16/03/10

Il faut des réseaux africains pour développer l’enseignement supérieur

La constitution de réseaux peut contribuer à améliorer la formation des diplômés Crédit image: Flickr/mark.taber

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Pour Mammo Muchie, expert en innovation, les réseaux collaboratifs sont essentiels pour améliorer la situation de l’enseignement supérieur en Afrique.

L’enseignement supérieur et la recherche en Afrique ont été largement négligés, aussi bien par les africains eux-mêmes que par l’étranger, depuis les années 1980. Pour que l’Afrique rejoigne la communauté mondiale de la connaissance sur un pied d’égalité avec les autres partenaires, elle doit révolutionner ses systèmes de recherche, d’enseignement et de formation.

Cela ne signifie pas uniquement obtenir des subventions auprès des institutions. Si cela peut contribuer à rehausser le prestige d’ universités ou d’instituts de recherche, cela ne contribuera cependant guère à améliorer le système dans son ensemble. Au contraire, il est indispensable de favoriser et de soutenir un réseau qui puisse diffuser les connaissances et encourager les acteurs créatifs, les chercheurs et  les producteurs de connaissances.

La priorité doit  résider dans la promotion des réseaux auxquels les chercheurs africains vont s’affilier et apprendre les uns des autres. Ces réseaux doivent d’abord fonctionner en Afrique, etre mis en place à différentes échelles et dans de multiples forums. Une première étape serait la mise sur pied d’un projet panafricain d’accréditation universitaire.

Il est choquant de constater que ce système n’existe toujours pas, alors que les universités d’Afrique orientale ont récemment évoqué de nouveau la mise en place d’un système d’équivalence de leurs diplomes universitaires, ce qui permettrait de créer un système d’accréditation universitaire fonctionnant dans toute l’Union africaine.

Un partenariat

L’Afrique du sud va indiscutablement devenir un acteur important, car elle possède un système d’enseignement  supérieur et de recherche solide avec cinq universités apparaissants dans les classements internationaux. Le défi consiste à utiliser ces atouts pour soutenir les efforts d’autres pays.

L’Afrique du sud doit continuer à garder ses frontières ouvertes aux étudiants et chercheurs venant du reste de l’Afrique –  actuellement il y a plus de diplômés universitaires africains qui choisissent l’ Afrique du sud pour leur formation que Europe ou les États-Unis.

Le reste du continent doit encourager l’Afrique du sud à s’engager dans ses activités locales de connaissances. C’est déjà le cas dans certains pays. Par exemple, le Conseil national de l’Ouganda pour la science et la technologie coopère avec des chercheurs en Afrique du sud sur son ‘Initiative du millénaire pour la science’ et contribue, avec son prix scientifique conjoint, à stimuler l’innovation et améliorer les relations entre les deux communautés de recherche .

Sur une échelle plus large, l’Afrique a besoin d’un réseau de revues de qualité au niveau local – comme par exemple The African Journal of Science, Technology, Innovation and Development – pour diffuser les résultats de recherches et les connaissances, faciliter l’apprentissage en matière de politiques et un dialogue éclairé et encourager les chercheurs africains émergents à publier leurs travaux.

Développement de réseaux

Tout aussi importants sont les réseaux de formation qui permettent d’accroître le nombre de doctorants et d’inverser la forte baisse de la formation doctorale observée au cours des 30 dernières années.

L’on constate déjà quelques progrès en la matière. Les Africains membres du conseil scientifique du Réseau global pour l’économie de la connaissance, de l’innovation et de la construction de systèmes de compétence (Globelics), par exemple, stimulent et renforcent les capacités de  recherche et de connaissance en Afrique en invitant des scientifiques d’autres régions en développement et des chercheurs de premier plan de l’hémisphère Nord à interagir avec leurs homologues qui travaillent en Afrique et les aider.

L’African Globelics Academy for Research, Innovation and Capability (AGARIC) ouvrira sa première école doctorale en 2010. L’Académie Globelics décernera des bourses à dix doctorants africains chaque année pendant sept ans, qui collaboreront avec les meilleurs et les plus brillants chercheurs du reste du monde. Avec la création d’AGARIC, un plus grand nombre d’étudiants africains en tireront profit en invitant également des doctorants venant du reste du monde à travailler avec eux.

L’autre projet, proposé par l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud, est l’Académie africaine de doctorat, dont l’objectif est d’aider les doctorants à développer des compétences génériques. Si le projet initiale est destiné aux étudiants en arts et sciences sociales, il devrait s’étendre a d’autres disciplines dans d’autres universités africaines au Botswana, au Malawi, en Tanzanie et en Ouganda.

Aide de l’étranger

Mais les efforts ne doivent pas être limités au seul continent. Nous devons engager la mobilisation la plus large possible de toutes les personnes impliquées dans l’enseignement supérieur, la recherche et les connaissances afin de contribuer au renforcement des capacités en matière de formation et de recherche. La diaspora pourrait jouer un rôle crucial pour l’atteinte de cet objectif.

Pour ce faire, il faudrait, en se fondant sur les initiatives nationales, mettre en contact les chercheurs locaux avec leurs compatriotes partis travailler à l’étranger. Par exemple, en Éthiopie, nous avons récemment lancé sur Internet un réseau de chercheurs éthiopiens-Global (NES-Global) dans le but d’encourager une communication libre et ouverte entre ceux restes au pays et ceux partis a l’étranger. L’espace virtuel abrite des livres et une revue électroniques et sert également de bibliothèque et de kiosque d’informations où les universités éthiopiennes peuvent télécharger des matériels scientifiques.

Des efforts semblables pourraient permettre d’établir des liens avec la diaspora depuis d’autres parties de l’Afrique – il suffit simplement de prendre l’initiative.

L’Afrique a une longue histoire de division et de fragmentation – depuis la ruée des européens sur l’Afrique et les milliers de communautés qui l’ont précédée, jusqu’aux États d’aujourd’hui qui, pour la plupart, restent fragiles et dépendants de l’aide.

Il est temps pour nous de recoller les morceaux – par le biais de la mise en réseaux – et de travailler ensemble pour améliorer la qualité, la productivité, les capacités et l’utilisation des connaissances afin de transformer les sociétés, les économies, la politique et l’écologie africaines.

Mammo Muchie est un professeur sud-africain d’études sur l’innovation à l’Institut de recherche économique sur l’innovation de l’Université de Technologie de Tshwane, à Pretoria, en Afrique du Sud. Il est également professeur à l’Université d’Aalborg, au Danemark, et associé de recherches principal à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni.