02/09/10

Le stockage de l’eau a besoin d’une approche fondée sur des preuves

Des techniques appropriées de stockage de l’eau peuvent fournir aux communautés vivant en zone aride de l’eau vitale pour l’usage domestique, le bétail et la petite irrigation. Crédit image: FAO

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Pour Matthew McCartney, expert en hydrologie, il faut mieux comprendre les différentes stratégies de stockage de l’eau afin de faire face aux changements climatiques.

La rareté de l’eau est l’une des causes majeures de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté chez les populations les plus défavorisées dans le monde. Mais pour beaucoup d’entre elles, le problème n’est pas la rareté de l’eau en tant que telle, mais leur incapacité à gérer les variations pluviométriques.

Ainsi, en Afrique sub-saharienne où 95 pour cent des petites exploitations dépendent des eaux de pluie, la faible prévisibilité à la fois des quantités et du moment des pluies complique extrêmement les activités agricoles. L’absence de stockage de l’eau limite considérablement les capacités des agriculteurs pauvres à faire face aux sécheresses et aux inondations. Selon les estimations, ces difficultés coûtent à l’économie éthiopienne un tiers de son potentiel d’exportation.

Les changements climatiques devraient accroître la variabilité de la pluviométrie en divers endroits du monde, y compris dans les endroits où une plus grande pluviométrie est attendue. Par conséquent, gérer l’eau deviendra plus difficile et de nombreux agriculteurs pauvres bénéficieront d’une moindre sécurité de l’eau et deviendront de plus en plus vulnérables.

Or, dans de telles conditions, même de petits volumes d’eau stockés peuvent soutenir les cultures ou l’élevage pendant les périodes de sécheresse, augmenter considérablement la productivité agricole et économique et améliorer le bien-être des populations. Le stockage de l’eau a donc un rôle important à jouer dans la réduction de la pauvreté, le développement durable et l’adaptation aux changements climatiques.

Des investissements en liquide

Les solutions de stockage de l’eau doivent cependant être adaptées à l’objectif recherché. La planification des ressources en eau met souvent l’accent sur les grands barrages, et environ 40 pour cent des 50.000 grands barrages du monde servent à l’irrigation. Pourtant, si plusieurs de ces barrages contribuent significativement au développement économique, beaucoup ont également induit d’importants coûts environnementaux et sociaux avec un impact négatif sur les pauvres.

Dans le secteur agricole, les barrages ne constituent qu’une option parmi une vaste gamme de méthodes possibles de stockage de l’eau, à la fois en surface et sous terre. On peut citer les zones humides naturelles, l’amélioration de l’humidité des sols, les aquifères d’eau souterraine, les étangs, les citernes et les petits réservoirs.

Aucune de ces options n’est une panacée. Chacune présente des avantages propres en termes de faisabilité technique, de durabilité socioéconomique, d’exigences institutionnelles et d’impact à la fois sur la santé publique et l’environnement. Par conséquent, les impacts des différentes méthodes de stockage de l’eau sur la pauvreté peuvent varier considérablement en fonction du contexte géographique, culturel et politique.

Si ces paramètres sont suffisamment pris en compte, les solutions de stockage de l’eau peuvent être une réussite. Ainsi, au Burkina Faso et dans le nord du Ghana, des milliers de petits réservoirs ont été construits pour fournir de l’eau à usage ménager, pour l’élevage et la petite hydraulique. Plusieurs de ces ouvrages ont facilité l’adaptation des communautés à la vie en milieu aride, apportant une contribution positive à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des moyens de subsistance.

Ailleurs, le développement du stockage s’est fait le plus souvent sans coordination, principalement par le biais d’initiatives locales dans un contexte de planification minimale. Ces interventions se caractérisent généralement par une absence ou une mauvaise gestion des données, une communication insuffisante avec les acteurs locaux et les autorités chargées des questions de l’eau, ainsi que le manque d’une planification intégrée.

Trop souvent, cette approche ponctuelle a débouché sur des solutions de stockage inappropriées, avec des réservoirs envasés, des puits secs et l’aggravation de l’ampleur des maladies comme le paludisme.

Ainsi, en 2009, la plupart des quelques 4.000 étangs de captage des eaux de pluie construits par l’Etat et les organisations non gouvernementales dans la région de l’Amhara en Ethiopie entre 2003 et 2008 ne fonctionnaient pas ou avaient cessé d’être utilisés. Cet échec est dû à des facteurs variés, qui vont de la mauvaise sélection des sites, à des problèmes techniques et de conception (comme le recours à des matériaux inappropriés de revêtement intérieur, entraînant des infiltrations), et à un manque d’engagement dans l’entretien.

Des solutions flexibles

A mesure que la population croît, que la pluviométrie devient plus variable et que la demande en eau augmente, la planification et la gestion de l’eau s’avèrent de plus en plus difficiles.

En outre, toutes les options de stockage sont potentiellement vulnérables aux impacts des changements climatiques. Des sécheresses plus longues risquent de limiter la capacité de ces initiatives à accroître suffisamment l’humidité du sol pour les cultures. Et les étangs, citernes et réservoirs pourraient ne pas suffire pour soutenir les activités agricoles, ou courir le risque d’être endommagés par les inondations.

Afin de tirer le meilleur parti des avantages et minimiser les coûts du stockage de l’eau, il faudra prendre en compte une vaste gamme de facteurs complexes et interdépendants, d’ordre hydrologiques, sociaux, économiques et environnementaux. Mais vu le caractère incertain des changements climatiques, la planification devra également se montrer beaucoup plus flexible et intégrée à tous les niveaux.

Les solutions associant les complémentarités de différents types de stockage ont plus de chances d’être plus efficaces et durables que celles fondées sur une seule des multiples options. Ainsi, combiner le stockage en surface et le stockage sous terre, ou associer de petits réservoirs à des bassins plus grands – ces solutions intégrées pourraient corriger les déséquilibres entre l’offre et la demande, et ont déjà été appliquées dans certaines parties de l’Inde et du Sri Lanka.

Mais sans une meilleure compréhension des types de stockage les plus adaptés à des conditions agro-écologiques et sociales spécifiques, et en l’absence d’une planification plus systématique, de nombreux projets ne produiront pas les avantages espérés et pourrait même aggraver les effets néfastes des changements climatiques.

A l’avenir, la planification doit être fondée sur des preuves. Des études sont nécessaires pour aider à comprendre les conséquences sociales et environnementales des différentes options de stockage, les impacts d’une augmentation des interventions de faible ampleur, et surtout, les raisons du succès ou de l’échec des initiatives passées.

Des méthodes systématiques pour évaluer la pertinence et l’efficacité des diverses options, à la fois individuellement et en association, doivent également être élaborées.

Matthew McCartney est hydrologue auprès de l’Institut international de Gestion des Ressources en Eau à Addis Abeba en Ethiopie.