15/11/12

Comment Cuba a fait de l’alerte rapide une action commune

Cuba est l'un des plus faibles taux de mortalité des ouragans entre tous les pays exposés au risque de cyclone Crédit image: Flickr/ NASA Goddard Photo and Video

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L’approche cubaine de l’alerte rapide aux catastrophes devrait inspirer d’autres pays, insistent les spécialistes de la réduction des risques liés aux désastres, Veronica F. Grasso et José Rubiera

Les progrès accomplis en matière d’alerte aux aléas naturels pourraient procurer d’énormes avantages aux pays et aux communautés. Mais l’alerte rapide a besoin de mesures rapides : si la volonté politique et la coordination ne sont pas au rendez-vous, on pourrait perdre tout le bénéfice de ces progrès.

Un pays a besoin d’un système d’alerte rapide en mesure de fournir des prévisions fiables sur le degré d’une catastrophe, sa localisation et son impact. Il faut aussi qu’il puisse évaluer les coûts de l’action et de l’inaction. Une information qui doit parvenir le plus rapidement possible à une population sensibilisée et capable d’agir à partir de ces données, en suivant des plans de préparation efficaces.

Il faut, pour y parvenir, un réseau coordonné d’institutions qui soit en mesure d’activer l’alerte rapide. [2] Malgré ses ressources limitées, Cuba apporte la preuve qu’avec de la volonté politique, un pays peut protéger ses citoyens en mettant en œuvre cette coordination.
 

Cuba mate la tempête


Cuba a l’un des taux les plus faibles de mortalité due aux ouragans parmi les pays exposés à cet aléa. En 2001, la tempête Michelle avait balayé l’Amérique centrale, tuant environ 36 personnes, avant de frapper Cuba avec la force d’un ouragan de catégorie 4. Elle n’y avait pourtant occasionné que cinq morts. [3] Un exemple parmi tant d’autres…

Cuba ne dispose pourtant pas d’énormes ressources financières ou technologiques. Ses radars météorologiques, obtenus dans le cadre d’un projet onusien, remontent par exemple aux années 70. Ils ont été complétés dans les années 80 par des équipements offerts par l’Union soviétique.

Ces équipements ont été transformés par des ingénieurs cubains en radars numériques dernier cri récemment et avec peu d’argent,. Mais les progrès technologiques ne peuvent résoudre qu’une partie du problème : l’efficacité de la réduction des risques liés aux catastrophes ressort avant tout des décideurs.

Quel est donc le secret de Cuba? Elle dispose à la fois de la volonté politique et de la coordination nécessaires. La mobilisation des ressources pour réduire le risque de catastrophe est une priorité nationale. A ce titre, elle est inscrite dans les politiques, la planification et la législation aux niveaux national et local. [4] Et le pays a mis en place la coordination nécessaire pour faire fonctionner efficacement et durablement les systèmes nationaux.
 

Collaboration à tous les niveaux


Opérationnel depuis 1985, le système cubain d’alerte rapide s’appuie sur les systèmes de prévision, sur la Défense civile, les infrastructures de télécommunication, les médias et le peuple cubain lui-même.

La chaîne de responsabilité débute au niveau du service météorologique cubain, chargé de communiquer les alertes à la Défense civile -un organe exécutif dirigé par le Président du pays et responsable de tous les aspects de la réduction des risques liés aux catastrophe et de la coordination de l’action des collectivités locales.

Selon la loi, les gouverneurs et les responsables provinciaux et municipaux sont également responsables de la Défense civile. En outre, tous les dirigeants des industries, des entreprises, des écoles, des hôpitaux, des banques et des commerces en sont responsables au niveau de leur organisation.

En cas de catastrophe, les responsables de ces organisations et les institutions de la société civile assurent la coordination de leur personnel pour la mise en œuvre des consignes de la Défense civile. C’est un système unique au monde, qui propose une approche cohérente de la réponse aux catastrophes à tous les niveaux.

Les médias aussi ont un rôle à jouer. Les alertes sont diffusées par la radio, la télévision et les journaux, avec le soutien d’associations locales comme la Croix-Rouge cubaine, la Fédération des femmes cubaines et diverses organisations religieuses. Si ces canaux ne fonctionnent pas, les consignes sur les mesures à prendre en cas de catastrophe peuvent être réécoutées en appelant le numéro vert du ‘téléphone de la météo’. Les plans prévoient aussi une large utilisation des textos, pour l’instant utilisés seulement à titre expérimental.

De plus, à Cuba les gens œuvrent main dans la main pour se préparer aux catastrophes et y répondre. Quand l’ouragan Michelle a frappé l’île en 2001, 750.000 personnes environ ont été évacuées, grâce à l’appui de 70.000 citoyens environ et de 5.000 véhicules. Plus de 740.000 têtes de bétail ont été conduites vers des endroits plus sûrs et les étudiants ont participé à la récolte des cultures. Les pêcheurs ont déplacé leurs embarcations vers les hautes terres et les produits de première nécessité ont été distribués aux gens pour leur permettre de survivre à la maison pendant une semaine environ. [5]
 

Un modèle à copier


En temps de disette financière, la coordination et la coopération peuvent permettre une meilleure utilisation des ressources pour garantir la sécurité et la santé des communautés si survient une catastrophe naturelle.

L’approche cubaine, qui prévoit une large participation de toutes les organisations et de tous les citoyens, pourrait être difficilement transposable à d’autres pays. En revanche, un système fondé sur la coordination et la coopération peut être mis en œuvre ailleurs.

Il faut un organisme public bien organisé, comme la Défense civile cubaine, pour assurer une alerte rapide efficace basée sur des données scientifiques solides. S’il est accompagné d’un cadre juridique approprié, cet organisme peut jouer un rôle moteur dans la coordination d’un réseau d’institutions et de collectivités locales pour mettre en œuvre des mesures de réduction des risques de catastrophe.

Les collectivités locales ont l’avantage d’être plus proches des communautés : elles connaissent mieux leurs besoins et sont à demeure pour répondre quand survient la catastrophe.

La participation de la communauté est aussi capitale et peut être intégrée aux stratégies grâce aux associations de bénévoles. Enfin, pour renforcer les capacités de la population et des organisations à travailler ensemble et efficacement, des exercices, des campagnes de sensibilisation et d’éducation sont nécessaires à la préparation aux catastrophes.

Veronica F. Grasso est spécialiste des programmes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève en Suisse. José Rubiera est directeur du Centre national des prévisions de l’Institut de la météorologie de la Havane à Cuba. Vous pouvez écrire à Veronica à l’adresse: [email protected] ou [email protected]. Et écrire à José à : [email protected] ou [email protected]

Le présent article fait partie d'un Dossier sur l'amélioration de l’alerte rapide aux catastrophes.

Références

[1] UNEP. Early warning systems: a state of the art analysis and future directions. United Nations Environment Programme (2012)

[2] Grasso, V. F. et al. Early warning of natural hazards. In: Singh, R. (ed) Encyclopedia on Natural Hazards. Taylor & Francis (forthcoming)

[4] Golnaraghi, M. Institutional partnerships in multi-hazard early warning systems: a compilation of seven national good practices and guiding principles. Springer-Verlag (2012)

 [5] Sims, H. and Vogelmann, K. Popular mobilization and disaster management in Cuba. Public Administration and Development 22, 389–400 (2002)