25/09/18

Agriculture : Les données, un indice du rôle des femmes

Claire Melamed - 1 2018 Main
Claire Melamed, PDG du Partenariat mondial pour les données sur le développement durable Crédit image: IISD Reporting Services

Lecture rapide

  • Une initiative vise à regrouper des données d'enquête sur l'agriculture dans 50 pays à travers le monde
  • Lancée à l’AG de l'ONU, elle vise à renforcer les politiques, en vue de l'élimination de la faim d’ici à 2030
  • La visibilité des agricultrices par le biais des données constituerait un exemple d’impact

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L'initiative 50 x 2030, lancée cette semaine lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, à New York, vise à rassembler des données agricoles du monde entier, afin d'aider les gouvernements à prendre de meilleures décisions pour éradiquer la faim.

Elle sélectionnera 50 pays – 10 en Asie, 10 en Amérique latine et 30 en Afrique – qui recevront un appui dans la collecte, le stockage et l’utilisation des données.
 
Le projet devrait coûter environ 500 millions de dollars américains (environ 283 milliards de Francs CFA) jusqu'en 2030 et est financé par les gouvernements des États-Unis, d'Australie et d'Allemagne, la Fondation Bill & Melinda Gates, ainsi que plusieurs organisations du système des Nations Unies.

Mais garantir la qualité des données collectées reste un problème, selon Claire Melamed, PDG du Partenariat mondial pour les données sur le développement durable, qui supervise l’initiative.

Elle s'est entretenue avec SciDev.Net du rôle de l'initiative dans l'accompagnement des gouvernements, ainsi que de l'aspect sexospécifique de l'agriculture.
 

Pourquoi concentrez-vous vos efforts sur les données agricoles ?

L’agriculture est au cœur des programmes de nombreux pays pour atteindre les objectifs de développement durable. Mais souvent, ces pays ne disposent pas de bons systèmes de collecte de données [dans le secteur agricole]. Parfois, soit il existe un grand fossé physique entre les centres de collecte de données, soit les systèmes en place sont insuffisants. En conséquence, les gouvernements peuvent ne pas avoir une idée du nombre d'agriculteurs dans leur pays, de ce qu'ils produisent et dans quelles circonstances. Cela devient plus important, au vu de l'impact du changement climatique. Les conditions agricoles évoluent rapidement dans de nombreuses régions du monde et les agriculteurs, ainsi que les gouvernements ont du mal à suivre. Ainsi, en ce qui concerne les preuves faibles sur lesquelles beaucoup de politiques reposent, il est temps de mettre en place des systèmes d'informations fiables, pour aider à prendre les bonnes décisions.

Comment l'initiative 50 x 2030 fonctionnera-t-elle ?

L'initiative repose sur l'expansion des programmes d'enquête existants. Nous ne voulons pas créer quelque chose de nouveau, car il existe déjà de nombreux outils pour collecter des données pour l’agriculture. Nous utilisons principalement deux programmes : les enquêtes intégrées sur l’agriculture, qui font partie de l’étude de la Banque mondiale sur les niveaux de vie [Living Standards Measurement Study (LSMS)] et l’enquête AGRIS de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Mener des enquêtes coûte cher et de nombreux gouvernements sont limités dans leurs ressources. Dans le cadre de cette initiative, les données seront collectées par les gouvernements, mais nous fournissons des ressources pour les développer et les inscrire dans la durée.

Quel type de critères imposerez-vous pour que les données soient pertinentes ?

Nous ne prendrons en charge que les programmes qui ont fait leurs preuves et jouissent d’une méthodologie éprouvée. Les questions de l’enquête doivent être normalisées au fil du temps et les enquêtes elles-mêmes doivent avoir été utilisées pendant de nombreuses années pour l’élaboration des politiques. Nous veillerons également à ce que la taille de l’échantillon soit suffisamment importante pour désagréger les données en circonscriptions ou en types de population particuliers. Nous avons besoin d'enquêtes pouvant servir de base à des initiatives de données en temps réel, à des informations sur de petits domaines et à d'autres éléments offrant une granularité supplémentaire. Mais tout doit être construit sur la base de données d’enquête rigoureuses et méthodologiquement solides.

Comment allez-vous sélectionner les pays participants ?

Ils doivent être des pays où le gouvernement s’engage à renforcer la politique en matière de données. Ils doivent investir de l'argent eux-mêmes et utiliser les ressources des donateurs. C’est important pour la responsabilité, la reddition de comptes et pour s’assurer que les données seront effectivement utilisées et intégrées dans les systèmes gouvernementaux. Bien entendu, ils doivent aussi être des pays où l’agriculture est un élément clé du développement. Il doit y avoir des incitations institutionnelles pour que les fonctionnaires utilisent réellement les données dans le cadre de l’élaboration de politiques. Nous ne voulons pas simplement prendre un tas de données, les lancer sur une plateforme et partir.

Pouvez-vous donner un exemple de la façon dont de meilleures données peuvent modifier les politiques ?

Mon exemple préféré concerne les données sur le genre, dans l'agriculture. Pendant longtemps, les décideurs ont eu une image erronée des agriculteurs, perçus comme une cellule familiale pratiquant l'agriculture de subsistance ou une entreprise où les employés étaient des hommes. Mais ensuite, une collecte de données approfondie a montré que la situation est beaucoup plus compliquée que cela. Il y a beaucoup de femmes qui cultivent la terre ou possèdent une vache. De plus, dans de nombreux pays, il existe des divisions complexes entre les sexes. Il suffit de penser aux différences en matière de travail, de propriété foncière ou de pratiques culturales.

Pouvez-vous donner un exemple de la façon dont de meilleures données peuvent modifier les politiques ?

Mon exemple préféré concerne les données sur le genre dans l'agriculture. Pendant longtemps, les décideurs ont eu une image des agriculteurs en tant que cellule familiale pratiquant l'agriculture de subsistance ou une entreprise où l'agriculteur était un homme. Mais ensuite, une collecte de données approfondie a montré que la situation est beaucoup plus compliquée que cela. Il y a beaucoup de femmes qui cultivent la terre ou possèdent une vache. De plus, dans de nombreux pays, il existe des modèles d'inégalités complexes, en fonction du sexe. Il suffit de penser aux différences en matière de travail, de propriété foncière ou de différences en termes de pratiques culturales.
Les unités comparables pourraient constituer une "victoire rapide" pour les données agricoles. Cela affecte vraiment la façon dont les gens utilisent, par exemple, les programmes de crédit ou les engrais. Lorsque les gouvernements essayaient d'apporter des améliorations aux politiques agricoles, leurs politiques fonctionnaient souvent différemment dans la pratique, en raison de la manière inattendue dont les hommes et les femmes interagissaient dans les champs et dans les ménages. Comprendre les agricultrices constituait un précieux discernement qui a entraîné de grands changements dans la gestion des programmes agricoles. Et cela a été rendu visible par de meilleures données.

Donc, vous pensez que de meilleures données pourraient aider les femmes ?

Oui. Nous devons toujours regarder l'agriculture à travers le prisme du genre. Avec de meilleurs systèmes de données, nous obtenons de nouvelles façons de voir le monde. Les données nous permettent de savoir si les hommes et les femmes prennent des décisions de différentes manières, car leurs incitations et responsabilités sont différentes. Lorsque vous concevez des programmes, de meilleures données vous donneront un aperçu des différentes manières dont les hommes et les femmes seront affectés. Si les bonnes décisions sont prises, cela va aider les femmes et, à terme, offrir de meilleures politiques et de meilleurs résultats.