07/09/10

Analyse islamique : Comment promouvoir la collaboration scientifique

Crédit image: Flickr/PhareannaH[berhabuk]

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Pour Athar Osama, la coopération scientifique dans le monde islamique nécessite des financements plus sûrs mais aussi un ensemble de projets attrayants.

La coopération scientifique entre les pays islamiques a de piètres résultats, qui s'expliquent par la pénurie de ressources et le manque de volonté politique en matière d'investissements. Les rares pays qui ont beaucoup investi ces dernières années – l'Iran, le Pakistan, le Qatar et l'Arabie saoudite – ont choisi de travailler avec des pays scientifiquement avancés dans le cadre des collaborations Nord-Sud, dont les profits tirés de ces partenariats sont plus avantageux qui leur permettent de tirer des  profits plus avantageux que dans le cadre de partenariats conclus entre eux.

Mais la nécessité d'une coopération Sud-Sud devient de plus en plus évidente, en particulier sur des problèmes communs, tels que les maladies tropicales, l'agriculture ou les menaces venant des changements climatiques, qui sont particuliers au monde en développement ou auxquels le Nord accorde une faible priorité.

Le 21 juin, un groupe restreint de pays membres de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) s'est réuni à Djeddah, en Arabie saoudite, pour finaliser les modalités régissant la mise en place de la nouvelle Organisation de l'innovation scientifique et technologique(STIO).

Son lancement étant prévu l'année prochaine, la STIO sera chargée du renforcement des capacités scientifiques et de la collaboration dans le monde islamique. Si elle parvient à initier une réelle collaboration au sein de l'OCI, elle pourrait contribuer à créer un groupe de scientifiques qui aura suffisamment de volonté pour s'attaquer à certains des problèmes de la région.

Mais dans son empressement à recruter des membres et à réunir un budget suffisamment important, la STIO a, de manière prématurée,  accepté des compromis sur la façon dont ses fonds seront administrés. A moins que ses fondateurs ne lancent rapidement des programmes construits et cohérents, ces compromis pourraient saper l'efficacité de l'ensemble de l'entreprise.

Paralysie

L'idée de créer une organisation pour encourager la coopération scientifique et le renforcement des capacités dans le monde islamique n'est pas nouvelle. En effet, le Comité permanent pour la coopération scientifique et technologique (COMSTECH) de l'OCI promeut le renforcement des capacités scientifiques individuelles et collectives depuis 1981.

Le Comité fonctionne cependant grâce à des dons volontaires (mais l'adhésion est obligatoire) et avec un mandat de conseil et non de mise en oeuvre des politiques, le COMSTECH a été paralysé dans ses tentatives d'impulser des changements significatifs.

Incapable de réunir les ressources dont il avait besoin pour soutenir ses aspirations, il s'est en grande partie limité à travailler en partenariat avec des organisations mieux financées, comme la TWAS (Académie des sciences pour le monde en développement), la Banque islamique de développement et l'OMS.

Budget plus important

Ceux qui mettent en place la STIO ont de toute évidence tiré des leçons de l'expérience du COMSTECH. Ainsi, contrairement au COMSTECH, les contributions financières aux programmes de la STIO – qui sont plus importantes que celles faites au COMSTECH – sont obligatoires pour tous les membres, bien que l'adhésion soit volontaire.

En outre, la STIO est spécifiquement chargée de mettre en œuvre des programmes approuvés, et non pas seulement de  fournir des conseils sur les schémas politiques. Ces programmes devraient comprendre la création de centres d'excellence régionaux, la mise sur pied de programmes d'établissement de liens en matière de recherche et la mise en œuvre d'initiatives de développement des ressources humaines.

Atta-ur-Rahman, le directeur général de la STIO, est persuadé que son organisation réussira là où celle qui la précède a échoué. Plus de 20 pays ont adhéré à la STIO depuis l'ouverture de l'adhésion en février, dit-il.

Lors d'une récente réunion consacrée au budget, les membres de la STIO ont convenu d'un projet de budget annuel de US$ 70 millions, dont près de US$ 20 millions ont déjà été promis par quatre membres fondateurs. Si la STIO se rapprochait de cet objectif, elle bénéficierait de plus de moyens que le Comité qui l'a précédé.

Perte de la maîtrise

Mais la STIO a été contrainte de faire de grosses concessions en échange de ces fonds. En particulier, elle a dû accepter que ses membres gardent jusqu'à 90 pour cent de leurs contributions dans leur propre pays, qu'ils dépenseront comme il le voudront. En conséquence, les pays jouiront d'une grande latitude pour investir l'argent qu'ils promettent à la STIO sur tout projet qu'ils jugent approprié, tant qu'il est coordonné par le secrétariat de la STIO.

Jusqu'ici, la seule exigence de la STIO était la conformité des projets avec la vision 1441de l'OCI — un ensemble d'objectifs à l'horizon 2020 dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la science et la technologie – et de son Plan d'action scientifique et technologique.

"Le facteur décisif qui a permis de sceller l'accord réside dans la volonté de laisser les membres de la STIO garder l'argent dans leurs pays respectifs", affirme Atta-ur-Rahman. C'est le slogan "votre argent pour votre développement", explique-t-il, qui a finalement convaincu de nombreux pays membres d'adhérer.

Mais cette approche fondée sur la non-intervention pourrait limiter l'impact potentiel de la STIO. Cela signifie que la STIO ne peut pas, à ce stade, garantir d'importantes contributions à un ensemble de programmes de recherche collaborative approuvé.

Les pays sont encouragés à trouver des fonds additionnels pour soutenir des projets de la STIO, mais cette organisation est incapable d'empêcher les différents pays de détourner des fonds de leurs budgets scientifiques actuels.

Projets séduisants

Pour se prémunir contre ces écueils, une politique créative et une conception des programmes seraient nécessaires. Les membres de la STIO doivent en effet trouver des programmes à la fois séduisants et utiles — ils doivent accomplir des progrès importants et concrets qui permettraient de réaliser les objectifs de développement scientifique et socio-économique des pays membres.

Mais nul ne sait s'ils le souhaitent vraiment, principalement parce que les projets eux-mêmes ne sont pas définis. Les dirigeants de l'organisation, soucieux de préserver le délicat consensus qu'ils ont laborieusement forgé, sont prudents dans leurs engagements. Atta-ur-Rahman poursuit en ces termes : "Nous voulons démarrer de façon modeste mais progresser conformément à nos capacités — sans prendre trop d'engagements",

Jusqu'à présent, les dirigeants de la STIO et ses architectes ont accompli un réél travail dans la mise en place d'un noyau central de scientifiques qui impulsera un mouvement de coopération scientifique au sein de l'OCI. Les fonds dont ils disposent leur permettraient d'avoir un impact réel. Mais pour être efficaces, ils doivent à présent trouver des programmes et des projets convaincants et attrayants.

 

Athar Osama, basé à Londres, est un chercheur spécialisé dans les politiques scientifiques et d'innovation et un consultant et fondateur de Muslim-Science.com. Il est le directeur pour le Moyen-Orient et l'Asie d'une entreprise internationale de conseil  en commercialisation des technologies, mise en œuvre et nouvelles entreprises, et chercheur en résidence au Pardee Centre for Study of Longer Range Future, à l'Université de Boston.