29/08/13

Planter dans le désert, un moyen de domestiquer le dioxyde de carbone

Jatropha beans_CIFOR (FILEminimizer)
Crédit image: Flickr/CIFOR

Lecture rapide

  • Chaque hectare d’arbres pourrait absorber jusqu’à 25 tonnes de CO2 par an
  • Le jatropha consomme peu d’eau mais il a l’avantage de pouvoir être arrosé par dessalement de l’eau de mer
  • Ces plantations peuvent réduire les températures moyennes du désert et augmenter la pluviométrie

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D’après certains scientifiques, planter des arbres dans les déserts côtiers pourrait permettre de stocker le carbone, réduire les températures désertiques extrêmes, augmenter la pluviométrie, régénérer les sols et produire des agrocarburants bon marché.
 
Selon une étude qui s’appuie sur des données collectées au Mexique et à Oman et publiées dans Earth System Dynamics, le mois dernier (31 juillet), de vastes plantations de Jatropha curcas, une espèce robuste de jatropha, pourraient contribuer à la séquestration du carbone grâce à un processus appelé « carbon farming ».
 
Chaque hectare de cet arbuste pourrait absorber entre 17 et 25 tonnes de dioxyde de carbone par an, à un coût de 42 à 63 euros (environ 56 à 84 dollars EU) par tonne de gaz.

“Nos modèles montrent que grâce aux plantations, les températures désertiques moyennes baissent de 1,1 degré Celsius, une baisse non négligeable.”

Klaus Becker, directeur de Atmosphere Protect

Ce qui en fait une technique concurrentielle grâce à une séquestration et un stockage de pointe.

 
Klaus Becker, auteur principal de l’étude et directeur de Atmosphere Protect, cabinet-conseil spécialisé dans la séquestration du carbone, une plantation de jatropha couvrant juste trois pour cent de la superficie du désert d’Arabie pourrait absorber tout le dioxyde de carbone produit en deux décennies par les véhicules en Allemagne.

« Nos modèles montrent que grâce aux plantations, les températures désertiques moyennes baissent de 1,1 degré Celsius, une baisse non négligeable », affirme Becker.

Il ajoute que ces plantations amélioreraient aussi la pluviométrie dans les régions désertiques

 
Le jatropha, qui est une culture destinée à la production des agrocarburants, consomme peu d’eau, et les plantations côtières seraient irriguées par dessalement de l’eau de mer, explique Becker.
 
Il entrevoit également un rôle pour ces vastes plantations dans le traitement des eaux usées.
 
« Des milliards et des milliards de litres d’eaux usées sont déversées dans les océans chaque semaine. Nous pourrions les orienter plutôt vers le désert et y planter des arbres », suggère-t-il. « Dans ce cas, vous n’auriez pas besoin du coûteux azote artificiel [pour engraisser ces arbres].»
 
L’équipe travaille également dans le désert du Néguev en Israël, où elle a planté 16 espèces d’arbres, qui d’après elle, sont préférables à la monoculture du jatropha.

Pour Becker, « la diversité des espèces d’arbres est une bonne chose pour l’environnement, les investisseurs et la prévention des maladies.

 
La population locale récolte déjà le haricot semé entre les arbres, une précieuse source de protéines qui permet aussi un échange symbiotique d’azote – fixé dans l’atmosphère par le haricot – et l’ombrage créé par les plants de jatropha.
 
« Jusqu’ici, personne n’a eu l’idée d’exploiter les terres non cultivées pour planter ces espèces de légumineuses parce qu’elles n’y pousseraient pas. Mais après quatre ou cinq ans d’application des techniques culturales, la qualité du sol s’améliore considérablement », affirme Becker.
 
Alex Walker, assistant de recherches au Centre de politique environnementale de l’Imperial College à Londres, au Royaume-Uni, considère le « carbon farming » comme une « approche de la question de l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone fondée sur le bon sens, avec des effets potentiellement positifs sur la biodiversité ».
 
Il ajoute que « le jatropha pousserait sur des terres non arables, et n’entrerait donc pas en compétition avec la production alimentaire, même si sa transformation est plus difficile et ses rendements, ainsi que les volumes de carbone qu’il absorbe sont variables ».
 
L’Egypte conduit actuellement une expérience pionnière dans le domaine de l’agriculture en milieu désertique, en utilisant des eaux usées traitées sommairement pour produire du bois, de la biomasse ligneuse et des cultures destinées à la production des agrocarburants comme la casuarina, l’acajou d’Afrique, le jojoba et le margousier, en plus du jatropha.
 
Dans un entretien accordé à SciDev.Net, Hany El Kateb, enseignant à l’Université technique de Munich en Allemagne, rappelle qu’en Egypte, il existe environ 6.000 hectares d’arbres de bonne qualité, mais qui jusqu’à présent n’ont pas encore été vendus pour créer de la valeur économique ».
 
Selon lui, l’Egypte produit plus de 6,3 milliards de mètres cube d’eaux usées par an, dont 5,5 milliards suffiraient pour le reboisement de plus de 650.000 hectares de terres désertiques et le stockage de plus de 25 millions de tonnes de dioxyde de carbone dans de nouvelles forêts chaque année.
 
Il souligne que l’Egypte jouit d’un avantage par rapport à certains pays européens qui sont des leaders dans le domaine de la foresterie, comme l’Allemagne, parce que ces mêmes espèces poussent plus de 4,5 fois plus vite en Egypte où le soleil brille pendant la majeure partie de l’année.
 
Mais selon Mosaad Kotb Hassanein, Directeur du Laboratoire central de climatologie agricole en Egypte « l’un des grands écueils à la culture des arbres en milieux arides, c’est le manque d’expérience, de compétences et de personnel technique pour la création et la gestion des plantations forestières.
 
« En Egypte, ce projet a eu la chance de bénéficier de l’assistance technique et du soutien de l’Office allemand des échanges universitaire pour la mise en place d’une administration des forêts ».
 
Avec la contribution de Nehal Lasheen.
 

Références

Earth System Dynamics doi: 10.5194/esd-4-237-2013 (2013)

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