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Le retard pris dans la mise en oeuvre du plan d’action de l’Afrique pour la science et la technologie témoigne de l’insuffisance de l’engagement nécessaire.

Il y a deux ans, un large groupe de ministres africains de la science et de la technologie, réunis à Dakar, au Sénégal, a dévoilé un Plan d’action consolidé (PAC) – une annonce qui a suscité un élan d’optimisme et d’enthousiasme. Ce plan consiste en une feuille de route pour améliorer les infrastructures scientifiques et technologiques du continent (voir l’article Donor nations pledge support for African science).

Le coût total des projets envisagés, soit US$ 160 millions sur cinq ans (réévalué depuis à US$ 200 millions), est largement inférieur au montant estimé par la Commission pour l’Afrique. Néanmoins, le lancement du PAC suscita l’espoir fut que le plan serve à la fois de force d’attraction pour obtenir de nouveaux financements, et de mécanisme de coordination pour assurer l’harmonisation des investissements effectués par les pays africains eux-mêmes, évitant ainsi tout double emploi.

Deux ans plus tard, cet enthousiasme commence à s’émousser. Un fort sentiment de frustration causé par les retards dans la mise en œuvre du PAC aurait dominé l’atmosphère de la troisième Conférence des ministres africains de la science et de la technologie (AMCOST III) qui s’est tenue à Mombasa, au Kenya, il y a deux semaines. La participation de moins de la moitié des ministres africains de la science – sur un total de plus de 50 ministres invités – a été qualifiée de "catastrophe" par un homme politique africain.

C’est là un jugement trop sévère. La participation à ce type de rencontre par des fonctionnaires de rang moyen est toute aussi importante pour l’exécution d’un tel programme. Cette participation est le reflet favorablement d’un regain d’intérêt pour la science sur le continent africain.

Toutefois, il subsiste un écart considérable entre les attentes initiales ambitieuses suscitées par ce plan et les réalisations accomplies jusqu’à ce jour. A Mombasa, le consensus semblait attribuer une grande part du blâme à l’ensemble des gouvernements africains.

La recherche hydrologique

Malgré la mise en œuvre incomplète du PAC dans sa globalité, on note des progrès significatifs réalisés dans des composantes individuelles du plan, et ce dans diverses régions. En Afrique de l’Est, par exemple, le gouvernement canadien appuie la mise en place d’un réseau de centres d’excellence en biosciences et offre des bourses de maîtrise aux étudiants africains.

Grâce à l’aide du gouvernement français, le bureau de la science et de la technologie du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), l’un des principaux architectes du PAC et conseiller technique en soutien à l’AMCOST, a pu évaluer les besoins en recherche hydrologique. Il est vivement souhaité que la France acceptera de soutenir un réseau consacré aux sciences de l’eau semblable à celui consacré aux biosciences.

Mais ces initiatives auraient très probablement pris leur envol même en l’absence du PAC. En outre, chaque initiative dépend fortement – sinon totalement – du financement de bailleurs étrangers, malgré les prétentions de certains pays africains qui se disent souhaiter ne pas bénéficier d’une telle aide.

Par ailleurs, le fait que les donateurs choisissent de continuer à travailler dans un cadre bilatéral jette le doute sur la faisabilité d’une approche multilatérale.

Des tensions persistantes

Il y aurait plusieurs raisons qui expliquent le retard enregistré dans la mise en œuvre du PAC.
D’une part, dans plusieurs pays africains, la communauté politique n’a pas encore pris conscience de la nécessité d’un engagement prioritaire en faveur de la science et de la technologie.

Il est facile de convaincre les ministres chargés de la science de la nécessité d’accroître les investissements. En revanche, il est plus difficile de persuader les ministres des finances – qui sont confrontés à de nombreuses sollicitations similaires – et dont l’absence était notoire au sommet de l’UA. En effet, l’un des plus gros défis que les pays africains doivent relever ne relève pas autant de la structuration de leurs ministères de la science que de la capacité de ces départements à faire peser une certaine influence sur les cordons de la bourse.

Une seconde explication, d’autre part, serait liée aux tensions qui persistent entre la Commission de l’Union africaine, l’organe exécutif de l’Union, et les pays membres de l’AMCOST. A Mombasa, ces tensions ont refait surface lorsqu’il a été suggéré que la portée du mécanisme de financement proposé pour les projets du PAC – le Fonds africain pour la science et l’innovation (ASIF) – soit étendue à l’éducation.

L’absence d’un accord sur le fonctionnement de l’ASIF – une décision déjà différée lors du sommet de l’UA – est devenue en soi une source majeure de frustration. La conférence de Mombasa a conclu qu’une nouvelle étude serait effectuée pour déterminer la meilleure voie à suivre. Voilà une décision assez raisonnable. Mais il reste à démontrer si cela apportera du nouveau, une étude similaire ayant été réalisée il y a seulement deux ans, ou même si le projet de l’ASIF survivra dans sa forme actuelle.

La tension née à Mombasa entre la Commission de l’UA et le bureau de la science du NEPAD, les deux institutions prétendant jouir des prérogatives de collecte d’indicateurs scientifiques et technologiques, est tout aussi dommageable.

D’importants engagements

Un leadership ferme est maintenant nécessaire si l’on veut que l’ASIF voie le jour sous une forme qui réponde aux besoins collectifs des Etats africains. Mais ce leadership se doit d’être sensible aux positions des différents pays sur la question, même s’il est impossible de satisfaire les volontés de tous.

Il est tout aussi important que les pays africains prouvent qu’ils sont prêts à soutenir les engagements politiques de leurs chefs d’Etat, en débloquant des moyens financiers en conséquence.

Des engagements significatifs de la part de quelques pays d’Afrique témoigneraient de leur volonté de joindre l’acte à la parole.

La prise de tels engagements devrait être facilitée par la tendance vers la "domestication" du PAC, qui a fait l’objet de vifs débats à Mombasa. En effet, plus les pays seront convaincus que les projets et programmes du PAC contribuent à la satisfaction de leurs besoins nationaux et régionaux, mieux ils seront disposés à y investir.

Malgré les financements bilatéraux – le scénario le plus plausible pour l’avenir proche – et malgréla plus grande place accordée aux priorités nationales et régionales, il est crucial de ne pas réduire l’impact global du projet de PAC dans sa totalité.

Cela nécessitera non seulement un leadership politique au plus haut niveau mais aussi une volonté de collaborer parmi les officiels occupant les rangs intermédiaires, à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement. Les défis à venir restent énormes.

David Dickson

Directeur du Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net)