06/10/14

Découverte d’une souche de poliomyélite résistante

Africa Polio 598
Crédit image: Flickr/Gates Foundation

Lecture rapide

  • Le fort taux de mortalité enregistré lors de l'épidémie de poliomyélite de 2010 au Congo-Brazzaville était dû à une mutation du virus
  • Les chercheurs estiment que ce processus de mutation est un fait inédit
  • Selon les chercheurs, d'autres souches du poliovirus pourraient être dans la nature et entraîner des épidémies mortelles

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Une équipe de chercheurs, comprenant des Français, des Gabonais et des Congolais du Centre international de recherches médicales de Franceville au Gabon vient d’identifier la cause de la terrible épidémie de poliomyélite qui s’était abattue sur Pointe Noire, au Congo, en 2010.

Cette année-là, sur les 445 cas de poliomyélite diagnostiqués, 47 % s'étaient soldés par des décès.

Les chercheurs expliquent l’ampleur de la mortalité de cette épidémie par l’apparition d’une souche du poliovirus sauvage résistante à la vaccination.

L’étude, publiée la première fois dans Proceedings of the National Academy of Sciences, le journal de l’académie nationale des sciences des Etats-Unis, est relayée dans l'édition de septembre 2014 de Science en Direct, le mensuel d’information de l’IRD (l’Institut de Recherche pour le Développement).

Une mutation sans précédent

Eric Leroy, virologue et directeur du Centre International des Recherches Médicales de Franceville, a expliqué à SciDev.Net que le poliovirus a muté.

"Les protéines ont formé une espèce de bouclier de protection autour du virus au point où ce dernier est devenu insensible à tout anticorps".

Pour le chercheur, il s'agit d'un fait inédit jamais connu auparavant.

En conséquence, le vaccin, "devenu inefficace dans le corps du patient, du fait de la neutralisation des anticorps, est incapable d’identifier le poliovirus", explique encore Eric Leroy.

Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont expérimenté la résistance de ce type de poliovirus, dans des échantillons de sang d’une soixantaine de volontaires vaccinés en Allemagne et au Gabon.

Ils ont ainsi constaté que les anticorps développés par ces volontaires ont été moins résistants contre la souche Congo du virus que contre les souches connues de poliovirus.

Les chercheurs estiment qu'entre 15 et 30% de ces volontaires n'auraient pas été protégés, s'ils avaient été exposés à la souche Congo, en 2010, bien que vaccinés.

Les chercheurs redoutent à présent une possible apparition d'autres variantes du virus de la poliomyélite, qui pourrait mettre en danger les populations immunisées.

"Il n’existe pas de traitement contre la poliomyélite. Mais les rappels de vaccin antipoliomyélitiques pendant l’enfance confèrent normalement une protection à vie", souligne Marie Kobela, secrétaire permanente du Programme Elargi de Vaccination au Cameroun.

Nécessité d’une bonne couverture vaccinale

Le virologue Eric Leroy insiste pour sa part sur la vigilance épidémiologique. "Chaque fois qu’il y a une épidémie, il faudra être vigilant et chercher à comprendre sa véritable nature."

La poliomyélite est une grave maladie invalidante en voie d’éradication. En vingt-six ans, le nombre de cas a baissé de 99 %, se félicite l’OMS.

La maladie sévit encore de manière endémique dans trois pays : le Pakistan, l’Afghanistan et le Nigeria, du fait de l’hostilité des chefs religieux aux campagnes de vaccination. En 2014, 401 cas avaient été inventoriés par l’OMS, qui ambitionne d’éradiquer la poliomyélite d'ici à 2018.