12/08/15

Q&R: L’Afrique, “peu exposée” aux risques sismiques

Bukavu Earthquake
Crédit image: Flickr/GNDR

Lecture rapide

  • Le séisme du samedi 8 août au Bénin est un phénomène de portée locale
  • Le tremblement de terre de vendredi en RDC et au Rwanda n’est pas à relier à celui du Bénin
  • L’Afrique de l’est est exposée à de fortes activités telluriques et pourrait se séparer du reste du continent

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Le géophysicien Lucien Marc Oyédé, par ailleurs ancien doyen de la Faculté des Sciences et Techniques (FAST) de l’université d’Abomey-Calavi (UAC), au Bénin, évoque les deux tremblements de terre survenus ce week-end sur le continent, le premier, en Afrique de l’est et le second, au Bénin. Selon l’expert, l’Afrique de l’ouest n’étant pas située sur une zone à la frontière de plaques, elle est globalement moins exposée que d’autres régions du monde.
 

Le Bénin a été frappé par un séisme ce samedi 8 août. Que sait-on exactement aujourd’hui sur ce tremblement de terre?
 

Il n’y a pas, à ce jour, de données précises sur ce tremblement de terre, mais il est similaire à un événement du genre, survenu il y a cinq ans environ, le 11 septembre 2009. Nous estimons qu’il doit s’agir, à peu près, de la même origine. Pour ce qui est du tremblement de terre de 2009, les informations nous étaient parvenues de la station d’observation sismique de Lamto, en Côte d’Ivoire.

 

A quoi avait été attribué le tremblement de terre de 2009?

 
Un tremblement de terre a toujours pour origine une fracture, c’est-à-dire, une faille, une cassure de l’écorce terreste. Et quand il y a faille, il y a deux blocs qui se forment et se font face. Lorsqu’un bloc bouge de façon brusque par rapport à l’autre, cela produit des secousses, généralement en profondeur. En surface, les failles ne sont pas perceptibles.
 
Il convient d’abord de faire un état des lieux. Plusieurs failles peuvent avoir joué un role dans un movement sismique.
 
Au Bénin, il y a d’anciennes failles, telles que la faille de Kandi, qui vient du Nord, depuis le Maroc et traverse tout le pays; il y a aussi une autre faille, qui date de plusieurs millions d’années et date de l’époque de la séparation de l’Afrique et de l’Amérique du Sud.

Cette faille, qu’on appelle la faille de La Romanche, pénètre sur le continent africain aux environs de la frontière du Togo et du Ghana. Toutes ces failles puvent rejouer. Mais c’est tellement ancient qu’on a cherché ailleurs, d’autant plus qu’au sud du Bénin, la microtechtonique signale plusieurs petites failles.
 
En ce qui me concerne, j’ai attribué cette faille à un rejet de ces petites failles qui cisaillent le sud du Bénin.
 

“La Vallée du Rift est une grande cassure, qui, à l’échelle du temps géologique, pourrait provoquer une séparation entre une partie de l’Afrique de l’est et le reste du continent.”

Lucien Marc Oyédé
Université d'Abomey-Calavi

Mais on nous a donné des compléments d’information cinq jours plus tard, à partir du centre de Lamto, qui a precisé qu’il s’agit d’un tremblement de terre d’une amplitude de 2 ou 4 sur l’echelle de Richter. 

En recoupant les coordonnées qui nous avaient été communiquées, nous nous sommes effectivement retrouvés sur une de ces petites failles qui sillonnent le sud-Bénin.
 
Je pense que pour ce qui est du séisme de ce week-end, on peut lui attribuer, du moins, pour l’instant, la même origine, c’est-à-dire les petites failles dans le sud du Bénin.

 

Quels sont les mécanismes de fonctionnement des systèmes de communication sur ce genre de séismes? Vous attendez que Lamto vous communique des informations sur le tremblement de terre de samedi?

 
On est toujours en pleine recherche, on ne peut pas communiquer d’informations précises là-dessus.

