04/06/09

Le programme ‘un ordinateur portable par enfant’ essuie les critiques

Enfant Ordinateur (Laptop Child)
Le projet OLPC en Ethiopie : un jouet coûteux ? Crédit image: Flickr/One Laptop per Child

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Le projet "Un Ordinateur portable par enfant" (One Laptop per Child, ou OLPC), qui a déjà distribué aux enfants du monde en développement plus d'un million d'ordinateurs portables d'une valeur de US$ 100 chacun, vient d'essuyer les critiques d'un groupe de chercheurs. Ces derniers ont conclu qu'à moins d'initier les écoliers avec précaution à leur utilisation, ces machines risquent de devenir de simples jouets dans les salles de classe.

Lors d'une étude menée en Ethiopie, les chercheurs ont constaté que les étudiants souhaitaient d'avantage de programmes sur les portables, et que les enseignants n'étaient pas suffisamment formés à leur utilisation.

Le projet OLPC, lancé en 2005, s'est fixé comme objectif de doter chaque enfant dans le monde en développement d'un ordinateur portable à bas coût en vue de promouvoir un apprentissage dit 'auto-émancipé' (self-empowered). C'est ainsi que plus d'un million de machines ont déjà été distribuées.

David Hollow du Collectif ITC4D, basé à l'Université de Londres de Royal Holloway a évalué, avec son équipe, le projet OLPC en Ethiopie. Ils ont ainsi observé des cours et interrogé enfants et enseignants.

En avril dernier, ils ont déclaré au cours de Africa Gathering – une conférence sur les technologies de l'information et de la communication et le réseautage social organisée par le Centre pour le développement international de Londres – que les élèves ont tendance à jouer avec les machines, principalement en prenant des photos grâce à la caméra numérique incorporée.

En outre, Hollow a précisé lors de cette conférence que les ordinateurs suscitent une certaine frustration chez les enseignants, les enfants maîtrisant mieux les machines et jouant plutôt que d'écouter pendant les cours.

"Si j'avais cette somme disponible, je ne la dépenserais pour des ordinateurs portables," a déclaré Hollow au Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net). "Il faudrait environ US$ 3 milliards pour offrir un ordinateur à chaque enfant [éthiopien]. Rapporté au budget national de l'éducation, ce serait tout simplement insensé."

Cette approche "ne renforce pas vraiment les compétences des enfants comme nous l'aurions souhaité. Elle ne fait que saper l'autorité de l'enseignant… c'est une approche impossible à intégrer."

L'équipe de ICT4D a travaillé en collaboration avec le concepteur de logiciels suisse BlankPage pour développer Akili, un programme de lecture de livres scolaires qui a servi au téléchargement de livres et a ainsi développé le contenu éducatif des ordinateurs portables distribués.

"Nous avons eu le sentiment qu'Akili sert comme un pont ; il permet aux enfants de s'immiscer de participer à leur propre apprentissage, tout en restant dans le programme national et sans mettre l'autorité de l'enseignant en difficulté."

Beaucoup d'enfants éthiopiens ne complètent qu'un an ou deux d'enseignement avant de quitter le système scolaire. Pour Hollow, la priorité devrait donc être de leur enseigner les rudiments de lecture et de calcul.

Il suggère qu'il serait plus approprié de distribuer aux élèves des ordinateurs portables à partir du secondaire. "Cela impliquerait des classes plus petites, ce qui coûterait bien moins cher, et permettrait de cibler un groupe d'étudiants dont certains seront probablement parmi les décideurs de demain."

Matt Keller, Directeur du projet OLPC pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique, rejette pourtant ces critiques. Il note que les enfants rentrent à la maison avec les machines, et ce faisant prolongent la journée de classe. "Quand un enfant utilise une machine à la maison, il le fait de manière plus interactive et dynamique que tout ce qui se passe à l'école."

Il met en question la proposition de Hollow de concentrer la distribution sur les établissements secondaires.  "Une fois que la plupart des enfants [ont grandis], ils ont déjà perdu tout intérêt pour l'école…Cela s'explique en partie du fait que l'apprentissage s'y fait par cœur : vous êtes assis et on vous apprend à mémoriser ce que l'on estime que vous devriez connaître."

"La technologie peut aiguiser la curiosité d'un enfant et les intriguer à un niveau bien supérieur que ce que peut susciter une école faite de briques et de mortier."

En réponse aux problèmes d'intégration des ordinateurs portables dans l'environnement scolaire éthiopien, Keller reconnaît que les enseignants éthiopiens ont été "un peu lents à s'adapter" comparativement aux autres pays. "Mais ce que je vois, c'est qu'après quelques mois, ils se sont assez bien adaptés."

Hollow a déclaré lors de la conférence que le succès de projets ITC4D dépend d'une vision à long terme et d'une réelle évaluation de l'impact d'un projet après son exécution. Cela suppose un dialogue avec les bénéficiaires, afin d'identifier leurs besoins réels.