15/01/08

L’aide médicale doit être axée sur les maladies chroniques

Un tensiomètre : l’Afrique et la Chine font face à une épidémie des maladies cardiovasculaires.

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Les programmes d’aide doivent être réorientés pour se concentrer sur la lutte contre les maladies non transmissibles et les traumatismes selon, Robyn Norton, Lalit Dandona et Yangfeng Wu.

Les maladies non transmissibles et les traumatismes sont sans nul doute les principales causes de décès et d’invalidité dans les pays en développement, et, selon les prévisions, leur importance va croître dans un avenir proche.

Ainsi, les maladies cardiovasculaires, constituent déjà la principale cause de mortalité dans ces pays. Par ailleurs, d’après les prévisions d’un article publié dans le Journal of the American Medical Association, leur prévalence augmentera de 120% chez les femmes et de 137% chez les hommes entre 1990 et 2020.

Des études menées récemment dans l’Inde rurale confirment ces prévisions. Des enquêtes détaillées ont montré que les maladies de l’appareil circulatoire sont les principales causes de mortalité, suivies des traumatismes.

L’Afrique et la Chine connaissent aujourd’hui une augmentation des maladies liées à la pression artérielle. L’infarctus représente la principale cause de décès consécutivement à des maladies cardiovasculaires dans ces deux parties du monde.

L’enquête nationale chinoise sur la nutrition et la santé de 2002 a révélé que le nombre de personnes souffrant de surcharge pondérale a augmenté de 39% au cours des 10 dernières années. Même dans les régions les plus défavorisées de l’Ouest de la Chine, des études ont montré que la malnutrition généralisée chez les enfants est progressivement remplacée par des cas d’obésité de niveaux élevés. Ce phénomène est susceptible d’avoir un impact important sur le poids des maladies chroniques chez les adultes au cours des années à venir.

Une attention insuffisante

Bien sûr, de plus en plus de gouvernements des pays en développement reconnaissent que les maladies non transmissibles, extrêmement importantes, se sont transformées en épidémies. Ils sont à la recherche de solutions efficaces. Certains considèrent que ces solutions existent. Beaucoup de paysriches ont accompli des progrès significatifs dans la réduction de l’impact des maladies non transmissibles et des traumatismes.

Cependant, plusieurs organisations philanthropiques, tant non gouvernementales que multilatérales – telles que la Fondation Bill et Melinda Gates et le Global Health Council, ainsi que de grandes institutions universitaires impliquées dans les politiques de santé mondiale dans les pays riches – accordent très peu d’attention à la situation dans les pays en développement. Ils se focalisent presque exclusivement sur les maladies infectieuses, les carences nutritionnelles et la santé maternelle et infantile.

Dès lors, eu égard au fait que beaucoup de pays en développement dépendent fortement des ressources des pays développés, il est normal que la prévention et le traitement des maladies non transmissibles et des traumatismes dans le monde en développement soient insuffisants et peu développés. Les planificateurs et les prestataires des soins de santé dans plusieurs pays en développement ont peu d’expérience en matière de prévention, d’identification et de gestion de ces maladies. Les infrastructures et les systèmes sanitaires existants ont été conçus pour des situations d’urgence et non des cas chroniques, et sont inadaptées à la gestion de ces nouvelles épidémies.

Cette négligence de la part des organisations internationales et des organismes d’aide va probablement avoir des conséquences fâcheuses. Le nombre de personnes porteuses de maladies non transmissibles va continuer de croître, tout comme l’aggravation de leur état de santé et les répercussions de cette situation sur leur entourage familial. Une situation qui aura des conséquences économiques et sociales sur leurs communautés et leurs pays tout entier.

Cet état de fait est indéfendable d’un point de vue éthique étant donné que les méthodes de prévention et de gestion de ces facteurs sont très développées, même s’ils ne sont circonscrits qu’aux pays riches. Le progrès vers les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) doit se poursuivre, mais compte tenu du poids des maladies transmissibles, conjugué à celui des maladies non transmissibles que supportent plusieurs pays en développement, ceux d’entre nous qui contribuent à la planification des soins de santé dans le monde doivent exercer des pressions sur les organisations et institutions internationales afin qu’elles aident les pays en développement avec des solutions peu onéreuses dans le traitement des problèmes que sont les maladies non transmissibles et les traumatismes. Les bénéfices réalisés grâce aux succès des OMD pourraient facilement être balayés si des ressources ne sont pas allouées, dans le même temps, au traitement des maladies non transmissibles.

Heureusement, certaines organisations et institutions procèdent déjà à l’ajustement de leurs politiques. Un rapport de la Banque mondiale datant de 2007 préconisait des mesures pour réduire la prévalence croissante des maladies chroniques et se préparer aux coûts qu’elles feront peser sur les budgets de santé. Ce rapport stipulait que les prêts de la Banque seraient désormais « fondés sur la demande ». Nous proposons que les gouvernements des pays en développement saisissent cette opportunité et prennent des mesures avec le concours de la Banque.

De même, en juillet 2007, Ovations, une société du UnitedHealth Group, a lancé au monde un appel relatif à la création de centres de lutte contre les maladies chroniques dans les pays en développement, suite à un engagement pris dans le cadre de la Clinton Global Initiative en 2006. Bien que les fonds disponibles ne puissent financer que 5 centres, 136 propositions émanant de plus de 70 pays ont été envoyées. Ce phénomène démontre que les pays en développement considèrent les maladies non transmissibles comme une priorité, et souligne l’urgente nécessité que d’autres organismes mondiaux de financement fassent de même.

Nous encourageons ces deux initiatives. Mais il faut accélérer les changements car nous sommes engagés dans une course contre le temps. Toute personne impliquée dans l’amélioration de la santé des populations des pays en développement doit agir. Nous devons encourager les organisations et institutions internationales tout en leur lançant un défi afin qu’elles se penchent sur les données et les besoins des pays en développement. Nous devons soutenir ces organisations dans la réorientation de leurs programmes d‘activités pour rendre accessibles les initiatives de haut niveau sur les maladies non transmissibles et les traumatismes dans les pays en développement.

Robyn Norton est le directeur général du George Institute for International Health de Sydney en Australie. Elle est par ailleurs professeur de santé publique et doyen associé chargé des affaires internationales à la faculté des sciences de la santé de l’Université de Sydney.

Lalit Dandona est le directeur général du George Institute pour l’Inde à Hyderabad, professeur et titulaire de la chaire de santé publique internationale à l’Ecole de santé publique de l’Université de Sydney en Australie.

Yangfeng Wu est directeur de la George Institute en Chine basée à Pékin, professeur et directeur de la recherche clinique au centre des sciences de la santé de l’Université de Pékin, en Chine.