02/09/14

Bénin: La production de tomates, un risque de santé pour les paysans

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Crédit image: Flickr/Ajith_chatie

Lecture rapide

  • L'utilisation des engrais et des pesticides en milieu urbain posent des risques sérieux pour la santé et l'environnement
  • Les chercheurs estiment que les rendements de ces pratiques agricoles sont faibles, à cause des prédateurs
  • Ils préconisent l'utilisation de bio-pesticides et la sensibilisation des paysans et des décideurs politiques

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L’étude, publiée dans le journal Agronomy for Sustainable Development de Springer le mois dernier (22 août) a fait une évaluation intégrée des pratiques d'agriculture urbaine, notamment la production de tomates dans les villes du Bénin, pour mesurer les performances et les risques environnementaux liés à cette activité.
 
Réalisés par des scientifiques béninois et étrangers du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), du Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) et de l’Université d’Abomey-Calavi, les travaux ont permis de suivre douze systèmes de culture auprès de 40 paysans dans trois principales villes du sud du pays (Cotonou, Ouidah et Grand-Popo), pendant six mois de longue saison sèche (de septembre 2011 à avril 2012).
 
Ils ont permis également d’appréhender les mauvaises pratiques culturales et de calculer les différents risques liés à la production de tomates dans les villes, notamment les effets des pesticides et d’émissions d’azote et de produits toxiques, ainsi que le coût des nutriments.
 
Dans l'ensemble, les risques de santé humaine et environnementale détectés sont liés à l’utilisation des engrais et des pesticides qui provoquent des émissions après la récolte et affectent la qualité à long terme de l’environnement, notamment la fertilité des sols, la pollution de la nappe phréatique et la pollution de l'air.
 
Les résultats de l’étude montrent que les rendements sont  faibles et variables en raison d'attaques de ravageurs, avec une moyenne de 9533 kg par hectare pendant que le taux moyen d’application des pesticides est de  8,9 et le plus élevé pour un traitement hebdomadaire de 2,3 fois est de 25 avec à la clé un excès d’apport moyen en nutriments de l’ordre de 120 kg de nitrogène et 84 kg de phosphore par hectare.
 
"Les importants excédents suggèrent que les émissions peuvent se produire au-delà de la durée du cycle de production par rapport aux grandes quantités de nitrogène et  de phosphore stockés dans les sols", écrivent les chercheurs dans leur étude.
 
Il a été simplement noté que les pratiques culturales n'ont pas été optimisées et ont entrainé un manque de performance de la production avec risques pour l'environnement et pour la santé humaine.
 
La tomate (Lycopersicon esculentum Mill) est l’une des plus importantes cultures maraîchères du Bénin, avec plus de 200.000 tonnes chaque année.
 
Elle se cultive sur toute l’étendue du territoire et bénéfice par endroits de conditions climatiques et édaphiques permettant une bonne production. A plus de 80 %, les variétés produites au Bénin sont locales et sont pour la plupart cultivées pendant la saison des pluies.
 
En Afrique subsaharienne, l’agriculture urbaine se développe au rythme de l’urbanisation qui impose la production sur place, dans et près des villes.
 
Jouant un rôle économique par la création d’emplois et la contribution à la sécurité alimentaire, l’intensification de l’agriculture urbaine pour faire face à la demande alimentaire croissante entraîne, par conséquent, des risques potentiels pour l'environnement et la santé humaine.
 

Risques de santé

 
Selon Manuele Tamò, entomologiste agricole à l'Institut international d'agriculture tropicale au Bénin (IITA-Bénin), les cultures maraîchères et horticoles sont de plus en plus en proie à des insectes ravageurs et aux maladies qui peuvent réduire les rendements de près de 80 %.
 
D’après les explications du chercheur, les agriculteurs ont souvent recours à l'utilisation de pesticides chimiques pour atténuer ce problème, sans toutefois se protéger contre les pulvérisations, respecter les dosages et les intervalles entre les applications.
 
"Les pesticides peuvent présenter des risques pour la santé des consommateurs, l'environnement et les producteurs. On recense ainsi des effets secondaires aigus et chroniques, dont le développement de maladies de la peau et autres maladies neurologiques. L'utilisation sans distinction d'insecticides à large spectre peut par ailleurs anéantir les ennemis naturels des ravageurs", a déclaré Manuele Tamò à SciDev.Net.
 
Selon une étude réalisée en 2012 par l’Institut des sciences biomédicales appliquées (ISBA) à Cotonou, les maraîchers qui manipulent des pesticides et autres intrants sans protection souffrent souvent de maladies de la peau, de maladies respiratoires et de maladies de sang aboutissant parfois à des cancers, tandis que les consommateurs sont victimes de maladies diarrhéiques, de troubles digestifs, de malformations génétiques et même de maladies psychiques.
 
"L’inefficacité des intrants autorisés pousse  les producteurs à recourir à d’autres intrants non homologués et hautement toxiques et nuisibles, aussi bien aux terres qu’à la santé humaine", a indiqué Elvis Padonou, chargé des organisations paysannes au Centre communal de promotion agricole de Cotonou.
 
Pour limiter les effets des pesticides et autres produits toxiques sur la santé humaine et l’environnement, Manuele Tamò préconise l’utilisation des bio-pesticides dans l’agriculture, suivie de la sensibilisation des paysans et des décideurs politiques, la production et le contrôle de la qualité des bio-pesticides, ainsi que l’accès à moindre coût des agriculteurs aux bio-pesticides.