18/09/12

Droits de l’homme et de la science: une précieuse perspective

Le droit de participer aux bienfaits qui résultent de la science soulève des questions sur les brevets qui limitent l'accès aux vaccins Crédit image: Flickr/Gates Foundation

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La promotion d’une approche des droits de l’homme fondée sur les progrès en S&T renforcera l’évolution vers un développement inclusif. Mais des obstacles à la mise en œuvre demeurent.

Il fut un temps où les débats sur les liens entre la science et les droits de l’homme étaient focalisés sur la détresse de scientifiques individuels, et en particulier sur leurs droits — à la fois en tant qu'êtres humains et en tant qu'intellectuels — à la liberté d'expression.

Dans les années 1970 et 1980, par exemple, des scientifiques dissidents tels que le physicien russe Andrei Sakharov sont devenus les points focaux des manifestations organisées par le mouvement des droits de l’homme en Occident, désireux d’attirer l’attention sur la sévérité avec laquelle le gouvernement de l'Union soviétique traitait ses détracteurs.

Depuis lors, le champ du débat sur la science et les droits de l'homme s'est considérablement élargi.

Une orientation a été l'utilisation de la technologie pour fournir des preuves de violations des droits de l'homme — par exemple, l'utilisation par Amnesty International de l’imagerie satellitaire'sophistiquée pour documenter des exécutions illégales et la destruction de villages lors des conflits au Moyen-Orient et au Soudan.

Une tendance tout aussi importante, cependant, a été l'intérêt croissant pour la promotion de l'idée selon laquelle la jouissance des fruits des connaissances scientifiques est un droit de l’homme fondamental, et la façon dont ce droit peut être mis en œuvre dans le contexte du développement économique et social.
 

Les yeux fixés sur les droits de l'homme


Cette semaine, nous publions une série d'articles mettant en lumière une pensée émergente au sujet de l'impact potentiel d’une approche fondée sur les droits de l’homme de la science dans le développement et les défis auxquels elle est confrontée.

Dans un article de synthèse, S. Romi Mukherjee, maître de conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris et au Centre de l'Université de Chicago, à Paris, qui fut le conseiller de rédaction sur le projet, souligne comment une approche fondée sur les droits de l’homme croise les débats sur la science et technologie (S&T) et le développement.

Dans un article de fond complémentaires, Jan Piotrowski s’adresse à certains de ceux qui cherchent à mettre en œuvre cette approche fondée sur les droits, en particulier au sein des agences des Nations unies telles que l'UNESCO et l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ainsi que de l'Association américaine pour l'avancement des sciences ( AAAS).

Trois articles d'opinion plaident pour l’utilisation en faveur d'une approche fondée sur les droits de l'homme dans des domaines spécifiques de la science et de l'agenda du développement

Bhavani R.V., directeur de la Fondation de recherche M.S. Swaminathan, en Inde, soutient qu'une telle approche peut aider à protéger les droits des populations vulnérables à travers un engagement à soutenir la responsabilité scientifique sur une gamme de questions, allant des cultures génétiquement modifiées à la recherche sur les maladies négligées.

Simon Caney, professeur de politique et relations internationales à l'Université d'Oxford, au Royaume-Uni, souligne la façon dont un cadre des droits humains peut traiter les questions éthiques soulevées par les défis des changements climatiques et leurs implications pour la politique climatique.

Jessica Wyndham, une avocate des droits de l’homme en service à l'AAAS, aux États-Unis, aborde la manière dont un cadre des droits peut être utilisé pour concevoir, mettre en œuvre, contrôler et évaluer des programmes de développement, et soutient que les gouvernements et les autres parties prenantes sont responsables de la mise en pratique de ces principes.
 

Pas de réponses faciles


Dans un sens purement formel, une approche de la science pour le développement fondée sur les droits de l’homme a vu le jour il y a longtemps. La Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'ONU en décembre 1947, contient un article disposant que toute personne a le droit "de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent".

Cependant,  malgré toutes ces déclarations d'intention formulées de façon générale, un écart important subsiste entre l'engagement et la mise en œuvre. En outre, il n'y a pas de solutions rapides ou faciles aux questions soulevées par la mise en œuvre du droit de participer aux bienfaits qui résultent de la science.

Comment, par exemple, est-elle liée aux lois sur la  propriété intellectuelle, établies de façon explicite pour imposer des restrictions et des conditions aux personnes qui peuvent accéder aux fruits des innovations telles que les vaccins?

Etant donné que l'idée de l'universalité des droits de l'homme est en grande partie un produit de l’esprit éclairé des européens, dans quelle mesure ses hypothèses et conclusions sont-elles valides dans un contexte non occidental reposant sur des valeurs culturelles différentes?

Qu’est-ce qui constitue un "mauvais usage" de la science, et qui est qualifié pour porter un tel jugement?

Et, peut-être plus important encore, qu'est-ce qu'une approche de la science fondée sur les droits de l’homme ajoute aux efforts déjà en cours pour injecter de la science dans le processus de développement?
 

Un impératif moral


Ce qui ressort clairement des contributions à ce Dossier est que les questions soulevées par une approche de la science dans le développement fondée sur les droits de l’homme ne sont pas particulièrement nouvelles, ni même propres à cette approche. Bon nombre d'entre elles sont largement abordées sans nécessairement invoquer un appel aux droits de l'homme.

Mais il est également clair qu’une approche fondée sur les droits de l’homme ajoute une dimension morale à ces débats qui peuvent aider à accentuer la pression sur les institutions et les gouvernements — ainsi que sur les individus de temps en temps – pour qu’ils agissent de façon responsable, par exemple, dans l'intérêt du développement durable.

Et lorsque l'impératif moral est implicite dans les efforts visant à protéger et promouvoir le bien-être par rapport à d'autres aspirations, telles que le lucre privé, la question devient celle de savoir comment renforcer cet impératif en faisant des droits de l'homme une approche plus explicite.

Elle peut, par exemple, constituer un levier que les critiques des politiques gouvernementales ou institutionnelles peuvent utiliser pour légitimer des demandes d’un plus grand accès du public aux bienfaits de la science, et de protection contre ce qui peut être considéré comme ses abus (par exemple, le développement d’armes chimiques ou biologiques).

Personne ne prétend qu’une approche fondée sur les droits offre des solutions instantanées.

Il existe de nombreux autres facteurs à prendre en considération, en  particulier l'opposition politique — par exemple, par les droits de brevet — de ceux qui sentent que leurs intérêts sont menacés.

Néanmoins, comme le démontre notre couverture, une telle approche a le potentiel d'aider à garantir une approche globale du développement durable fondée sur la science qui assure à la fois un engagement pour la pleine utilisation bénéfique de la science, et la protection contre son potentiel mauvais usage.

En tant que tel, elle ne peut qu'être saluée.
 

David Dickson

Le présent article fait partie d'un Dossier sur Liens entre droits de l’homme, science et développement.