04/02/16

Virus Zika: “L’Afrique doit se mobiliser”

Zika Mosquito
Crédit image: Flickr/Treegrow

Lecture rapide

  • Quatre millions de cas sont attendus d'ici à décembre en Amérique
  • Un cas de transmission sexuelle a été rapporté aux Etats-Unis
  • L'Afrique doit mettre en place une politique de prévention efficace

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Si l’Amérique du Sud reste le continent le plus touché pour l’heure par le virus Zika, avec 3 à 4 millions de cas attendus cette année, l'Afrique n'est pas à l'abri d'un risque de propagation.
 
Zika est lié à la famille de moustiques à l’origine de la transmission du virus de la dengue et du Chikungunya qui ont sévi en Afrique, ce qui pousse les experts en santé à s'interroger.
 
Le directeur de l’Institut national de recherche biomédicale de la République démocratique du Congo et microbiologiste Jean-Jacques Muyembé, précurseur dans la découverte de la fièvre hémorragique à virus Ebola en 1976, se demande "pourquoi ce virus émergent est si gentil en Afrique, mais si méchant en Amérique."
 
Il croit cependant que "le virus Zika est certainement endémique en Afrique tropicale où il a été isolé pour la première fois en Ouganda, pays avec lequel la RDC partage une longue frontière".
 
Pour la première fois, le virus a été remarqué en 1947 dans une forêt en Ouganda qui lui a prêté le nom Zika.
 
Selon Jean-Jacques Muyembé, "le vecteur du virus Zika est partout en RDC, même s’il n’y a jamais eu des cas avérés de la fièvre".
 
Et de préciser que "cliniquement Zika peut être confondu avec d'autres maladies plus fréquentes comme le paludisme ou la fièvre typhoïde ou la fièvre due au virus Chikungunya. Sans doute les infections asymptomatiques sont-elles fréquentes, mais ne sont pas diagnostiquées parce qu'elles ne sont pas recherchées de façon systématique".
 
"En fait Zika ne constitue pas un problème de santé publique en Afrique en termes de morbidité et de mortalité. Il ne fait pas partie de maladies sous surveillance", note encore Jean-Jacques Muyembé.
 
Le directeur de l’Unité Mixte Internationale Environnement, Santé, Sociétés, dont le siège est à Dakar, Gilles Boetsch, confirme pour sa part que "le moustique Ades Aegypti est très présent en Afrique de l'ouest, donc il y a un sérieux risque potentiel’’.
 
À son avis, "il faut renforcer la protection anti-moustiques, car c'est un problème de santé publique, donc d'information, en premier lieu".
 
Même si le lien scientifique n’est pas encore formellement établi, les spécialistes soupçonnent que le virus Zika serait responsable de malformations congénitales, principalement des microcéphalies.  
 

“L'Afrique ne doit pas rester à la traîne par rapport aux mesures de prévention primaire à prendre pour empêcher la survenue de la maladie au niveau africain”

Massamba Diouf Epidémiologiste 
UCAD

L’épidémiologiste sénégalais Massamba Diouf est pour sa part certain que l’alerte donnée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) face à la propagation du virus Zika, en décrétant une urgence de santé publique de portée mondiale, montre la nécessité pour les pays africains d’instaurer la vigilance sur la question.
 
"Ce qui implique que l'Afrique ne doit pas rester à la traîne par rapport aux mesures de prévention primaire à prendre pour empêcher la survenue de la maladie au niveau africain".
 
Il ajoute que l’épidémie suppose "l'idée de propagation rapide du nombre de nouveau cas dans le temps et dans un espace donné et qui peut être pandémique lorsque la propagation s'étend. L'Afrique n'est pas alors épargnée, d'où l'urgence de développer des stratégies préventives."
 
Parmi ces stratégies, il rappelle l’importance du dépistage systématique de tous les passagers venant des zones infectées.
 
Selon lui, la poursuite de la destruction de tous les sites larvaires susceptibles d’entretenir le vecteur ne serait pas œuvre inutile.
 
M. Diouf préconise la mise en place de systèmes de surveillance et d’alerte épidémiologique pour tout cas suspect, sans oublier des structures de prise en charge opérationnelles lorsqu’un cas est confirmé.
 
L'inquiétude s'est renforcée dans les milieux scientifiques depuis l'annonce par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), aux Etats-Unis, d'un nouveau mode de transmission, par voie sexuelle, confirmé en laboratoire.
Mais la communauté scientifique insiste sur le fait que la meilleure façon de se prémunir reste d'éviter les piqûres de moustiques.
 

Un vaccin en préparation

 
L’espoir pourrait bientôt renaître face à la propagation du virus, car le groupe français Sanofi a annoncé la recherche d’un vaccin anti Zika.
 
Par ailleurs, des essais sur un vaccin que préparent des scientifiques américains et canadiens se feront d’ici le mois de septembre. L’initiative réunit un groupe constitué de  l’Université de Pennsylvanie, l’Université Laval au Québec, le groupe pharmaceutique Inovio et le groupe sud-coréen GeneOne Life Science.
 
Le microbiologiste canadien, Gary Kobinger, récemment à l’origine d’un traitement, le ZMapp, et d'un vaccin contre Ebola – le VSV-EBOV – en Afrique de l’Ouest, fait partie de l’équipe qui travaille sur ce vaccin.
 
Le professeur et microbiologiste congolais Jean-Jacques Muyembé s'interroge : "le vaccin, c'est bon, mais c'est pour qui?’’ s’interroge-t-il avant de répondre que "les femmes en âge de procréer seront sans doute les premiers bénéficiaires."
 
Mais, au-delà de tout, ce qui compte le plus pour les pays africains, c’est la prévention, précise-t-il.
 
"Les épidémies de Zika ne seront certainement pas régulières, si les mesures efficaces de lutte antivectorielle sont mises en place", conclut-il.