27/03/18

Bientôt une application mobile pour lutter contre les ravageurs

Ravageur SGAL
Crédit image: Edwin Chaine

Lecture rapide

  • Elle est conçue pour aider à lutter contre l'usage abusif des pesticides et préserver l'environnement
  • Elle devrait fonctionner avec une base de données intégrée et ne requiert pas de connexion Internet
  • La société civile exige qu'elle s'inspire du savoir endogène comme gage de succès

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Une application mobile permettant d’identifier les ravageurs des cultures maraîchères afin d’adapter les méthodes de lutte idoines devrait être mise à la disposition des acteurs du monde agricole, d’ici à quelques mois.
 
L’application, pensée et développée par un groupe de scientifiques et d’acteurs du secteur agricole, ambitionne de solutionner la problématique de l’usage abusif des pesticides dans les cultures et de promouvoir des pratiques plus agroécologiques.

“L’agroécologie ne consiste pas à bannir l’utilisation des insecticides chimiques, mais à les utiliser de façon raisonnée en les combinant avec des méthodes naturelles.”

Ahmada Karihila Boinahadji – Université de Dakar

"Nous sommes partis du constat selon lequel face aux ravageurs, les agriculteurs utilisent souvent et de façon abusive des pesticides trop forts, dans le but d’éliminer tous les ravageurs, quelle que soit leur nature", déclare Ahmada Karihila Boinahadji, doctorant en entomologie à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) et chef de l’équipe-projet chargée de développer la solution.


 
Le chercheur précise que "ces pesticides ne sont pas sans danger pour l’environnement et la santé humaine et vont jusqu’à éliminer les parasites utiles dans les cultures".
 
Le développement de l'application est l’un des cinq projets retenus et ayant bénéficié d’un accompagnement dans le cadre du programme PARFAO –Promouvoir l’agroécologie par la recherche et la formation en Afrique de l’Ouest, co-porté, entre autres, par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Agence universitaire de la francophonie (AUF).
 
Même si elle est encore en phase de développement, son principe de fonctionnement est déjà bien élaboré.
 
Elle fonctionne par un processus de comparaison d’images, explique Ahmada Karihila Boinahadji. Dans la pratique, l’agriculteur identifie dans un premier temps les symptômes ou les signes de présence d’un ravageur dans sa parcelle, puis questionne l’application sur la base de ses observations.
 
Celle-ci lui propose ensuite une gamme de ravageurs avec les dégâts qu’ils occasionnent et l’utilisateur devra comparer les images proposées par l’application avec ses observations réelles sur le terrain. Enfin, les méthodes de lutte adéquates lui sont proposées, une fois que le ravageur aura été formellement identifié.
 
Les concepteurs de cette application dont le prototype sera disponible dans un délai de six mois, ont choisi de ne pas opter pour une méthode de photo scan, ce qui leur a par ailleurs permis d’anticiper un défi majeur qu’aurait pu rencontrer l'application : l’accès à une connexion Internet.
 
"L’application ne sera pas dépendante d’une connexion Internet ; une fois qu'elle est téléchargée, l’utilisateur dispose d'une base de données installée sur son smartphone et n’aura plus recours à une connexion Internet pour s’en servir", souligne-t-il.
 
Initiative salutaire
 
Sokhna Fall, maraîchère dans la région de Saint-Louis au Sénégal, salue l’initiative de cette application et confie à SciDev.Net que "très souvent, c’est une fois qu’on remarque les symptômes ou qu’on constate les dégâts qu’on se rend compte qu’on est victime d’une attaque de ravageurs".
 
Dans ce cas, poursuit-elle, le réflexe est d’utiliser le pesticide le plus puissant pour essayer de sauver une bonne partie des cultures, "alors que nous avons bien conscience du danger que cela représente pour notre santé et pour le consommateur."
 
Sokhna Fall souhaite avoir à sa disposition une application qui ne préconiserait que des méthodes de lutte naturelles ; de plus, elle émet le vœu que l'application intègre les appellations des ravageurs en langues locales.
 
En réponse à cette dernière préoccupation, Ahmada Karihila Boinahadji se veut rassurant et précise que l’application préconisera des méthodes de lutte naturelles aussi bien que, dans une moindre mesure, des méthodes chimiques basées sur des produits autorisés.
 
"L’agroécologie ne consiste pas à bannir l’utilisation des insecticides chimiques, mais à les utiliser de façon raisonnée en les combinant avec des méthodes naturelles", précise-t-il.
 
Facteurs clés de succès
 
Bien qu'il trouve cette application très utile, Baba Bodian, président de l’association Bioforce – Volontaires pour la biodiversité, attire cependant l’attention sur deux conditions de son succès.


 
Tout d'abord, "elle doit tenir compte des connaissances locales", estime-t-il, en invitant les développeurs à ne pas adopter une démarche savante et à ne pas chercher à donner l'impression aux populations locales qu’elles sont ignorantes en matière de lutte contre les ravageurs.
 
Selon lui, au lieu de juxtaposer les nouveaux apports de l’application avec le savoir local, "l’application doit plutôt s’articuler autour des connaissances locales et c’est ce qui garantira sa réussite."
 
Ensuite, "il faut tenir compte de l’ensemble des acteurs dans la conception et le développement de l’application", affirme-t-il.
 
Baba Bodian fait par ailleurs remarquer que le plus souvent, ce ne sont pas seulement les agriculteurs qui sont confrontés aux ravageurs ; il y a aussi, estime-t-il, les opérateurs économiques, qui sont pour la plupart propriétaires de parcelles, encadreurs, conseillers, etc.