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Une étude internationale impliquant plus de 600 personnes  oeuvrant pour l'intégration de la science dans les politiques de développement vient de confirmer le rôle des organisations « intermédiaires» dans  l'amélioration de la communication entre chercheurs et décideurs.

Cette étude , réalisée à la demande du Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net) et publiée la semaine dernière (22 août), identifie les obstacles à la mise en place d'un système de communication efficace, et notamment une compréhension insuffisante des questions scientifiques par les hommes politiques et les difficultés d'accès à l'information scientifique en temps voulu.

Mais elle révèle également  une plus grande volonté des scientifiques du monde en développement de se poser en  défenseurs de la cause scientifique lors de débats politiques contrairement à leurs homologues des pays développés– par exemple, sur des questions telles que la production alimentaire ou la protection de l'environnement.

Le rapport final montre que les chercheurs  des pays en développement accordent plus d'importance à l'implication des pouvoirs publics dans  le domaine scientifique  en rendant l'interface entre chercheurs et hommes politiques plus efficace.

Une institutionnalisation insuffisante

Cette étude fait partie d'un projet de recherche commandé l'an dernier par le Réseau Sciences et Développement auprès de l'institut britannique Overseas Development Institute (ODI), avec le soutien financier du Département pour le Développement international du Royaume-Uni (DFID).

Cette enquête, réalisée en ligne, a recueilli les avis des chercheurs, intermédiaires et décideurs politiques impliqués dans  le dialogue entre la science et la politique.

Cette enquête est fondée sur une analyse de  travaux antérieurs qui résument l'état actuel de la réflexion sur les relations complexes entre la science et la responsabilité politique, et identifie certaines des tensions susceptibles d'être générées par ces relations.

Ce travail a été complété par des études de cas menés dans des pays aussi différents que le Cambodge et le Ghana, et par de longs entretiens téléphoniques avec des acteurs clés tant dans les pays en développement que dans les pays développés.

La principale conclusion qui ressort de cette enquête démontre que  « la communication de l'information scientifique utilisée à des fins politiques,  fondées sur des faits, est peu institutionnalisée dans le monde en développement ». 

Harry Jones, Nicola Jones et Cora Walsh, les auteurs de cette étude, pensent que « les décideurs politiques et les acteurs du développement seraient en mesure de tirer un meilleur parti des découvertes scientifiques si les chercheurs s'engageaient plus ouvertement dans les implications politiques de leurs travaux et présentaient  différentes options politiques ».

Des mécontentements

Parmi les 600 personnes qui se sont prêtées à cette enquête, 46,7 pour cent sont des chercheurs, 34,7 pour cent se déclarent intermédiaires dans le domaine du savoir, et 18,3 pour cent sont des décideurs. Presque deux tiers des sondés (63,9 pour cent) proviennent de pays en développement.

Parmi les personnes interrogées, un grand nombre a fait part de son mécontentement concernant le  faible degré d'importance des faits scientifiques et technologiques dans la prise de décision politique. Soixante pour cent des intermédiaires partagent cet avis, ainsi que 54 pour cent des chercheurs et 42 pour cent des décideurs.

La non maîtrise des questions scientifiques par les décideurs a été identifiée  par 64 pour cent des sondés comme étant le principal obstacle à la prise en compte de l'information scientifique dans la prise de décisions.

Les autres facteurs communément cités sont l'étroitesse d'esprit des hommes politiques et leur manque de disposition à s'ouvrir à des idées extérieures (61 pour cent), la faible diffusion des résultats des recherches (51 pour cent) et l'absence d'incitations en matière de prise en compte de l'information scientifique dans les décisions politiques.

Un nombre bien plus important  de sondés dans les pays en développement  se dit préoccupé par ces obstacles.

"Ces problèmes d'ordre systémique nécessitent une approche holistique et coordonnée de la part des gouvernements,  mais aussi des acteurs internationaux et des acteurs non gouvernementaux," précisent les auteurs.

Le plaidoyer

Un écart considérable entre pays développés et pays en développement a été constaté sur la question  relative au rôle des chercheurs, à savoir si ces derniers  doivent être considérés comme des pourvoyeurs neutres d'information, ou  agir  comme des défenseurs de la science en proposant des options politiques et en faisant du lobbying pour que leurs propositions soient retenues.

Un nombre égal de sondés dans les pays développés et les pays en développement ont déclaré que les chercheurs doivent se limiter à fournir l'information scientifique sur les résultats de leurs travaux (respectivement 17 pour cent et 14 pour cent).

Mais  presque trois fois plus de sondés des pays en développement estiment que les chercheurs doivent, outre la présentation des résultats de leurs recherches, également  faire des propositions politiques aux décideurs (43 pour cent contre 13 pour cent pour les pays en développement).

Les décideurs politiques ont également exprimé un grand intérêt pour l'amélioration de l'accès aux conseils des experts scientifiques lorsque l'intérêt politique des résultats de leurs travaux l'exige. Selon les chercheurs de l'ODI, « il s'agit d'un appel pour un meilleur engagement et une meilleure applicabilité des résultats des travaux aux préoccupations d'ordre politique".

Les personnes sondées ont également été interrogées sur leur niveau de satisfaction quant à la disponibilité de l'information scientifique et technique dans certains domaines. Le plus haut niveau d'insatisfaction (43 pour cent) a été enregistré sur les connaissances locales, suivies de la fuite des cerveaux (28 pour cent).

En revanche, 47 pour cent se sont déclarés satisfaits de la quantité d'informations disponibles sur les changements climatiques, et ce malgré la déception de 28 pour cent des sondés sur ce même point.

Concernant les technologies de l'information et de la communication, 43 pour cent des sondés se sont dits satisfaits de l'information à laquelle ils ont accès contre 14 pour cent d'insatisfaits.

L'implication du grand public est « essentielle »

Les sondés ont également été interrogés sur le type de services qui pourrait contribuer à l'amélioration  de leur engagement avec la communauté des chercheurs. La plupart se sont dits favorables  à des échanges d'idées avec les chercheurs (67 pour cent), suivies des opportunités d'interactions à titre personnel.

Peu d'importance a été accordée aux forums et discussions en ligne, bien que ces activités aient été jugées comme  « très importantes »par un tiers des sondés.

Une différence significative a été constatée chez les  sondés qui pensent que l'augmentation de la participation d'un public scientifique informé permettrait une évolution positive de la situation.

Seulement 30 pour cent des personnes interrogées dans les pays développés reconnaissent qu'une meilleure connaissance des questions scientifiques et technologiques du grand public est « cruciale » pour une évolution positive. Mais dans le monde en développement, ce pourcentage est beaucoup plus élevé, soit 49 pour cent.

Les auteurs du rapport pensent que, " la volonté de s'impliquer, le désir de débattre, de participer, de donner son avis et de conseiller , conjugués à  une demande d'information localement différenciée sont autant de solutions prometteuses ».

Cependant, ils  nuancent leur optimisme. « Bien que l'engagement, le débat, la participation et les conseils représentent des opportunités non négligeables, ils doivent être  abordés dans le cadre d'une stratégie,  de manière réaliste et tenir compte du pouvoir et   des questions politiques générés par des contextes spécifiques ». 

Lien vers le rapport complet [1.35MB]