Moramanga, Tsiritseheno Ranaivoharimanalina, soulève le manque flagrant de coordination entre les services techniques des démembrements de l’Etat.

"Il devrait y avoir une synergie d’action entre l’Agriculture, l’Elevage, la Forêt, la Population et les communes. Hélas, ce n’est pas le cas chez nous. Les exigences des bailleurs ne correspondent pas non plus aux attentes de la population, en cas de financement étranger", a-t-il remarqué.

Lors de la publication de la Situation des forêts du monde en juin, la FAO avait souligné que les politiques des pays doivent s’attacher davantage à maintenir et à développer les contributions vitales des forêts aux moyens d’existence des populations et à leurs besoins en matière d’alimentation, de santé et d’énergie.

L’organisation onusienne a aussi observé que les politiques forestières et autres politiques pertinentes ne prêtent guère une attention suffisante aux avantages socio-économiques des habitants, malgré leur énorme potentiel de contribution à la réduction de la pauvreté, au développement rural et à la promotion d'une économie verte.