04/03/09

Les bailleurs de fonds doivent contribuer à la mise en place d’un cadre viable pour la recherche

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Pour Berit Olsson, les bailleurs de fonds doivent financer les infrastructures nécessaires à l’amélioration des conditions de la recherche, tout comme les projets de recherche.

Si nous voulons vraiment renforcer les capacités de recherche des pays à faibles revenus, nous devons soutenir et promouvoir des conditions propices à leur développement. Une recherche durable est mieux bâtie sur un fonds solide de disciplines et de structures clés. Et une communauté de chercheurs dynamiques produit non seulement de la recherche, mais transmet aussi les résultats des découvertes scientifiques’ aux décideurs, aux étudiants et à toutes les personnes susceptibles de les utiliser.

Mais la majeure partie des financements de la recherche dans les pays en développement est orientée vers des commandes concernant des domaines précis, auxquels on accorde la priorité en raison de leur capacité à promouvoir le développement, avec des gouvernements et des organismes d’aide extérieure impatients d’obtenir des résultats immédiats

Le financement des activités de base participe au développement des capacités

Dans des pays développés tels que la Suède, les institutions de recherche bénéficient d’un financement de base, en plus des subventions concurrentielles fondées sur l’excellence scientifique. Ce qui favorise l’émergence d’une communauté de chercheurs ingénieuse. De plus, les ministères ou d’autres ‘utilisateurs’ des secteurs public et privé orientent leurs subventions vers des domaines de recherche prioritaires.

La Suède dispose également d’un important secteur de recherche industrielle qui à son tour s’appuie sur des organismes publics de qualité. Le monde industriel apprécie particulièrement la  recherche qui repousse les frontières du savoir. Si le financement de base qu’apporte le gouvernement  devait être supprimé, l’industrie irait investir son budget de recherche à l’étranger.

On peut comparer ce système d’organisation au type de recherche privilégié par les pays à faibles revenus et les organismes de développement. Ce type de recherche implique généralement la présence de  chercheurs issus de pays en développement qui jouissent déjà des compétences requises. En général, le chercheur d’un pays nordique, bénéficiaire d’une subvention de recherche, a le choix  de collaborer, ou pas, avec des chercheurs du Sud à titre personnel, dans la mesure où ils connaissent mieux les réalités et les données locales.

Peut-on dire qu’il s’agit là d’une utilisation efficace des rares ressources? On peut répondre par l’affirmative si l’objectif recherché est l’obtention de résultats à court terme susceptibles de servir immédiatement à des projets de développement.

Le développement des capacités

Qu’en est-il du renforcement des capacités,  parfois cité comme un objectif majeur? L’impact dans les pays à faibles revenus dépend entièrement des capacités institutionnelles en place et des conditions de travail. Si elles sont suffisantes, le chercheur qui collabore au projet et son institution peuvent s’en tirer avec de nouveaux contacts et perspectives. Mais dans la plupart des pays à faibles revenus, où les institutions et les cadres d’activité sont sous-développés, le projet aura un impact insignifiant sur le développement des compétences et pourrait même devenir un obstacle.

A titre d’exemple, c’est souvent les enseignants les plus réputés et les plus importants qui collaborent à des projets financés par des fonds extérieurs. Et vu la rareté des opportunités de financement, ces chercheurs sont tentés d’accepter des projets qui ne relèvent pas de leurs domaines prioritaires. Etant donné que les revenus qu’apportent ce type de projets dépassent de loin le salaire régulier des chercheurs, ils y consacrent plus de temps et d’efforts, parfois au détriment de l’enseignement ou du fonctionnement de leur propre faculté. Par contre, si les ressources étaient directement orientées vers les institutions, en finançant des infrastructures ou des  formations conformément à des programmes votés par les institutions, la communauté des chercheurs en tant que groupe, et non comme individus, en bénéficierait.

Le modèle suédois

L’Agence suédoise de Coopération et de Développement international (SIDA) reconnaît la nécessité d’investir dans au moins une université de recherche dans chaque pays. C’est ainsi qu’elle finance la construction d’infrastructures de base nécessaires à l’amélioration des conditions de travail des chercheurs, notamment des laboratoires, des bibliothèques et du matériel informatique, ainsi que la formation du personnel des universités.

Par exemple, en Ouganda, le SIDA appuie les efforts de l’Université Makerere pour le développement des capacités de formation en matière de recherche, d’amélioration de l’accès aux équipements et aux  logiciels indispensables, la modernisation des infrastructures et l’administration de la recherche. Ce partenariat est basé sur des promesses de financement à long terme sur  une période de 20 à 30 ans. (Voir 'Comment l’Université de Makerere a recouvré son prestige').

La Suède a intégré l’appui à la recherche dans ses stratégies de coopération bilatérale et des conseillers en matière de recherche font partie de ses équipes pour chaque pays. Le financement de la recherche est planifié en tenant compte des stratégies des universités locales pour le développement de la recherche. Par ailleurs, plus récemment, quelques pays se sont lancés dans la promotion de stratégies nationales en tant que cadres de financement. Par exemple, le nouveau ministre mozambicain de la science et de la technologie a mis au point une stratégie de développement de son secteur scientifique. Davantage de gouvernements et d’institutions des pays à faibles revenus doivent lancer des stratégies similaires, afin que les agences de coopération internationales puissent harmoniser le financement de la recherche avec des plans et des objectifs nationaux. .

Que les bailleurs de fonds s’en avisent

Malheureusement, les autres institutions de financement tardent encore à s’impliquer dans l’appui de ces stratégies élargies de développement de la recherche.

Les bailleurs de fonds doivent comprendre la nécessité (et investir en ce sens) de bénéficier de bases saines pour le développement de la recherche. Il faut différents types de financement assimilables au modèle suédois pour le développement des capacités.

Une communauté de chercheurs produit non seulement de nouvelles connaissances scientifiques, mais elle met également à la disposition des décideurs et du public de nombreuses découvertes et innovations internationales. Ces informations sont vitales aussi pour l’élaboration de stratégies locales de développement et l’évaluation de la contribution de l’aide à ces stratégies.

Si les bailleurs de fonds veulent vraiment accorder une place à ‘l’appropriation’ dans le dialogue pour le développement, ils doivent faire du financement des capacités institutionnelles l’un des aspects clés de la coopération bilatérale au développment.

Berit Olsson, ancienne Directrice de l’Agence suédoise de coopération scientifique avec les pays en développement (SAREC).