17/08/15

Comment les moustiques résistent-ils aux insecticides?

Mosquito Anophele Malaria
Crédit image: Flickr/Armed Forces Pest Management Board

Lecture rapide

  • Les moustiques développent une résistance croissante aux insecticides
  • Des chercheurs ont identifié certains mécanismes de résistance par biodégradation
  • Ils envisagent de mettre au point des outils de diagnostic précoce

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Une équipe comprenant des chercheurs du CNRS, de l’IRD et de l’Institut Pasteur de Guyane ont identifié de nouveaux marqueurs génétiques de la résistance des moustiques aux insecticides.

Ils ont développé des outils pour mieux détecter ces résistances sur le terrain.
 
La capacité des moustiques à résister aux insecticides affecte sérieusement les efforts de prévention de certaines maladies comme le paludisme, la dengue et le Chikungunya.
 
En l’absence de solutions alternatives aux insecticides, l’identification des mécanismes qui sont à la base de cette résistance est essentielle.
                                
La science étudie depuis longtemps ces mécanismes de résistance.

C’est ainsi que certains marqueurs de cette résistance, comme les mutations sur l’ADN des moustiques, notamment des récepteurs nerveux ciblés par les insecticides, sont connus.

 

Résistance par bio-dégradation

 
Mais les mécanismes de la résistance par biodégradation, c’est-à-dire par des enzymes de moustiques (ainsi que les gènes et les facteurs génétiques précis) qui biodégradent les insecticides, n’étaient pas connus. 
 
L’équipe de recherche a constaté que certains des gènes qui codent pour ces enzymes de biodégradation sont présents en de multiples copies dans le génome des moustiques résistants.
 
Elle a procédé à un séquençage massif de l’ADN pour identifier les bases génétiques de cette résistance chez le moustique Aedes aegypti, proche cousin du moustique tigre et vecteur de la dengue et du Chikungunya.
 

“On peut changer d’insecticide ou utiliser un insecticide pour lequel on sait qu'il n’y aura pas de résistance, en connaissant les marqueurs qui sont présents dans les populations.”

Jean-Philippe David, Chargé de recherche au Centre National de Recherche Scientifique (CNRS)

Les chercheurs ont ciblé, par bio-informatique, plus de 760 gènes potentiellement impliqués dans le processus de résistance.
 
L’analyse de ces gènes par séquençage très haut débit a permis de découvrir que l’augmentation de l'activité des enzymes de détoxification est fréquemment provoquée par une augmentation du nombre de copies des gènes codants pour ces enzymes.
 
Les mutations affectant ces enzymes pouvaient augmenter la biodégradation des insecticides chez les moustiques résistants.
 
Jean-Philippe David, Chargé de recherche au Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), en France et membre de l’équipe, explique que ces biomarqueurs sont peu conservés selon les continents.
 
"Nous avons effectué une étude globale qui a permis d’échantillonner des populations de moustiques aussi bien en Thaïlande dans le sud-est asiatique, qu’en Guyane, en Amérique du Sud, ou même au sein des populations africaines. Nous avons constaté que selon les continents, les gènes impliqués dans ces types de résistance et même les mutations qui affectaient ces gènes n’étaient pas les mêmes. Ce mécanisme de résistance par biodégradation dépend assez étroitement de l'environnement dans lequel évoluent les populations de moustiques. Les facteurs de différenciation sont les populations, leur histoire, leur environnement en terme de pression pesticide, la nature des insecticides, etc."

 

Outils de diagnostic

 

Le chercheur explique en outre que jusqu’ici, il était impossible de suivre correctement sur le terrain la résistance par biotransformation, faute de biomarqueurs.

Les recherches ont permis de mettre en évidence de nouveaux biomarqueurs de cette résistance.
 
A présent, l'idée est de développer des outils de diagnostic simples utilisables partout sur le terrain pour la détecter de façon très précoce avant qu’elle ne devienne problématique.
 
"C’est pour pouvoir mieux adapter les stratégies de gestion qui utilisent par exemple des insecticides", explique encore Jean-Philippe David.
 
"On peut changer d’insecticide ou utiliser un insecticide pour lequel on sait qu'il n’y aura pas de résistance, en connaissant les marqueurs qui sont présents dans les populations."
 
Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont initié avec le soutien de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un consortium mondial pour réaliser une cartographie mondiale de la résistance aux insecticides chez les vecteurs de la dengue.
 
Ce consortium regroupe plus de 40 pays partenaires et huit institutions de recherche. Les partenaires proviennent de toute l’aire de répartition des moustiques tigres.