26/10/16

Q&R : Progrès dans la prévention et le traitement de l’hépatite C

Hepatitis C virus 2
Crédit image: Flickr / Fusion Medical Animation

Lecture rapide

  • Pour la première fois, l’on a observé au microscope le virus de l’hépatite C
  • Ce germe avait adopté un mode de déguisement qui empêchait sa visualisation
  • Cette avancée permettra de préparer plus vite un vaccin contre la maladie

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Le 19 octobre dernier, des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), basé en France, ont annoncé avoir observé pour la première fois au microscope le virus de l’hépatite C.
 
Cette maladie qui peut provoquer la cirrhose de foie chez 55 à 85% des patients est transmissible par vois sanguine, par injection de drogues et par relations sexuelles.
 
Selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’on compte entre 130 et 150 millions de malades chroniques à l’échelle mondiale, avec 700 000 personnes qui en meurent chaque année.
 

“Cette visualisation va surtout faciliter la mise au point d’un vaccin contre ce virus.”

Jean-Christophe Meunier
Chercheur à l'Inserm (France)

 
L’observation au microscope du virus de l’hépatite C étant inédite, SciDev.Net a interrogé le chef de l’équipe de recherche, en l’occurrence Jean-Christophe Meunier, qui est par ailleurs chargé de recherche à l’Inserm.
 
Il révèle les circonstances de ces travaux qu’il a effectués avec ses collègues et donne une idée des implications possibles du résultat auquel ils sont parvenus.
 

Dans un communiqué de presse publié le 19 octobre, vous écrivez que « des scientifiques viennent enfin d’observer le virus de l’hépatite C (ou VHC) au microscope électronique ! ». Pourquoi l’exclamation ? Et pourquoi « enfin » ?

 
Ce virus a été découvert en 1989 par des techniques de biologie moléculaire. Depuis, malgré de nombreuses tentatives, il a été impossible de le visualiser en microscopie électronique. Nos travaux permettent enfin de connaître l’aspect de ce virus.
 

Qu’est-ce qui garantit qu’il ne s’agit pas d’une fausse alerte comme celle de ces chercheurs américains qui, en 2013, avaient cru avoir observé le même virus ?

 
Nous avons utilisé pour la capture du virus des anticorps spécifiques de la conformation naturelle du VHC, ce qui nous assure une certaine spécificité de capture. Nous avons aussi vérifié que ces virus contenaient bien une capside et que cette capside renfermait bien l’ARN (acide ribonucléique) viral.
 

Comment êtes-vous parvenus à réaliser cet exploit qui échappe aux chercheurs depuis plus de 20 ans ?

 
Nous avons mis au point une technique d’immuno-capture innovante qui permet de capturer le virus à partir de n’importe quel échantillon (culture cellulaire, sérum de patient) et ceci en respectant la conformation native du virus.
 
Inserm reseachers (France)  

Qu’est-ce qui, jusque-là, empêchait l’observation de ce virus au microscope ?

 
La préparation des échantillons à observer consiste classiquement à ultracentrifuger les virus à travers un coussin de sucrose. Nous supposons que ce traitement vigoureux modifie la structure du virus et empêche donc son observation.
 

Vous écrivez que la technique de déguisement de ce virus était connue depuis longtemps. Quels obstacles ont jusque-là empêché la science de rendre impossible ce déguisement ?

 
Nous savons depuis quelques années que le virus détourne la voie de production des VLDL (very low density lipoprotein – lipoprotéine de très faible densité) à son avantage, mais cela ne veut pas dire qu’il nous est possible de neutraliser cette stratégie afin de l’observer en microscopie électronique.
 

En dehors du nombre de décès imputables à ce germe, qu’est-ce qui fait du virus de l’hépatite C « l’un des plus redoutables de notre siècle » comme vous l’écrivez ?

 
Le principal problème qui se pose à l’heure actuelle est que les patients portant une infection chronique (170 millions dans le monde) présentent un risque important de développer une cirrhose. Cette pathologie entraîne de grand risque pour la santé du patient, mais demande aussi une prise en charge médicale extrêmement lourde et onéreuse.
 

Que peut apporter cette observation dans le cadre de la prévention et du traitement de l’hépatite C ?

 
Cette visualisation va surtout faciliter la mise au point d’un vaccin contre ce virus.
 

Est-il possible que cette observation et ses implications apportent aussi des solutions pour la prévention et le traitement des autres types d’hépatite ?

 
Nous sommes en effet en train d’appliquer cette stratégie à l’observation d’autres virus (virus de l’hépatite B et virus de l’hépatite E) et l’avenir nous dira quels sont les enseignements que nous en tirerons.
Hepatitis C Virus 

En l’absence d’une telle observation, sur quelle base se faisaient les traitements proposés jusque-là contre l’hépatite C ?

 
Grace aux techniques de biologie moléculaire, nous connaissions déjà assez bien le virus. Nous savions donc quelles étaient les protéines susceptibles d’être ciblées par des molécules chimiques inhibitrices.
 

Finalement, au regard de cette observation, qu’est-ce qui distingue le virus de l’hépatite C de ceux des autres types d’hépatite ?

 
Ce virus est le seul à notre connaissance qui est capable de se fusionner à une lipoprotéine afin de former une nouvelle structure virale appelée lipo-viro-particule.
 

En quoi est-ce que cette observation pourrait constituer une révolution dans la médecine et la science en général ?

 
Ce n’est certainement pas une révolution, mais cela permettra probablement d’obtenir des informations à propos des virus déjà connus qu’il aurait été impossible d’obtenir sans notre technologie.