16/10/08

Les législateurs aussi ont besoin d’une information scientifique de qualité

Des participants à l'atelier de Kampala partageant leurs idées Crédit image: SciDev.Net/Dickson

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Comment placer la science au coeur du processus de prise de décision politique ? Un atelier organisé à l’intention des chercheurs parlementaires s’est récemment penché sur la question.

Fidel Ayogu, un ancien parlementaire nigérian, se rappelle  parfaitement le jour où les fonds alloués par le gouvernement pour la réalisation d’une nouvelle adduction d’eau dans sa circonscription  s’etaient tarris –  alors que les travaux n’étaient qu’à mi-chemin. La raison, dit-il, était simple

Au lieu d’étudier les différentes  caractéristiques géologiques prévalant dans  chacune des circonscriptions  qui nécessitait  un nouveau réseau d’alimentation en eau, le gouvernement  s’était contenté de diviser l’enveloppe totale   en parts égales. Pour certaines circonscriptions – où l’eau est proche de la surface du sol – cette somme était largement suffisante pour couvrir les frais nécessaires à un nouveau réseau d’alimentation ; pour d’autres, elle était insuffisante.

D’après Ayogu, ingénieur de formation, actuellement Haut Commissaire du Nigeria en Ouganda, cette expérience était un exemple qui prouvait la nécessité pour les parlementaires africains  de disposer d’une expertise scientifique  qui permettrait d’examiner minutieusement les politiques gouvernementales. Elle illustre également la nécessité de traduire les connaissances scientifiques  pour les intégrer  dans la politique publique.

La communication est capitale

S’adressant à un auditoire de chercheurs provenant de 12 pays africains à l’occasion d’un atelier qui s’est tenu à Kampala, en Ouganda, le mois dernier, Ayogu a déclaré que de nombreux députés reconnaissent à la fois la pertinence et la nécessité de l’information scientifique  dans l’élaboration des politiques.

 « Mais le niveau d’utilisation de cette information dépend essentiellement de la façon dont elle leur est communiquée, et du niveau de pertinence de cette dernière par rapport aux préoccupations de leurs différentes circonscriptions », a-t-il ajouté.

Fournir aux parlementaires et aux chercheurs parlementaires les capacités dont ils ont besoin pour surmonter cette absence de dialogue et d’information a été le thème central de l’atelier, organisé par Scidev.Net, le Parliamentary Office of Science and Technology (POST) du Royaume-Uni, et le réseau africain d’études sur les politiques technologiques, avec l’appui financier de Gatsby Trust.

Les obstacles habituels

Les participants ont été sélectionnés parmi des parlementaires africains – au nombre desquels des greffiers, des chercheurs et des bibliothécaires – originaires  du Botswana, de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Kenya, du Malawi, de Namibie, du Nigeria, de Somalie, d’Afrique du sud, du Swaziland, de Tanzanie, d’Ouganda et de Zambie.

Ils ont identifié un certain nombre d’obstacles concrets à surmonter pour parvenir à intégrer les thématiques scientifiques dans les débats parlementaires, parmi lesquels le grand nombre d’informations que les parlementaires doivent emmagasiner en un temps relativement court.

Les autres obstacles identifiés étaient liés aux  ressources limitées disponibles pour la recherche parlementaire  mais aussi  à l’absence d’une « culture de lecture » en Afrique, d’après la formule d’un parlementaire. Certains ont reproché aux législateurs africains l’absence de culture scientifique, affirmant qu’elle relevait parfois d’une « phobie » de la science,  qui trouvait son origine dans l’enseignement de cette matière à l’école.  

Tous ces facteurs, ont conclu les participants de l’atelier,  sont des défis formidables pour la mise en place d’une politique fondée sur des résultats scientifiques.

Faire passer le message

John Mugambe, le président de la commission scientifique et technologique du Parlement ougandais, a  fqit état de l’importance de disposer d’une « information de bonne qualité » pour pouvoir examiner et discuter de manière appropriée les aspects scientifiques des projets de lois présentés au Parlement.

Il a poursuivi en ajoutant que "très souvent, les parlementaires s’appuient sur des conjectures ou tout simplement sur les impressions d’un ami".

Les chercheurs et les parlementaires  se sont accordés pour dire  que la mise à la disposition des législateurs de l’information scientifique passe par une meilleure communication. Et celle-ci est plus importante que la transmission de volumineux rapports techniques que peu de parlementaires sont susceptibles de lire, ce qui se comprend aisément.

"Les messages scientifiques destinés à des parlementaires doivent être clairs, simples, brefs et  aussi dépouillés que possible du jargon scientifique », a déclaré Agoya. Mugambe a acquiescé, avant d’ajouter :  « il y a une différence entre ce dont vous avez besoin et ce que vous obtenez ».

Premiers pas

Tous les participants à l’atelier  se sont accordés sur le fait que le défi de la mise en place d’un outil de communication efficace sur les questions ayant trait à la science est plus facile à évaluer qu’à appliquer. Ils ont, toutefois, envisagés quelques solutions.

L’une d’entre elles est l’organisation régulière d’ateliers de renforcement de capacités partout en Afrique. Ces ateliers devraient mettre l’accent sur l’évaluation des compétences dont les chercheurs parlementaires ont besoin, tant pour communiquer (la rédaction de notes documentaires), que pour repérer et interpréter l’information scientifique dont les législateurs ont besoin, en particulier l’apprentissage de la recherche d’information fiable sur Internet.

Afin de renforcer ces activités, les participants ont également convenu qu’un groupe de discussion en ligne, accessible uniquement sur invitation, constituerait un précieux moyen de partage d’informations et d’expériences pertinentes. Ce réseau a à présent vu le jour*, sous le nom d’AFRIPAR (après le Réseau de recherche et d’information des parlements africains). Il vise à promouvoir le développement et la transformation de l’Afrique par l’intermédiaire de services de qualité en matière de recherche et d’information.

Lors de l’atelier de Kampala, aucun participant n’a prétendu qu’il existait des solutions faciles qui permettraient de donner à la science un rôle plus important dans le processus de prise de décisions en Afrique. Mais tous  se sont accordés sur le fait que cette option est essentielle pour qu’à l’avenir le continent africain  ait une gouvernance efficace et transparente. Avec un peu de chance, l’atelier de Kampala sera la première des nombreuses  initiatives dans ce sens.

David Dickson
Directeur, SciDev.Net

*Pour  obtenir des renseignements pour devenir membre du réseau AFRIPAR, contacter [email protected]

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