 

Au niveau du Bénin, y a-t-il un organisme chargé de suivre ce genre de phénomène?

 
Non, il n’existe pas de centre de cette nature.

En ce qui concerne les petites failles dont vous avez parlé, comment les identifie-t-on?

Ce sont les mesures géophysiques qui permettent de les déterminer, mais il y a aussi certaines manifestations.

Si vous prenez certaines vallées de fleuves du Bénin, par exemple le Lac Ahémé, qui est un lac très encaissé, de part et d’autres, on trouve des falaises assez abruptes et ces falaises génèrent des souches d’eau chaude, notamment à Bopa et Possotomè, ce qui montre une anomalie au niveau des rives de ces vallées. Donc, il s’agit d’autant de manifestations d’une activité tellurique.
 

En Afrique de l’ouest, ces phénomènes sont très peu connus. Quelles sont les régions généralement affectées par ces petites secousses?

 
On peut citer le Cameroun, où il y a beaucoup de manifestations d’anomalies au niveau de l’écorce terrestre. Cela étant, on dit de la côte africaine et de la côte ouest-africaine en particulier, que c’est une marge passive, parce que nous ne sommes pas à la frontière de plaques.

C’est dans les zones où les plaques se rencontrent que ces manifestations sont fréquentes et souvent, se font ressentir de façon très brutale, les plaques étant de grands blocs qui recouvrent le globe terrestre.

Il y a un certain nombre de ces plaques à la surface du globe et c’est surtout à leur limite que les phénomènes sismiques sont fréquents.

Ce week-end, il y a eu également des secousses dans l’est de la RDC et au Rwanda, avec une magnitude de 5,9 sur l’échelle de Richter. Y a-t-il un lien possible avec ce qui est arrivé au Bénin?

Non, pas du tout. Mais si nous prenons la Corne de l’Afrique, jusque vers le Mozambique, plus bas, une ouverture de l’écorce terrestre est en cours. C’est cela qui cause un alignement de lacs – Lac Victoria, Lac Tanganyika, Lac Malawi, Turkana, etc. Cela crée une grande vallée, La Vallée du Rift, qui est une grande cassure, qui, à l’échelle du temps géologique, pourrait provoquer une séparation entre une partie de l’Afrique de l’est et le reste du continent.

Il se peut que ce soit la seule région du monde où l’on vit un phénomène de cette nature. Cela se passe de manière très lente et l’homme ne peut pas être témoin de l’ensemble de ces phénomènes. Et c’est cette cassure en cours qui fait que les seccousses sont plus fréquentes au niveau de l’Afrique de l’est. Il s’agit de signes précurseurs de la formation d’une plaque qui, à terme, va se séparer du reste de l’Afrique.
 
En revanche, ce qui s’est passé dans le sud du Bénin, est différent. Certes, il y a une faille qui pénètre en Afrique entre le Togo et le Ghana. Il s’agit d’une faille ancienne, qui date de l’époque de la séparation des continents africain et sud-américain. Si ces failles avaient joué, les secousses auraient été davantage ressenties à Lomé qu’à Cotonou. Or, dans le cas d’espèce, les secousses ont été très localisées, notamment à Cotonou et aux alentours.


Et l’épicentre des secousses de ce samedi se trouvait entre Cotonou et Abomey-Calavi, au nord de Cotonou?

 
Effectivement. C’était entre Cotonou et ses environs, notamment Abomey-Calavi. Plus précisément, il y a un village du nom de  Kpanrou et c’est là que se situerait l’épicentre du séisme. 

 

Peut-on dire qu’il n’y a pas, du moins pour l’instant, de risques de répliques ou de fortes secousses…

 
Du point de vue de la géologie, la réponse est non. Sur la face du globe terrestre, il y a des zones où ces secousses sont quotidiennes.

Par exemple, sur la queue de l’Amérique du sud, dans la zone de la Terre de Feu, les tremblements de terre sont quotidiens. Donc en comparaison avec ce qui s’est passé au Bénin, je crois qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer.