08/01/09

2009 : la crise, une opportunité déguisée ?

Il faudra des investissements massifs, notamment des subventions pour les projets d'énergie propre dans le monde en développement Crédit image: Flickr/warrenski

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Dans un récent entretien accordé à la télévision, Bill Gates, ancien patron de Microsoft, a identifié deux priorités pour l’administration de Barack Obama, président élu des Etats-Unis, au moment où le pays se prépare à affronter la plus grave crise économique de l’histoire récente.

La première priorité consiste à maintenir les budgets d’aide aux pays en développement. Si Barack Obama s’est engagé  à doubler le budget d’aide extérieure des Etats-Unis, il n’est pas à exclure que les graves difficultés financières internes ne pèsent plus lourdement que l’aide internationale parmi les grandes priorités inscrites à son agenda politique.

La seconde priorité consiste à maintenir les investissements dans la recherche scientifique et l’innovation technologique qui, d’après Bill Gates, servent de fondation pour le développement économique et social futur.

Alors que le monde en développement s’apprête à vivre des temps difficiles, continuer à mettre l’accent sur ces deux priorités – tout en maintenant les liens qui unissent les deux –  représente l’un des plus grands défis à relever pour l’année 2009.

Ainsi, sacrifier le budget d’aide étrangère rendrait plus difficile encore le retour à la stabilité de l’économie mondiale. Or une telle stabilité est une condition nécessaire à la résolution de la crise actuelle. Reléguer au second plan la contribution potentielle au développement durable de l’innovation scientifique et des politiques publiques fondées  aurait le même effet. Deux questions pressantes illustrent ces risques : la chute des prix des matières premières comme conséquence de la baisse de la demande industrielle, notamment dans des pays tels que la Chine et l’Inde ; et la nécessité de plus en plus urgente de lutter contre le changement climatique.

La chute des prix des matières premières

Au cours des années récentes, l’envolée des prix des matières premières a permis d’atteindre des taux impressionnants de croissance économique dans plusieurs parties du monde en développement. Ce fut le cas notamment en Afrique, où le contrôle de généreuses ressources pétrolières et minières fait l’objet d’une dure rivalité.

Pourtant, comme l’a relevé la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, la forte demande, et les prix élevés des matières premières constituent une base fragile pour le développement social. (Par ailleurs, il n’existe aucune garantie que les recettes tirées des matières premières soient investies dans les secteurs qui en ont le plus besoin, et non détournées par la classe politique (voir ‘Ne laissons pas les cours des matières premières annihiler les efforts de développement‘).

La seule façon d’éviter toute exposition aux prix des matières premières fluctuantes consiste à élaborer des mécanismes permettant d’assurer une croissance économique endogène et une large dispersion des avantages qui en découlent. La clé consiste à soutenir les initiatives et les entreprises fondées sur l’innovation.

Le défi climatique

Les changements climatiques posent un ensemble de défis différents. Bien avant l’apparition de la crise actuelle, 2009 se posait en une année charnière dans la conclusion d’accords internationaux sur les efforts de lutte contre le changement climatique. Le point culminant devrait être atteint en décembre, lors de la réunion des signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques à Copenhague.

La bonne nouvelle est que la nouvelle administration américaine a déjà annoncé une évolution majeure dans l’attitude de Washington à l’égard des pourparlers internationaux en vue d’un nouvel accord solide sur les changements climatiques, dès l’expiration du Protocole de Kyoto en 2012.

Le problème est qu’une action efficace nécessitera obligatoirement un investissement massif de fonds publics (notamment des subventions pour les investissements dans les technologies propres dans le monde en développement). Obtenir ces investissements de gouvernements en butte à des difficultés financières sera beaucoup plus difficile qu’il y a seulement un an.

Les stratégies fondées sur les résultats de la recherche seront essentielles. Qu’ils cherchent à affiner notre compréhension des changements climatiques ou à proposer de nouvelles stratégies d’atténuation de leur impact, les scientifiques ont un rôle primordial à jouer dans l’élaboration de solutions efficaces pour les hommes politiques et la communauté au sens large.

Un nouveau départ

Le plus grand défi n’est pas de développer la science et la technologie pour stopper la dépendance des pays en développement à l’égard des exportations de matières premières ou des carburants fossiles. Il consiste à mettre en place des institutions sociales et politiques qui promeuvent des modèles de croissance durables d’un point de vue économique et environnemental.

Une possible réforme des grandes institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international, est déjà discuté afin de les équiper à mieux relever les défis du 21è siècle. Un débat politique sur le rôle de l’Etat dans la prévention des défaillances des marchés qui ont conduit à la crise actuelle s’inscrit au cœur de ces discussions.

Il faudra aussi discuter des stratégies de promotion et de contrôle de la science et de la technologie, afin qu’elles soient mises à contribution pour un développement durable axé sur les besoins sociaux, et non le gain personnel et privé.

Le débat sur les changements climatiques fournit un cadre idéal dans lequel ces discussions peuvent se tenir. La prochaine conférence de Copenhague en particulier, et l’année 2009 en général, offre ainsi la possibilité d’explorer le potentiel de la crise. Comme le veut le proverbe chinois,  toute crise on peut voir dans des opportunités.

David Dickson
Directeur du Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net)