20/09/13

Les légumes africains comme remède à la malnutrition

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Lecture rapide

  • Le projet vise à renforcer la productivité, la compétitivité et la commercialisation des légumes traditionnels africains, en prodiguant des conseils en techniques culturales aux agriculteurs locaux
  • En assurant la promotion des légumes, les promoteurs comptent aussi combler le déficit nutritionnel chronique sur le continent
  • Mais un obstacle majeur reste à surmonter : convaincre les agriculteurs de la rentabilité des légumes traditionnels africains.

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La consommation quotidienne de légumes de qualité et en quantité suffisante permet d’assurer une bonne santé et de prévenir diverses maladies chroniques.
Plusieurs études ont établi la pertinence de cette assertion et l’OMS recommande la consommation d’au moins 400 grammes de fruits et légumes par jour.

Mais cette norme est loin d’être atteinte en Afrique et le Centre mondial des légumes (AVRDC) entend corriger cette distorsion à travers le projet "Renforcement de la productivité, de la compétitivité et de la commercialisation des légumes traditionnels africains pour l’amélioration des revenus de la nutrition en Afrique de l’Ouest et du Centre", lancé le 18 septembre à Ouagadougou.

Les trois pays concernés par l’atelier – le Cameroun, le Ghana et le Burkina Faso – figurent aussi parmi les 20 pays du monde les plus touchés par la malnutrition chronique, notamment chez les enfants en bas âge.

Les formes les plus importantes de la sous-nutrition dans ces pays sont des carences en protéines, en vitamines A et C, en acide folique, en iode et en zinc.

Autant d’éléments qu’on trouve à profusion dans les légumes feuilles traditionnels africains.

"Sur le plan nutritionnel, à l’époque de nos parents où l’alimentation n’était qu’à base de légumes, les problèmes de santé et de nutrition étaient moindres qu’aujourd’hui où nous mangeons beaucoup de phases courtes et des concentrés. Les analyses nutritionnelles montrent que ces légumes traditionnels peuvent nous aider à résoudre nos problèmes de santé publique tels que les carences en vitamine A et les carences en protéines, surtout pour les enfants de moins de cinq ans, vu le problème de mortalité infantile qu’il y a en Afrique", affirme Régine Kamga, attachée de recherche au bureau de liaison AVRDC du Cameroun.

Pour Albert Rouamba, chercheur au bureau régional de l’AVRDC au Mali, « ces légumes feuilles sont très riches en microéléments, notamment en soufre, en phosphore, en vitamines, autant d’éléments qui permettent de conserver une bonne santé."

"Quand vous allez en milieu rural, vous constatez que ce sont les femmes qui cultivent ces légumes locaux pour les utiliser dans les sauces. Elles ont un champ de gombo par-ci, un autre d’oseille par-là, mais la production reste marginale. Les gens préfèrent s’adonner à la production de légumes exotiques comme la tomate, les choux, le piment et les légumes locaux sont relégués au second plan. Notre atelier visait justement à faire connaitre l’importance des légumes traditionnels dans un certain nombre de pays et les résultats du travail qui sera fait au Ghana, au Cameroun et au Burkina seront partagés. Ainsi, nous aurons la même échelle d’évaluation", indique Albert Rouamba.

Mais si l’objectif du projet est d’amener les populations rurales à produire et à consommer les légumes traditionnels, il apparait évident que cela ne suffit pas à résoudre le problème de la malnutrition.

Manger équilibré et varié

L’insuffisance de diversité alimentaire est souvent citée comme une cause essentielle de cette situation parce que les populations consomment principalement des céréales et du manioc, riches en glucides, mais pauvres en nutriments et en vitamines.

"Dans les campagnes, explique Régine Kamga, on mange plus d’hydrates de carbone que de légumes. C’est une question de proportions. Généralement, on mange juste une petite quantité de légumes et une très grosse boule de couscous. Il faudrait que ce soit plutôt une petite quantité de céréales et beaucoup de légumes, parce que ce sont les légumes qui apportent les oligoéléments. C’est dans les légumes qu’il y a les nutriments. Il faut donc bien doser."

Albert Rouamba affirme de son côté que "le mode de préparation contribue à réduire l’importance des éléments nutritifs dans les légumes."

“En Afrique, les légumes sont bouillis, chauffés à des températures excessives qui en dégradent les éléments nutritifs.”

