13/05/19

Inclure le monde rural dans l’essor de l’économie mobile

DSMA Article
Illustration abstraite d'un concept d'économie dominée par les applications et le virtuel - Crédit image: Pexels/Deyvi Romero

Lecture rapide

  • Les services financiers mobiles vont générer 70 milliards de dollars en Afrique de l’Ouest d’ici à 2023
  • Les populations rurales restent en marge de l’essor, en raison de leurs faibles revenus
  • Les experts recommandent d’élargir la couverture vers les milieux reculés, en proposant des produits ciblés

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En 2018, les services financiers mobiles ont généré 52 milliards de dollars à l’économie de l’Afrique de l’Ouest selon le rapport 2019 de la GSMA, une association qui représente les intérêts des opérateurs de téléphonie mobile dans le monde.

Cette contribution devrait passer à 70 milliards de dollars (soit 9,5% du PIB) d’ici à 2023, selon le rapport, qui précise que 80 millions de personnes supplémentaires utiliseront l’Internet mobile dans la sous-région à l’horizon 2025.

Les auteurs notent, toutefois, une disparité en ce qui concerne le niveau d’adoption des services financiers mobiles dans les pays d'Afrique de l’Ouest.

Dans le secteur de la finance digitale, par exemple, le Nigéria, le Ghana, le Sénégal et la Côte d’Ivoire affichent des marchés très actifs, contrairement aux autres pays de la sous-région.

Pour Kenechi Okeleke, analyste principal à GSMA et l’un des auteurs du rapport, cette disparité est fortement liée au taux de pénétration mobile, qui varie suivant les revenus par pays.

L’inclusion numérique, analyse Kenechi Okeleke pour SciDev.Net, est fonction de quatre facteurs, notamment l’infrastructure de réseau, l’abordabilité, la disponibilité de contenus pertinents et les compétences numériques.

« Ces facteurs varient en fonction du niveau de progrès des pays et ont un impact direct sur l'adoption des services mobiles », explique le chercheur.

Zones rurales

Pour inverser la tendance et tirer profit de la connectivité numérique dans ces pays, Kenechi Okeleke propose que les gouvernements et les décideurs politiques s’associent aux acteurs de l’écosytème mobile afin d’élargir l’accès aux services mobiles.

Car, rappelle-t-il, l’écosystème mobile a contribué pour plus de 4 milliards de dollars au financement du secteur public par le biais de taxes sur les consommateurs et les opérateurs, en 2018.

Daouda Dème, ingénieur financier et consultant en économie numérique, estime pour sa part que l’essor du secteur mobile est une aubaine pour le commerce électronique, et surtout la fintech.

Ce secteur verra se développer d’autres services comme l’assurance mobile ou le crédit digital, souligne-t-il.

« Dans nos pays où le taux d’accès aux crédits et aux services d’assurance reste assez faible, le crédit digital et l’assurance mobile pourraient jouer un rôle capital dans l’inclusion financière et sociale », relève Daouda Dème.

Pour lui, le développement de l’économie mobile de la sous-région passe par une libéralisation de la technologie USSD (Unstructured Supplementary Service Data – Service supplémentaire pour données non structurées) et la mise en place d’infrastructures pour favoriser l’utilisation des services mobiles aux populations rurales.

Ces dernières restent en marge de l’essor de l’internet mobile en Afrique de l’Ouest, selon le rapport 2019 de la GSMA.

« Plus de 280 millions de personnes n’utilisent pas encore l’Internet mobile et la plupart d’entre elles appartiennent à des groupes de population mal desservis, tels que les femmes, et les habitants des zones rurales », peut-on lire dans le rapport.

Politiques

Agnès Maître, responsable des projets numériques à l’Agence Française de Développement (AFD), indique que cette fracture numérique peut être comblée à travers la mise en place d’un partenariat public-privé, pour encourager les opérateurs de réseau à se déployer dans les milieux ruraux.

« C’est le coût élevé du déploiement des infrastructures vers les zones rurales qui ralentit l’élan des opérateurs de réseau. Ils sont généralement incertains vis-à-vis de leurs investissements, à cause des faibles revenus des populations rurales », explique Agnès Maître à SciDev.Net, en marge d’un symposium sur l’agriculture numérique à Dakar, le mois dernier.

Selon l’experte, cet obstacle lié au coût peut être contourné par plusieurs mécanismes, comme le service universel ou encore la mutualisation des infrastructures au niveau des opérateurs de réseaux.

« Avec le service universel, les pouvoirs publics exonèrent les opérateurs du paiement de certaines taxes contre l’obligation d’une couverture totale, alors que la mutualisation des infrastructures encourage les opérateurs à partager les infrastructures, en vue d’alléger les investissements », précise Agnès Maître.

Au-delà de l’inclusion numérique, Daouda Dème propose la prise en compte du crédit digital dans les réglementations de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ainsi que la mise en place de politiques encourageant l’innovation et l'investissement dans les services mobiles.