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Pour Priya Shetty, les Objectifs de développement durable proposés devraient mettre davantage l'accent sur la santé afin de poursuivre sur la lancée des progrès enregistrés grâce aux OMD.

Depuis l’an 2000, les efforts dans le domaine de la santé mondiale ont été alignés sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le lien a d’ailleurs été si étroit que certains experts en santé publique ont exprimé leur inquiétude quant au fait que des objectifs sanitaires non inclus dans la déclaration du Millénaire, comme la lutte contre les maladies chroniques, en ont pâti.

En proposant des objectifs clairs, les OMD ont suscité des financements sans précédent pour les interventions de santé publique et la recherche et développement (R&D). Cependant, au-delà de 2015, qui correspond au délai fixé pour atteindre les objectifs, cet accent risque de s’estomper et la santé publique, de tomber dans les oubliettes.

Il existe toutefois un successeur potentiel aux OMD. Dans le cadre des discussions en prélude à la conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20), un ensemble d’objectifs de développement durable (ODD) a été proposé. Ces objectifs devraient entrer en vigueur en 2015.

Bien que les premières moutures des ODD abordent les questions négligées par les OMD, comme la sécurité alimentaire, ils sont assez succincts sur la santé et sur plusieurs questions sociales (l’éducation, par exemple, ou la parité des sexes ). Cette situation devrait préoccuper au plus haut point les experts en santé publique.

Avec des objectifs post-OMD peu portés sur la santé, le risque est qu’une bonne partie des progrès acquis dans ce domaine soient anéantis.

Des avancées réduites à néant ?

Il est vrai que les OMD se sont transformés en questions de santé publique, mais ils n’étaient pas axés exclusivement sur la santé. Ces objectifs ont été conçus pour attirer l’attention sur les problèmes du monde en développement, qui persistaient en dépit des milliards d’aide internationale engloutis pour les résoudre. Plusieurs objectifs étaient axés sur la santé -l’OMD 4 vise par exemple à réduire la mortalité infantile, l’OMD 5, à améliorer la santé maternelle et l’OMD 6, à lutter contre le VIH/Sida, le paludisme et d’autres maladies infectieuses.

Ils s’attachent également à des questions sociales touchant à la santé, comme assurer un accès de tous à l’éducation primaire (OMD2), réduire l’extrême pauvreté et la faim (OMD 1), et promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (OMD 3). D’ici à 2015, le taux de pauvreté dans le monde devrait descendre en-dessous de 15 pour cent, une proportion bien inférieure aux 23 pour cent visés par la Déclaration. Les progrès accomplis jusqu’à présent prouvent la nécessité de définir des objectifs clairs : ce n’est pas un hasard si peu de progrès ont été enregistrés sur la durabilité environnementale (OMD7) et la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement (OMD8)). Ces deux objectifs étaient dénués de cibles précises.

Il faut ajouter à cela quelques lacunes évidentes. Rien n’était prévu pour les maladies chroniques qui représentent une menace croissante pour la santé dans les pays en développement, et rien, non plus, pour les maladies négligées dont continuent à souffrir beaucoup de personnes en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

La durabilité est incontournable

Il est facile de comprendre pourquoi l’idée de la durabilité est devenue centrale en ce nouveau millénaire. Elle occupe une place méritée au cœur des objectifs mondiaux.

La population mondiale a atteint 7 milliards d’habitants et les ressources naturelles s’épuisent davantage chaque jour. Au mois de janvier, les Nations Unies ont lancé l’Année internationale de l’énergie renouvelable pour tous, et en novembre dernier, le Programme des Nations Unies pour le développement a publié un rapport expliquant pourquoi la destruction de l’environnement menace le développement humain.[1]

La santé de l’environnement est liée de manière incontestable à celle des hommes, et la protection de la santé humaine passe par celle de la planète.

Les ODD tiennent compte de ce lien, en affirmant par exemple : « Nous avons souligné l’importance capitale des ressources en eau pour le développement durable, y compris l’éradication de la pauvreté et de la faim, la santé publique, la sécurité alimentaire, l’hydroélectricité, l’agriculture et le développement rural ». Mais, c’est la seule référence à la santé que contiennent ces objectifs. Au lieu de s’y consacrer, le projet tourne autour des questions essentielles pour l’amélioration de la santé, comme la faim (la malnutrition étant un facteur de risque majeur de mauvais état de santé).

Le projet des ODD exhorte les Etats à « accorder la priorité à l’intensification durable de la production alimentaire en augmentant les investissements dans la production alimentaire locale, en améliorant l’accès aux marchés locaux et mondiaux de produits agroalimentaires, en réduisant les déchets le long de la chaîne de l’offre, et enfin en accordant une attention particulière aux femmes, aux petits exploitants, aux jeunes agriculteurs et aux agriculteurs autochtones ».

Il semble également que le projet se penche bien peu sur l’éducation, en dépit d’un lien avéré entre l’éducation (celle des jeunes filles en particulier), l’amélioration de la santé et le développement.

Préciser davantage les cibles des ODD

Les ODD ne sont pas encore gravés dans de la pierre, et nous sommes encore dans cette période critique où leurs lacunes peuvent être comblées. Bien qu’il soit essentiel d’adopter cette approche globale qui tient compte de la durabilité des ressources de la planète, il faut maintenir un accent sur la santé dans le monde en développement.

Les maladies comme le VIH/sida tendent à générer plus facilement que d’autres problèmes de santé les financements, et à attirer l’attention de la planète. Avec une économie mondiale toujours en crise, il serait cependant très facile de laisser s’estomper l’élan pris pour l’amélioration de la santé maternelle et infantile, si longtemps laissée aux oubliettes.

Les OMD ont aussi suscité l’enthousiasme de la communauté internationale pour le renforcement des soins de santé, par exemple à travers le développement des infrastructures des systèmes de santé ; ces idées commencent juste à prendre corps, et ce serait une catastrophe qu’on les néglige à nouveau.

Il sera crucial d’entrelacer les objectifs de santé avec la durabilité environnementale, et cela requerra la collaboration d’un large panel d’experts dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la gestion des ressources, de la lutte contre la pauvreté, de l’égalité et de l’éducation.

Avec une bonne approche, les ODD pourraient enregistrer plus de succès que les OMD, en s’attaquant à des questions qui se situent au confluent de la santé et de la durabilité environnementale, comme les interpénétrations des changements climatiques et des maladies infectieuses.

La lutte contre la destruction de l’environnement est sans nul doute importante, mais sauver la Terre n’aura pas beaucoup de sens si nous faisons fi de la santé des personnes qui l’habitent.

La journaliste Priya Shetty est spécialiste des questions de développement, notamment la santé, les changements climatiques et les droits de l’homme. Elle anime un blog, Science Safari, sur ces questions. Elle a été éditorialiste au New Scientist, The Lancet et SciDev.Net.