Albert Rouamba
AVRDC Mali

"Vous remarquerez, indique-t-il, que dans les villes, les gens mangent beaucoup de légumes crus, sous forme de salade alors que dans les campagnes, c’est presque le contraire. Les légumes sont bouillis, chauffés à des températures excessives qui en dégradent les éléments nutritifs, si bien que ceux qui les consomment ne profitent pas comme il se doit des valeurs nutritives, à cause du mode de cuisson."

L’autre objectif de ce projet est d’améliorer la production et la consommation des légumes traditionnels pour en faire une source de revenus pour les femmes qui en sont les premières productrices.

"Sur le plan économique, explique Régine Kamga, ces légumes traditionnels peuvent être des outils d’autonomisation des femmes, parce que les femmes dans nos sociétés sont assez lésées. Ce sont elles qui sont les premières productrices de ces légumes feuilles. En les aidant à faire de cette production un business à telle enseigne qu’elles produisent avec des techniques améliorées, elles s’assurent que c’est une entreprise qu’elles ont entre les mains, qu’elles peuvent en vivre et qu’elles doivent en prendre soin. Donc c’est un outil qui peut aider à résoudre beaucoup de problèmes de société comme l’autonomisation des femmes et même le sous-emploi, parce que les jeunes peuvent aussi y trouver leur compte. Les jeunes qui migrent dans les villes et qui ne trouvent pas d’emploi doivent savoir qu’en restant en milieu rural et en cultivant ces légumes, ils peuvent sortir de la précarité."

Consommer les légumes traditionnels dès le berceau

Ousmane Ndoye, gestionnaire du programme Cultures non vivrières du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), principal soutien financier du projet, pense également que la solution réside dans l’amélioration des rendements.

"Ce que nous voulons à travers ce projet, c’est que les populations produisent des légumes traditionnels pour les consommer mais aussi pour les vendre. Si on leur prodigue des pratiques culturales qui augmentent les rendements de ces légumes, elles auront plus de quantité pour se nourrir, mais aussi pour vendre et ce surplus de production pourra être commercialisé dans les villes. Il y a même des exemples transfrontaliers qui existent maintenant", affirme-t-il.

Dans des pays comme le Burkina, coutumiers de déficits pluviométriques, les problèmes d’eau peuvent se poser, mais pour Ousmane Ndoye, des solutions existent.

"Une des composantes du projet, explique l’expert du CORAF, s’attèle aux pratiques agronomiques, notamment l’utilisation de l’eau. Il y a des techniques qui ont déjà été testées par les partenaires du projet et qui démontrent très clairement une utilisation efficace et raisonnée de l’eau. Les bénéficiaires du projet, selon les zones, pourront choisir la pratique qui s’adapte le mieux à leur zone pour la production des légumes traditionnels."

Maintenant commence la plus gigantesque des tâches : celle qui consiste à convaincre les populations-cibles d’accorder aux légumes traditionnels africains l’importance qu’ils méritent.

Le directeur du Conseil pour le développement durable de l’Afrique, Salibo Some, est très optimiste : "Il faut mettre l’accent sur la sensibilisation des producteurs parce que dans beaucoup de localités, les gens ne consomment que les mêmes légumes. Il faut les amener à diversifier les légumes parce que tous les légumes ne contiennent pas les mêmes types de vitamines. Il faut améliorer la disponibilité et l’accessibilité économique de ces légumes traditionnels et vous verrez que les gens vont changer progressivement. Dans beaucoup de marchés locaux, on vend maintenant la laitue, alors que naguère, c’était considéré comme la nourriture des "Blancs". Donc, les habitudes alimentaires peuvent changer."

Cet optimisme est partagé par Régine Kamga, qui met en avant le rapport qualité/prix des légumes traditionnels africains.

"L’OMS, rappelle-t-elle, recommande de consommer au moins 400 g de fruits et légumes par jour. Les fruits et les légumes exotiques coutent cher, mais on peut très bien trouver son compte sur le plan quantitatif et qualitatif, en ne consommant que les légumes traditionnels africains. Il ne faut pas attendre de vieillir pour consommer des légumes, parce que c’est aussi une manie en Afrique que de se découvrir d’abord un diabète ou toute autre maladie chronique avant de se mettre aux légumes sous les conseils d’un médecin. Aujourd’hui, la sensibilisation veut que cette consommation commence dès le berceau, que cela devienne une habitude alimentaire."