04/08/10

Le Mali va élever des moustiques GM résistant au paludisme

Il n'existe pas encore de réglementation claire régissant la libération de moustiques GM en Afrique Crédit image: Flickr/US Army Africa

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Un laboratoire au Mali s'engagera bientôt dans l'élevage des premiers moustiques génétiquement modifiés en Afrique pour lutter contre le paludisme.

Le laboratoire, intégré au Centre de Formation et de Recherche sur le Paludisme et domicilié à Université de Bamako, a été officiellement inauguré hier (3 août).

Les recherches s'inscrivent dans le cadre d'un partenariat conclu entre l'Université de Bamako et l'Université de Keele, au Royaume-Uni, dont l'objectif est de développer des moustiques GM pour lutter contre le paludisme.

Les chercheurs espèrent que des moustiques résistants remplaceront un jour les populations sauvages et finiront par enrayer le paludisme.

Bénéficiant d'un financement triennal grâce à une subvention de £800,000 (environ US$1,8 million) du Wellcome Trust, le partenariat a rendu possible la formation de trois scientifiques maliens à l'Université de Keele, et la création d'un laboratoire de biosécurité de catégorie 3 sur le site du Centre.

Mamadou Coulibaly, chef du laboratoire de génomique et de protéomique du Centre et principal chercheur du projet au Mali, a déclaré que ce laboratoire, achevé à la mi-juillet, devrait produire des moustiques GM d'ici 2011.

Pour Paul Eggleston, professeur d'entomologie moléculaire au Centre d'Entomologie et de Parasitologie appliquées à l'Université de Keele, et chef du projet au Royaume-Uni, "nous avons voulu exporter cette technologie en Afrique pour que les scientifiques locaux puissent s'impliquer dans ce que nous faisions, pour bien le comprendre, et en faire partie. Au final, ce sont [ces pays] qui prendront la décision finale d'utiliser [les moustiques GM] ou non".

La décision de produire des moustiques GM a reçu l'approbation du comité d'éthique de la Faculté de médecine, de pharmacie et d'odontostomatologie de l'Université de Bamako, a affirmé Coulibaly. Le Mali s'active également dans l'élaboration de sa propre législation sur la biosécurité concernant les insectes GM, avec l'appui de l'OMS, a déclaré Eggleston.

Eggleston note aussi que les chercheurs espèrent tester leurs moustiques GM dans de grandes cages de plein air sur le terrain dans moins de trois ans. Cela se fera dans une station expérimentale dans l'un des villages situés hors de Bamako, qui ont une longue tradition de collaboration avec l'université.

Plusieurs projets dans le monde ont pour objectif d'utiliser la modification génétique pour empêcher les moustiques de transmettre des maladies comme le paludisme ou la dengue.

Ricarda Steinbrecher est la co-directrice de EcoNexus, une organisation à but non-lucratif qui analyse les développements intervenus dans le domaine de la science et de la technologie, et membre du groupe ad hoc d'experts techniques au ProtocoledeCartagena sur la prévention des risques biotechnologiques (GAHET) qui, au cours des deux dernières années, a élaboré des directives sur l'évaluation des risques que présentent les moustiques GM. Pour elle, "avec les insectes génétiquement modifiés — et en particulier les moustiques — nous sommes confrontés à un certain nombre de problèmes pour l'évaluation ou le traitement desquels nous avons très peu ou pas d'expérience ou de connaissances.

"Nous ne savons même pas, ou ne disposons pas de suffisamment de données scientifiques sur ce que pourraient être les dangers potentiels ou les effets négatifs.  

"Les insectes GM sont totalement différents des cultures GM. Ils sont conçus pour propager leurs gènes modifiés partout et interagir avec les populations sauvages … ils ne seront pas cantonnés dans des endroits spécifiques, mais iront vers les habitats sauvages et franchiront les frontières nationales.

"Les libérations et les évaluations des risques — et les décisions sur ces risques – doivent ainsi constituer une préoccupation multinationale ou régionale.

"Il n'existe pas encore de règlementation ou de directives claires ou spécifiques pour la libération dans l'environnement de moustiques GM dans un pays ou dans une région. Des directives sont en cours d'élaboration à l'échelle internationale, mais les préoccupations et les incertitudes sont grandes".

Eggleston insiste que l'équipe est consciente du fait que la production de moustiques GM en Afrique représentait un pas considérable et qu'il était important de se montrer prudent.

"Les risques dont nous parlons [en mettant en place le laboratoire] sont négligeables mais parce que c'est la première fois que cela se passe en Afrique, nous pensons que nous devons adopter une approche entourée de beaucoup de précautions".

Pour Coulibaly, "les maliens ordinaires pensent que [les moustiques GM utilisés pour lutter contre le paludisme] sont une bonne idée. Ils comprennent la nécessité de contrôler le paludisme. Ils émettent toutefois quelques réserves sur les résultats potentiels. Ils ont besoin d'être rassurés que le laboratoire ne produira pas des moustiques plus dangereux encore".