17/10/16

La sûreté des vaccins à l’épreuve de la confiance des patients

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Une séance de vaccination au Cameroun Crédit image: Flickr / Sanofi - Pasteur

Lecture rapide

  • Pour 41% des Français et presque 14% des Congolais, les vaccins ne sont pas sûrs
  • 11% de Nigérians et 10% de Sud-Africains contestent l’efficacité des vaccins
  • L’OMS et GAVI trouvent ces chiffres préoccupants et vont renforcer la sensibilisation

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Une étude dont les résultats ont été publiés en septembre 2016 dans la revue EBioMedicine fait un état des lieux du niveau de confiance qu’ont les populations dans l’efficacité, la sûreté et l’utilité des vaccins à travers le monde.
 
Réalisée par The vaccine confidence project de la London school of hygiene and tropical medicine en Angleterre, l’étude est le fruit d’une enquête menée auprès de 66 000 personnes au total dans soixante-sept pays.
 
Huit pays africains ont été pris en compte dans cette étude, à savoir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Ghana, la Nigeria, la République démocratique du Congo (RDC) et l’Afrique du Sud.
 

“Aujourd'hui, la variole a été éradiquée et la polio est sur le point de l’être aussi, alors que les taux de mortalité pour un grand nombre de maladies les plus mortelles de la planète sont en forte baisse. Cet immense progrès est dû en grande partie aux vaccins”

Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI)

 
Il  en ressort que les Congolais de la RDC sont les Africains qui font le moins confiance à la sûreté des vaccins. Ils sont en effet jusqu’à 13,8% qui pensent que les vaccins ne sont pas sûrs, pour 9,85% de Sud-Africains et 7,4% de Tunisiens. En revanche, les Ethiopiens (95%) sont les plus nombreux à considérer les vaccins comme des produits sûrs, suivis des Ghanéens (93,7%).
 
Du point de vue de l’utilité des vaccins, c’est l’Ethiopie qui arrive en tête du classement avec 99% des personnes interrogées qui croient en l’utilité des vaccins, suivie de l’Algérie avec 98%.  De l’autre côté, les pays du continent où les gens croient le moins en l’utilité du vaccin sont l’Afrique du Sud (6%), la RDC (4,6%) et le Ghana (4%).
 
En ce qui concerne l’efficacité des vaccins, 97% des Ethiopiens en sont convaincus pour 93% de Tunisiens et 90% de Ghanéens. A l'opposé, ils sont jusqu’à 11% les Nigérians, 10% les Sud-Africains, 8,8% les Congolais et 8 % les Algériens qui nient l’efficacité des vaccins.
 
Hors d’Afrique, c’est le résultat de l’étude en France qui suscite le plus de curiosité. Ce pays arrive en tête du classement mondial pour ce qui est du manque de confiance des citoyens dans les vaccins.
 
En effet, ils sont 12 % les Français qui ne voient pas l’utilité des vaccins, 17 % ceux qui les jugent inefficaces et jusqu’à 41 % qui estiment qu’ils ne sont pas sûrs.
 
Sur ce volet de la sûreté, la France est suivie dans ce pessimisme par la Bosnie-Herzégovine (36%) et la Russie (28%).
 
Bref, il apparaît que les plus grands taux de méfiance vis-à-vis des vaccins à l’échelle globale sont enregistrés dans les pays développés où la plupart des vaccins sont produits.
 

Explication

 
Interrogée par SciDev.Net, Heidi J. Larson, directrice de The Vaccine confidence project et principal auteur de ces travaux, a une explication : "Les résultats de cette étude renforcent l’idée selon laquelle les sentiments ne sont pas seulement influencés par la qualité du vaccin, mais aussi par la confiance ou la méfiance que l’on a dans le système qui le délivre. Il a également quelque chose à voir avec les croyances de plus en plus fortes dans la naturopathie et l'homéopathie."
 
Et elle précise : "Dans notre recherche mondiale sur la confiance dans la vaccination au cours de la dernière décennie, nous avons constaté que la confiance dans la vaccination est fortement liée à la confiance des populations envers leur gouvernement et leur système de santé. Elle est aussi influencée par les croyances religieuses ou philosophiques, les expériences passées avec les vaccinations, et de plus en plus par les réseaux sociaux locaux".
 
D’où la grande disparité que relève l’étude à travers les pays et même dans un même pays. Car, dit Heidi J. Larson, "nous savons à partir d'autres études au niveau national qu'il y a moins de confiance dans le nord du Nigeria que dans le reste du pays".
 
