04/04/13

Analyse : le continent doit soutenir la recherche sur la tuberculose

TB Researchers
Crédit image: Flickr/US Army Africa

Lecture rapide

  • Les chercheurs sud-africains retournent aux opportunités locales pour étudier la tuberculose
  • Les organismes de recherche internationaux sont attirés par les lois favorables et les universités de qualité
  • Les pays africains doivent financer les infrastructures pour les essais cliniques

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Dans l'Afrique du Sud d'il y a vingt ans, les emplois dans le domaine de la recherche étaient inexistants pour les sud africains comme Dereck Tait, qui travaillait alors dans l'industrie pharmaceutique au Royaume-Uni.

Mais l'année dernière Tait est rentré au pays pour devenir le directeur de développement clinique pour le bureau africain de Aeras, une organisation à but non lucratif qui travaille sur les vaccins contre la tuberculose (TB). Depuis Le Cap, Tait dirige un projet qui doit commencer cette année pour tester l'efficacité d'un nouveau vaccin (M72/AS01E) au Kenya, en Afrique du Sud et en Zambie.

"Beaucoup plus d'argent est investi aujourd'hui dans la recherche", se félicite-t-il.

Tait n'est pas le seul chercheur sur la tuberculose à être retourné en Afrique du Sud ces dernières années. Ce pays affiche l'un des taux les plus élevés de cette maladie dans le monde et la résistance aux médicaments y est très répandue, ce qui en fait un environnement idéal pour la recherche scientifique.


Willem Hanekom, un autre sud-africain, a pour sa part été formé et a travaillé aux États-Unis avant de revenir en 2005 pour devenir le directeur de l'Initiative sud-africaine pour un vaccin contre la tuberculose (SATVI), à l'Université du Cap. Son université a accueilli le troisième Forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose les 25–27 mars derniers — la première fois que la réunion était organisée en Afrique.

Et l'an dernier, l'Institut médical Howard Hughes a ouvert les portes de son nouveau centre de recherches sur la tuberculose et le VIH au KwaZulu-Natal (K-RITH) à Durban, sur la côte est du pays. Il s'agit là du premier laboratoire de cet institut situé hors des États-Unis.
 

Une recherche moderne


Ces chercheurs ne se consacrent pas uniquement à des essais cliniques. Ainsi, K-RITH et SATVI mènent également des recherches à un niveau d'avant-garde qu'on ne trouvait principalement, jusqu'à tout récemment, qu'en Amérique ou en Europe.

L'intérêt croissant chez les organismes de recherche internationaux et les bailleurs de fonds à localiser une plus grande partie de leurs activités en Afrique est une grande opportunité pour le continent. Mais pour en tirer profit, les gouvernements africains doivent investir dans l'infrastructure de base nécessaire pour faire la science.

Ce n'est pas seulement le fardeau de la maladie qui rend l'Afrique du Sud attrayante pour les chercheurs sur tuberculose ; les universités y sont bien dotées en ressources, les routes bonnes et des lois relativement favorables à la recherche. Le gouvernement sud-africain a pris part à la création de ces conditions favorables pour les investissements. Pourtant, il pourrait faire plus encore.

Le pays dépense près de US$ 600 millions par an pour le traitement et la prévention de la tuberculose. Or à titre de comparaison, ses dépenses de recherche et développement (R&D) sur la maladie sont dérisoires, selon les conclusions d'une étude menée par David Walwyn, un expert en gestion des technologies à l'Université de Pretoria, en Afrique du Sud, publiée cette année dans le journal Health Research Policy and Systems. [1]

Walwyn affirme que le gouvernement sud-africain devrait stimuler ses dépenses annuelles de R​&D sur la tuberculose, pour les faire passer des US$ 3 millions à l'heure actuelle à plus de US$ 90 millions. Ce pays récupérerait cet investissment et beaucoup plus encore, soutient-il, en disposant de traitements plus efficaces et moins coûteux, en profitant des gains générés par de nouveaux médicaments et par la création d'emplois dans les industries chimique, pharmaceutique et des soins de santé.
 

Les investissements seront payants


Il n'est pas tout à fait réaliste de s'attendre à ce que le gouvernement sud-africain porte son budget de R&D sur la tuberculose aux niveaux que suggère Walwyn. Toutefois, même une petite augmentation pourrait faire avoir un impact.

L'investissement dans les infrastructures d'essais cliniques devrait constituer une priorité pour le pays. Dans le passé, des organismes comme Aeras créaient leurs propres sites d'essais, à les entretenir — ainsi que les dizaines de personnes y travaillant — pendant les 'temps morts' entre les différents projets. Aujourd'hui, Aeras a mis fin à cette pratique, avec pour conséquence un effritement de l'expertise après chaque projet.

Dans le même temps, la demande de sites d'essais cliniques est en très forte augmentation. Non seulement en ce qui concerne la tuberculose, mais aussi bien dans d'autres domaines de recherche, dont le paludisme et le VIH/SIDA. Certains chercheurs participant au forum mondial sur le vaccin antituberculeux le mois dernier ont fait part de leur inquiétude quant à la pénurie de sites.

Le gouvernement sud-africain devrait investir plus d'argent dans la viabilité à long terme des sites d'essais cliniques du pays. Il est également nécessaire de coordonner les recherches sur les différentes maladies, de sorte que les sites d'essais puissent être utilisés par d'autres projets et les temps morts évités.

Il en va de même pour le reste de l'Afrique. Les investissements dans les infrastructures physiques comme les routes, la connectivité Internet et l'approvisionnement en électricité s'améliorent rapidement dans de nombreuses villes africaines.

A l'instar de l'Afrique du Sud, d'autres pays ont tout à gagner d'un renforcement de leurs capacités d'accueil de la recherche clinique, ce qui leur permettrait de profiter du flux d'expertise et de financement de la recherche provenant du Nord et des économies émergentes comme la Chine et l'Inde.
 

Un véritable partenariat


Dans le passé, ces investissements sont arrivés sous forme de 'science parachutée', les bailleurs ou les instituts de recherche étrangers utilisant des chercheurs locaux à court de liquidités dans leurs projets comme de simples agents de collecte d'échantillons ou des assistants terrain.

Mais des initiatives comme K-RITH semblent indiquer que le temps de la science parachutée est révolu. Les investissements sont désormais accompagnés d'une réelle volonté de renforcer les capacités de recherche locales de recherche en partenariat avec des institutions africaines.

Cela étant, les pays africains n'en profiteront que s'ils créent des conditions favorables à l'épanouissement de la recherche, comme des possibilités claires de carrière pour les universitaires locaux dans les instituts et les universités, financés par des fonds nationaux.

Ce serait une grosse erreur de la part des gouvernements africains que de considérer l'afflux de financements internationaux en faveur de la recherche clinique sur le continent comme les déchargeant de cette responsabilité.

Références

[1] Health Research Policy and Systems doi: 10.1186/1478–4505–11–10 (2013)