14/07/11

Avis de risque de sécheresse dans la Corne de l’Afrique, l’an dernier

La sécheresse est la pire des 60 dernières années, selon les Nations Unies Crédit image: Flickr/Oxfam International

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[LONDRES] Selon les prévisionnistes, les systèmes de prévention ont commencé dès l'année dernière à lancer des alertes concernant une grave sécheresse dans la Corne de l'Afrique, mais les alertes ont été largement ignorées en raison des problèmes de communication entre les scientifiques et les législateurs.

Les alertes relatives à la sécheresse, qui est la pire des 60 dernières années d'après les Nations Unies, ont été émises en août dernier, lorsque le Famine Early Warning Systems Network (FEWS NET) a publié un communiqué sur la sécurité alimentaire en Afrique du Sud, suite à la déclaration d'un évènement de La Niña, un refroidissement de la surface de l'eau dans l'Océan pacifique connu pour affecter le temps en Afrique.

"Nous étions particulièrement sûrs que les précipitations allaient être faibles entre octobre et décembre", a déclaré à SciDev.Net Chris Hillbruner, spécialiste des alertes précoces concernant la sécurité alimentaire, rattaché au FEWS NET. "La probabilité était encore plus forte que les précipitations entre mars et mai allaient être tout aussi faibles".

Lorsque les prévisions pour octobre-décembre se sont avérées vraies, l'agence a commencé à émettre des alertes de sécurité alimentaire pour la région, en novembre, en février, en mai et en juin, mais aussi à organiser des rencontres entre les agences à Nairobi, en février, mars et mai.

La sécheresse affecte actuellement dix millions de personnes à Djibouti, en Éthiopie, au Kenya, en Somalie et en Ouganda.

Selon Chris Funk, climatologue rattaché au FEWS NET, les experts des organisations ont été "un peu frustrés par le fait que nous ayons fourni ces informations assez tôt" mais ils n’en a pas suffisamment été fait bon usage.

"La technologie a dépassé les systèmes de réaction", a-t-il déclaré. "Nous sommes encore en train d’apprendre à réagir rapidement autour de cela".

C. Hillbruner a de même ajouté : "Au niveau technique, nous nous sommes entendus sur la situation des cinq derniers mois".

"Ce que nous avons démontré sur le temps, mais particulièrement au cours de l'année dernière, c'est que les systèmes sont arrivés à un point où ils peuvent avertir de façon assez fiable et précocement dans un délai qui permet de réagir".

Randolph Kent, Directeur du Humanitarian Futures Program du King's College de Londres, au Royaume-Uni, a indiqué que la réaction face à la sécheresse soulevait des questions concernant la manière dont les organisations humanitaires transformaient les informations scientifiques et les prévisions incertaines en décisions pour réagir, en particulier dans les régions agitées.

Ses commentaires ont été soutenus par Molly Hellmuth, chercheuse à l'International Research Institute for Climate and Society, à l'Université de Columbia, aux États-Unis, qui a coédité un rapport sur l'atténuation des catastrophes climatologiques, publié le mois dernier dans Climate and Society.

Selon M. Hellmuth, il est nécessaire de disposer de prévisions claires qui puissent être adressées aux autorités, et qu'elles soient accompagnées de conseils sur les étapes à suivre, en précisant quel niveau et quel type d'actions constitueraient une réaction raisonnable.

Selon elle, certaines actions 'sans regrets', qui n'auraient aucun effet négatif si les prévisions s’avérant fausses, pourraient être encouragées, notamment un repositionnement des produits alimentaires et un renforcement des capacités.

C. Hillbruner a convenu que les incertitudes des prévisions entravaient leur exploitation : "Pour exploiter plus efficacement les informations relatives aux alertes précoces, cette incertitude ne doit pas poser de problèmes aux législateurs, et il est difficile qu’elle n’en pose pas.

C. Funk a cependant ajouté que les systèmes de surveillance utilisés pour les prévisions jouaient actuellement un rôle important dans la considérable réaction humanitaire en cours, et qu'ils permettaient de réagir plus efficacement que dans le cadre de la famine qui a frappé l'Éthiopie en 1984-85.

Simon Mason, qui travaille avec M. Hellmuth, a indiqué que ses recherches avaient montré qu’aussi bien les prévisionnistes que les utilisateurs finaux craignaient d’être soupçonnés être dans 'l'erreur' et que, par conséquent, tous les acteurs affaiblissent leurs prévisions et leurs actions.

Au cours d’une récente évaluation des systèmes d'alerte précoce, qui n'incluait pas les prévisions du FEWS NET pour la sécheresse dans la Corne de l'Afrique, S. Mason a constaté que les prévisionnistes "jouent la sûreté, ils sont très réticents à l'idée d'émettre de fortes alertes de graves événements climatiques lorsque leurs modèles suggèrent des risques de conditions encore plus extrêmes".

C. Hillbruner a cependant nié le fait que cela avait été le cas pour les prévisions de la sécheresse dans la Corne de l'Afrique.

Pour ce qui est des organisations humanitaires, Andrew Collodel, coordinateur de programmes d'urgence pour l'agence HelpAge International, a convenu que des prévisions avaient été faites et communiquées. HelpAge avait écouté les alertes précoces et travaillé dans la région pour se préparer contre la sécheresse, mais elle n'était pas parvenue à recueillir assez de fonds avant la crise.

Les donateurs ont été confrontés à des "problèmes déconcertants" tels que la situation financière mondiale, l'agitation des politiques locales comme la situation chaotique en Somalie, et d'autres crises majeures récentes qui ont enramé leurs ressources, comme celle ayant suivi le tremblement de terre à Haïti et le tsunami au Japon.

"Le problème ne vient pas des systèmes d'alerte précoce mais de nos réactions face à ceux-ci", a-t-il déclaré à SciDev.Net.

Lien vers le premier communiqué de FEWS NET en août 2010 sur la sécurité alimentaire en Afrique de l'Est (en anglais)

Lien vers 'A Better Climate for Disasters Risk Management' (en anglais)