Enfin, "dans le cas de l'Europe, conclut-elle, il y a parfois un excès de confiance du fait qu’on est en bonne santé et qu’on ne se croit pas exposé aux maladies infectieuses. Ce qui est une vue à très court terme qui ne tient pas compte des risques que présente à long terme le fait de ne pas se vacciner".
 

Facteurs complexes

 
Cette analyse de l’auteur de l’étude rejoint presque mot pour mot celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
 
Robb Butler, responsable du programme de vaccination de l’OMS pour l’Europe explique à SciDev.Net que " les décisions de vaccination sont influencées par une variété de facteurs complexes et spécifiques au contexte. Ceux-ci comprennent la confiance dans les vaccins et les services qui les fournissent, ainsi que l'expérience précédente avec les vaccins et le système de soins de santé, les normes et traditions sociales, la commodité des services."
 
Et d’ajouter : "La confiance ne correspond pas à l'intention de vacciner – la récente étude ne doit pas être lue de cette façon. La plupart des pays qui ont été répertoriés comme ayant une crise de confiance sont souvent parmi ceux qui ont les meilleures couvertures et les plus fortes demandes du public pour les vaccins. L'Arménie en est un exemple".
 
Pour sa part, l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) préfère lire cette étude dans son ensemble, pour constater que "par-dessus tout, la confiance dans les vaccins à l’échelle mondiale est positive". Citant l’OMS qui, dit-elle, " estime que 86% de tous les nourrissons ont reçu au moins la série complète de trois doses de vaccin de routine en 2015".
 
"Cette enquête montre qu'il existe un large soutien à la vaccination, en particulier dans les pays soutenus par GAVI ; même si les résultats de certains pays industrialisés sont préoccupants", commente en plus un porte-parole de l’organisation qui dit avoir déjà vacciné 580 millions d’enfants dans le monde, évitant huit millions de décès. 
 

“Une bonne expérience à la clinique locale, avec des agents de santé adaptés, prêts à avoir une conversation et répondre aux questions de leurs patients, fera une grande différence”

Heidi J. Larson, directrice The Vaccine confidence project

 
La  même source  enchaîne : " Il y a cinquante ans, les enfants à travers le monde étaient paralysés par la poliomyélite ; la variole était toujours une menace pour la santé mondiale ; la rougeole, la diarrhée et la pneumonie ont coûté la vie à des millions de gens chaque année. Aujourd'hui, la variole a été éradiquée et la polio est sur le point de l’être aussi, alors que les taux de mortalité pour un grand nombre de maladies les plus mortelles de la planète sont en forte baisse. Cet immense progrès est dû en grande partie aux vaccins, qui sont parmi nos armes les plus puissantes contre les maladies."
 
Toutefois, tempère Robb Butler, "nous avons vu la confiance du public dans les vaccins diminuer dans certains pays au cours de la dernière décennie, comme cela a été clairement soulignée par l'étude. Le manque de confiance dans les vaccins est une préoccupation sérieuse qui doit continuer à être surveillée et traitée de manière adéquate".
 
Surtout que, martèle GAVI, "avec un enfant sur cinq en Afrique qui n'a pas accès à tous les vaccins de base, il est essentiel que la vaccination demeure à l'avant-garde des efforts visant à réduire la mortalité infantile, la morbidité et le handicap"
 
Ainsi, confie Robb Butler, l'OMS, en collaboration avec ses partenaires et les États membres, élabore des documents d'orientation et de formation dans le domaine du renforcement de la confiance dans les vaccins en plus de fournir un soutien technique dans le pays.
 

Expériences

 
A ce titre, dit-il, "notre dernier document d'orientation vise à aider les porte-parole de la vaccination à répondre à ceux qui ne croient pas aux vaccins et aux preuves scientifiques qui les sous-tendent".
 
Quant à elle, GAVI qui revendique le financement des vaccins qui aident à immuniser 60% des enfants chaque année dans le monde dit investir "dans le renforcement des systèmes de santé et soutenir les organisations de la société civile dans leurs efforts de plaidoyer pour renforcer le soutien à la vaccination.
 
Mais, pour Heidi J. Larson, la clé principale se trouve dans les rapports que les services de santé et de vaccination entretiennent avec les populations.
 
"Les expériences des gens avec les travailleurs et le système de santé sont très importantes pour la construction de leur confiance dans les vaccins. Une bonne expérience à la clinique locale, avec des agents de santé adaptés, prêts à avoir une conversation et répondre aux questions de leurs patients, fera une grande différence", tranche-t-elle.

Références