22/03/10

Il faut repenser la recherche agricole dans le monde

Les agriculteurs pauvres ne peuvent orienter les programmes de recherche Crédit image: Flickr/CIAT â International Center for Tropical Agriculture

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Pour Monty Jones, lauréat du Prix mondial de l’alimentation, la Conférence mondiale sur la recherche agricole pour le développement doit redéfinir les priorités de recherche.

Les chercheurs agricoles du monde ont fait un travail d’une importance vitale dans les laboratoires universitaires, les centres internationaux de recherche et les agences gouvernementales. Des millions de personnes dans le monde en développement sont en vie aujourd’hui grâce aux progrès réalisés dans la lutte contre les agents pathogènes mortels et les insectes nuisibles, et grâce aux efforts permettant d’accroître les rendements, et de tirer de plus en plus d’aliments avec de moins en moins d’espace cultivable et d’eau.

Voilà pour les bonnes nouvelles. Pourtant, en dépit des formidables innovations et progrès enregistrés dans la recherche agricole au cours des cinquante dernières années, plus d’un milliard de personnes demeurent sous-alimentées dans ce monde moderne. Les retombées de ces progrès ont ainsi été réparties de façon inégale, et trop souvent ne parviennent pas au milliard de personnes pauvres qui dépendent de l’agriculture pour leur subsistance.

A juste titre, le monde a appris à se tourner vers la science pour obtenir des réponses. En même temps, l’impact des solutions dont nous disposons aujourd’hui se fait attendre pour aider les agriculteurs pauvres. Par ailleurs, ceux qui ont le plus besoin d’aide ont peu de chances d’orienter les priorités de recherche.

La science se voit aujourd’hui confrontée à des demandes croissantes visant à aider les agriculteurs à produire plus, pour faire face à la croissance démographique, à l’évolution des demandes alimentaires, aux pénuries en terre et en eau, et aux changements climatiques.

Nous devons doubler les ressources alimentaires d’ici 2050. Pour y arriver par des voies qui soient écologiquement viables, tout en faisant sortir les plus démunis de la pauvreté, nous devons redéfinir et repenser l’architecture même du système agricole.

Une action mondiale est nécessaire

C’est la raison pour laquelle des centaines de scientifiques, de responsables politiques, d’agriculteurs, d’innovateurs et de représentants de la société civile se rendront à Montpellier, en France, la semaine prochaine (28 mars) pour prendre part à la première Conférence mondiale sur la recherche agricole pour le développement (GCARD).

Notre objectif est d’engager une transformation globale dans la pratique de la recherche agricole – de développer des partenariats solides entre ceux qui disposent des connaissances, et ceux qui en ont besoin.

Il faut faire vite. Les prix des aliments ont augmenté de 30 à 40 pour cent au cours des trois dernières années et le coût des céréales pour les pays les plus démunis devrait augmenter de manière substantielle. La dernière crise alimentaire, il y a deux ans, a déclenché des émeutes de la faim dans plusieurs pays africains dont le Burkina Faso, la Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, Madagascar et le Sénégal.

Les agriculteurs africains ne sont pas seuls à avoir besoin de l’aide des scientifiques. Quelque 642 millions de personnes souffrent de la faim en Asie et un quart des ménages ruraux en Europe de l’Est possèdent des parcelles de terre trop petites ou de très peu d’animaux pour gagner leur vie, alors même que les agriculteurs disposent rarement d’une autre source de revenus. Eux aussi ont besoin d’assistance pour rendre leurs champs plus productifs.

Un plan ambitieux

Nous, les participants au GCARD, avons été invités par le G8 à formuler un plan qui soit durable pour aider la science à relever l’énorme défi qui est de doubler les disponibilités alimentaires du globe d’ici 2050 et tirer un milliard de personnes de la pauvreté et de la faim.

Les changements que nous réclamons créeront un système qui transmet les connaissances aux agriculteurs et leur permet d’influer sur les choix des chercheurs quant aux problèmes à étudier et aux solutions à adopter.

Le GCARD réunira des personnes qui produisent et utilisent des connaissances agricoles, fût-il dans de grands laboratoires ou des villages ruraux. Nous espérons que leurs points de vue et expériences éclaireront les politiques des bailleurs de fonds et contribueront à aligner les priorités de recherche le plus étroitement possible sur les besoins des agriculteurs des pays en développement.

La conférence est une étape essentielle vers la vision adoptée par les dirigeants du G8 dans leur  Déclaration conjointe de l’Aquila sur la Sécurité alimentaire mondiale en juillet dernier, qui a chargé le Forum mondial sur la Recherche agricole de renforcer les capacités de recherche au niveau local, national et régional dans les régions les plus pauvres du monde.

Le consensus, clé du succès

Nos ambitions sont en synergie avec les réformes menées par le Groupe consultatif pour la Recherche agricole internationale (GCRAI), une alliance comprenant quelque 8000 chercheurs de 100 pays différents. Notre objectif commun est de s’assurer que les résultats de la recherche parviennent aux agriculteurs, et contribuent à atténuer la pauvreté et la faim.

Il est clair que ce sont les questions d’insécurité alimentaire et de pauvreté, et non les cycles de financement des gouvernements et des bailleurs, qui doivent être le moteur des cadres stratégiques à la fois des systèmes nationaux de recherche agricole et du GCRAI.

Se montrer à la hauteur des immenses défis de stimuler durablement la production alimentaire face aux changements climatiques et à la croissance démographique considérable dépendra en grande partie des innovations réalisées par les chercheurs agricoles, soutenus par les gouvernements nationaux et les bailleurs. Pour parvenir à un nouveau système qui fonctionne, il est essentiel de convenir d’une nouvelle gamme de priorités et d’une nouvelle architecture de recherche à partir desquelles des actions seront menées et les résultats livrés aux agriculteurs.

Le GCARD préparera le terrain pour ce consensus. Une fois cette tâche difficile accomplie, les chercheurs agricoles, qui se battent vaillamment en première ligne contre la faim, auront besoin du soutien des décideurs politiques et des bailleurs pour s’assurer que leurs connaissances sortent des laboratoires, et se matérialisent en actions capables de bénéficier aux agriculteurs dans les champs.

Le Dr. Monty Jones, lauréat du Prix mondial de l’Alimentation en 2004, est le nouveau président du Forum mondial pour la Recherche agricole (GFAR) et directeur exécutif du Forum pour la Recherche agricole en Afrique (FARA).