29/06/12

Après Rio+20, l’initiative revient aux pays en développement

Le leadership des pays en développement sera capital pour le développement durable Crédit image: Shutterstock

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Le Sommet de la semaine dernière a confirmé que les objectifs de développement durable ne seront atteints en l'absence d'une direction politique des pays en développement.

Il y a deux ans et demi, la conférence de Copenhague (COP15) s’est soldée sur un profond désaccord très médiatisé entre pays développés et pays en développement sur les mesures à prendre pour enrayer le réchauffement climatique.

La conclusion de la conférence a ainsi fortement embarrassé le pays hôte, le Danemark.

Dès l’ouverture des négociations de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (baptisée Rio+20) organisée à Rio de Janeiro au Brésil la semaine dernière, le gouvernement brésilien voulait à tout prix éviter un échec similaire.

La détermination du Brésil aidant, le sommet s’est soldé sur un accord entre les 188 pays participants sur un document final constitué d’aspirations et d’exhortations évoquant la nécessité de passer à un modèle de développement économique et social plus durable ; or, aucun engagement ferme sur les difficiles mesures à prendre pour à atteindre cet objectif n’est spécifié.

Un tel résultat, sans surprise, ne satisfait aucune des parties prenantes (sauf le pays hôte).

Pourtant, le fait que la conférence ait insisté sur les réalités politiques à l’origine de l’échec de la conférence de Copenhague et que Rio+20 a pu esquiver constitue un grand pas en avant.
 

Montrer l’exemple


Plus que jamais, Rio a montré que la clé de la transition vers le développement durable ne réside pas dans les arguments logiques, aussi passionnément soient-ils évoqués, avancés par les partisans du changement dans le monde développé, parmi lesquels figurent les communautés scientifiques.

Plutôt, la solution nécessite un mélange de volonté politique et d’imagination dans le monde en développement, et notamment de la part des économies émergentes comme le Brésil, la Chine et l’Inde.

À Rio, ces pays ont très légitimement rappelé que l’engagement de la communauté internationale d’effectuer une transition vers des ‘économies vertes’ n’est valable que s’il s’accompagne d’un transfert significatif de ressources financières et techniques du Nord vers le Sud.

Ils soutiennent qu’un tel transfert viendrait compenser le fait que le réchauffement climatique est le résultat des modèles de consommation du Nord.

De plus, les économies émergentes, et la Chine en particulier, prennent conscience qu’il est dans leur intérêt de passer à un modèle de développement durable.

Il leur faut faire face à des problèmes environnementaux internes, de la pollution de l’air à la multiplication des inondations dues aux  changements climatiques, autant de conséquences inacceptables de la croissance économique.

En même temps, grâce à un mélange d’ingéniosité technique et des coûts de main-d’œuvre faibles, ces pays sont bien placés pour devenir les principaux producteurs de technologies durables pour le reste du monde, comme la Chine l’a déjà démontré, par exemple, en exportant vers l’Afrique des technologies de production d’énergie solaire.
 

Mobiliser la base


Les organisateurs de Rio+20 ont tenu à souligner que même si les travaux formels de la conférence ont été décevants, cet échec a été partiellement compensé par les nombreuses opportunités de réseautage offertes aux acteurs du développement durable lors de la conférence.

A la fin du sommet, plus de 700 promesses, évaluées à plus de US$ 500 milliards, ont ainsi été enregistrées en vue d’actions concrètes à mener, par exemple, par les institutions ou des accords de partenariat.

Chacune de ces promesses se doit d’être accompagnée d’objectifs mesurables suivant un calendrier précis. Elles constituent la preuve d’un engagement considérable de la communauté internationale en faveur du développement durable, même si les dirigeants politiques n’ont pas fait de promesses de transfert de ressources.

Ce résultat semble confirmer le point de vue défendu par certains depuis longtemps : à savoir que des économies véritablement durables ne peuvent être construites qu’à partir de la base, avec la participation des communautés et d’autres intervenants concernés.
 

Le pouvoir des lobbys


Si de telles initiatives locales ou bénévoles sont une condition essentielle de la transition vers le développement durable, elles ne suffisent pas.

Elles ne tiennent notamment pas compte du fait que les orientations et composantes essentielles de la croissance économique, comme la dépendance continue à l’égard de sources d’énergie non renouvelables soutenues par de généreuses subventions, sont décidées au sommet, et non à la base de l’échiquier politique.

Qui plus est, sans un cadre politique global garantissant la cohérence des actions individuelles, chaque intervenant restera toujours forcément motivé principalement par ses propres intérêts égoïstes (ou ceux de ses membres ou actionnaires), plutôt que par un engagement en faveur du bien commun.

Ainsi, plusieurs des 700 promesses enregistrées à Rio sont des engagements pris par des entreprises soucieuses de redorer leur blason et d’afficher des préoccupations et une image ‘vertes’.

Ironiquement, l’ancienne Première ministre norvégienne Gro Harlem Bruntland, présidente de la Commission Bruntland qui a été la première à utiliser l’expression de ‘développement durable’ dans les années 80, a accusé les lobbyistes des entreprises privées d’être en partie responsables du résultat décevant des négociations formelles de Rio+20. [1]
 

Préparer l’avenir


Les réunions scientifiques organisées en prélude à Rio+20, notamment la conférence Planet Under Pressure (planète sous pression en anglais) de Londres au mois d’avril, et le Forum sur la science, la technologie et l’innovation pour le développement durable organisé à Rio il y a deux semaines par le Conseil international pour la Science et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, ont toutes deux souligné l’urgente nécessité d’agir simultanément sur plusieurs fronts.

Rio+20 a ouvert la voie sur certains de ces fronts, comme la protection de l’environnement marin ou des écosystèmes de montagne.

Le sommet a aussi réaffirmé la nécessité d’une collaboration plus étroite entre communautés scientifiques et décideurs politiques , une autre composante essentielle de toute stratégie future.

Mais la conférence a également souligné le défi politique que représente une modification de trajectoire pour une économie mondiale encore largement dépendante des carburants fossiles afin de faire émerger des modèles de consommation non durables.

Cela a montré par ailleurs que le monde développé n’est pas suffisamment engagé pour effectuer les changements nécessaires et en supporter les conséquences douloureuses, confirmant ainsi l’adage qui veut que ‘les dindes ne votent pas pour Noël’.

L’initiative revient maintenant au monde en développement et à ses économies émergentes d’apporter la preuve qu’ils peuvent mieux faire, par exemple, en jouant un rôle capital dans l’élaboration des futurs Objectifs de Développement durable, et faire preuve d’un engagement politique suffisant pour qu’ils soient traduits en réalité.

L’inquiétude suscitée par l’embarras diplomatique qui pourrait naître d’un échec éventuel ne doit pas les empêcher de prendre les risques politiques qui s’imposent.

David Dickson
Rédacteur en chef, SciDev.Net